dimanche 21 août 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'archipel radieux ( 9 ) .

Quelques flaques d’eau !!
L’eau ne s'attarde pas en Polynésie, le soleil ardent éponge ses sanglots et qu'ils soient grande colère ou chagrin passager , avec autant de hâte .
Contrairement à l'idée répandue, le climat de l'île n'est jamais caniculaire, une moyenne annuelle de 30 degrés  c'est une constante , cependant cette récurrence annule quasiment les effets saisonniers et lui confère ainsi une particularité météorologique exceptionnelle .
Oubliés pour un temps l'ombre généreuse du district de Piraé , la petite route empruntée depuis l'aéroport de Faa'a , les regards appuyés de quelques déesses aux moules insolents .
Ils étaient en situation de transit, et devraient s’accommoder pendant une quinzaine de jours de conditions d’hébergement plutôt spartiates .
Cette précarité ne les troublait guère, l’azur et ses escortes dardait tellement de festons nouveaux, d’incroyables dentelles , la terre exhalait de tels effluves , elle exhibait tant de couleurs , que de leur temps , de leur attention ils ne seraient jamais avares ...
Un océan de bonté !!
Arué camp luxuriant était enserré notamment par une bananeraie naturelle, une monumentale cocoteraie , de très nombreux arbres à pains et une infinitude de baies gourmandes et de fruits divers qu'il leur faudrait apprendre .
Ils croquaient dans la chair juteuse des ananas qui pendaient en grappes, ces petites escapades gourmandes autour du camp n'étaient pourtant pas si fréquentes , la crainte d'un recadrage peut-être .
Cependant ils n'y croyaient guère !!
La légion partageait leur ordinaire, statutairement rattachée au transit du CESP, situation moins enviable que la leur , une discipline relâchée certes , mais des comptes à rendre , toujours des comptes à rendre !
Ils étaient relégués à la bordure nord du camp .
Ces hommes parfois brillants, baroudeurs,  meurtris, en souffrance pour certains auraient pourtant leur compte de paradis aussi , ils vivraient la Polynésie comme les autres ... intensément !!

Surmonter les petites séquelles causées par l'énorme décalage horaire , ils 'y employaient car muter ainsi depuis l’hiver français pour tomber comme une nèfle sur les latitudes polynésiennes n’était pas sans provoquer quelques troubles, et pourtant la nécessité d’une adaptation rapide s’imposait à eux .

André était convaincu qu'il passerait douze mois sur l’île de Tahiti et que ses anecdotiques antécédents  culinaires ne pèseraient jamais sur le choix futur de sa prochaine affectation .
Il serait bientôt fixé .
Les moustiques attaquaient durs, par escadrilles soudaines, ces minuscules diptères sournoisement venaient sucer les épidermes .
La moustiquaire s’imposait , en effet il n’aurait jamais pu assurer ses premières correspondances sans l’aide du filet de tulle placé comme un baldaquin au dessus du lit.

Il venait d’être informé grâce au colportage sentencieux des « anciens » de toutes les commodités que la discipline militaire du camp autorisait , c'est ainsi qu'ils pourraient notamment déambuler dans le camp en tenue civile, un appel matinal très aléatoire était au programme , mais qu'en resterait-il vraiment dans quelques jours ??
La journée de "servitudes" militaire débuterait vers 8h30 et s’achèverait mollement dans la moins favorable des hypothèses vers 16 heures …

Une navette des armées assurait toutes les heures une correspondance entre le camp d’Arué et la ville de Papeete, elle prenait en charge indifféremment les déplacements de nécessité et de services , mais aussi ceux destinés aux loisirs de tous ordres , la petite ville côtière capitale emblématique de la Polynésie française était tellement prisée , il faut dire qu'elle ne manquait ni d’atouts ni de charmes , elle serait ainsi continuellement investie , de son embarcadère et de son monumental port jusqu'à ses plus secrètes ruelles , sans oublier bien sûr son prodigieux et très odorant marché .

La tenue civile habituelle se limitait au port d’un short, d’une paire de tong ou d’espadrille, d’une chemise souvent imprimée d’immenses fleurs de tiaré .
C'était à leur choix , la tenue militaire présentait certes moins de fioritures cependant chemises et shorts kaki n’étaient pas sans intérêt , trames aérées , style déstructuré , assurément un peu de l'esprit du grand Pierre Cardin !!
La première semaine serait administrative, quasi consigne au camp, sollicitations diverses pour de courts entretiens , paperasses à signer , le temps du transit serait rondement mené !!
André se souvint à quel point ces petits rotations fréquentes restaient béates prises dans une ivresse enjouée se mêlaient aussi aux odeurs capiteuses du camp des relents miellés venus de Papeete, sans doute produits par l’industrie du coprah.
Le soleil pointait ses rayons sans trêve , quel extravagant privilège , quel dépaysement , les lois naturelles du pays semblaient régies pour les seuls agréments de la félicité.
Il était bien déterminé à en prendre sa part !!

A peine venait-il de s'acclimater qu'il fut très vite convoqué par le capitaine de compagnie, celui-ci l’informa doctement de son affectation finale en lui précisant qu'il se chargerait de l'intendance !
Direction l’Archipel des Tuamotu, l’atoll de Tureïa très précisément.
Il venait de recevoir une énorme claque, pensait-il , cet ordre militaire officiel serait sans appel … passerait-il ainsi du paradis vers l'enfer ?
Il manifesta un peu de dépit et fut assez maladroit pour en faire part à sa hiérarchie militaire.
Ce manquement aux usages lui valut quelques sévères remontrances, il provoqua incidemment le courroux du capitaine !!
Le départ pour Tureïa était prévu pour le début de la semaine suivante.
Un bon nombre de ses camarades connut des situations analogues, d’autres archipels seraient ainsi pourvus et leurs îles ou atolls !
Il fit contre « mauvaise fortune » bon cœur, rassembla son paquetage et se tint prêt .

Il était bien loin de se douter des aventures exceptionnelles qu'il allait vivre et ne savait rien , mais alors rien du temps réel que durerait cette mission !!


Noël Vallier



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