jeudi 29 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .




L'Archipel radieux (suite) .

Au camp de détente d’Arué l‘ambiance était plus feutrée.
André s’adonnait à la plongée, tuba et palmes, la discipline ne présentait pas de difficultés particulières , il fallait maîtriser la nage et  posséder la technique de l'apnée .
Autrefois son cousin René l’avait balancé dans l'un des creux profonds de la rivière « Ouvèze » un peu en amont du pont de Mure .
Il balança son copain Yvon avec la même ardeur " vous saurez nager avant ce soir !!" leur avait-il dit .
Ils avaient six ou sept ans …
Ils gigotèrent pendant d'interminables secondes , la trouille au ventre , avalèrent quelques tasses , puis enfin se rétablirent avant que de se stabiliser .
Ce n’était pas très académique mais ils restaient en surface , ils barbotaient à qui mieux mieux et connurent peu à peu le bonheur de la victoire .
Ils possédaient enfin une technique propulsive et les deux lardons tels de jeunes chiots firent pour la première fois de leur vie la nique à l'élément liquide !!
Eux qui redoutaient tant des profondeurs et des mystères du courant !!
Le cousin sans scrupule avait gagné son pari , et sans prendre le moindre des ménagements !!

André pouvait aujourd'hui s'équiper de tuba et de palmes .
Il prendrait une large distance bien au-delà de la limite du ponton , puis parvenu au point de la meilleure verticale il piquerait en direction des coraux prendrait quelques précieuses provisions ; nacres épaisses joliment bleutées et orfèvreries diverses ...
Très convoitées les plus belles nacres , sept doigts , bénitiers , le fond de sable fin à peine à une centaine de mètres du camp regorgeait déjà de tous ces trésors !
Encore fallait-il se donner un peu de mal …
Il y faisait aussi des rencontres avec les murènes, lesquelles pointaient à la vitesse de l'éclair leur sale gueule depuis leurs labyrinthes de corail.
Elles auraient pu souvent le saisir au bras et lui mordre les chairs s’il n’avait su devancer leurs intentions.
Mais il revenait le panier bien garni , encore étourdi par la pression de l'eau , souvent à bout de souffle mais heureux.

Il était tombé sous le charme d’une ravissante « demie Tinto » disait-on , conséquence heureuse du métissage chino-tahitien.
Ils se retrouveraient le soir même au « Bounty » .
Il lui fallait contenir son impatience , il imaginait les slows tendres , les fiévreux enlacements vautrés dans le moelleux profond des banquettes de cuir rouge !!

Nos amis termineraient la journée autour du baby-foot , le soleil déclinait doucement à l’ouest , peu à peu  le centre de loisirs se viderait de son monde, seuls traîneraient longtemps les échos de ravissantes sourdines, ces musiques tahitiennes toutes de langueur imprégnées , venues depuis la nuit des temps , rythmées par les cordes enjouées des banjos.
Quelle félicité …
Souvent inspirés par des envies de fêtes , puis aussitôt en branle , guitares , cuivres , percussions , suintaient bien après le folklore ou le drame musical du fluide pénétrant du Jazz.
Fleuries , saisissantes , révélant les joies profondes du peuple et s’agaçant de ses peines , riffs cinglants collés sur la chair de ses cordes , la musique embarquait dans ses limbes , l’auditoire , les acteurs , le public , tous les partenaires , conquis et enthousiasmés .

Les formations musicales tel le pain de la cène s'additionnaient incessamment , toutes avec brio, le banjo ou le ukulélé prenaient la part belle , puis s'en mêlaient batteries et cuivres , enfin l’orgue électrique venait soutenir l'harmonie .
Il iraient ainsi de bringues en bringues , de vertiges en vertiges , le peuple polynésien serait ainsi sans cesse imbibé par l'ivresse de ces jeux !!
Se pressaient sur les grandes terrasses des brasseries chics de Papeete les touristes fortunés de la planète tous attirés par cet irrésistible rythme !!

Au coeur profond de la ville des solistes moins en vogue , mais avec la même énergie , le même talent donnaient de l'embrasement dans toutes les ruelles .

Noël Vallier

mardi 27 septembre 2011

Un p'tit tour ...


Ma culture se marre elle se marre et très chers
Sont les vers qui la hante avant que de vieux vers
Les anneaux tortillant dodelinant arpentent
Et bavent leurs fredaines leurs puants mots amers

Lyrisme classique torrents lourds ou cascades
Je donnerais très cher aux charognards gluants
Pour qu’un tempo chéri freine leurs sombres ballades
Et sur mon occiput s’arrêtent et lisent mes vers branlants

Dieu que ma peine est grande d’être si peu grandi
Devant vous en ce jour au terme de mes rebelles
Colères imprécises vertus que je brandis
Précédant j’en suis mieux l’organdi de ma belle

Ma belle ma femme belle le bonheur de ma vie
Celle qui m’aime tant ma beauté mon miracle
Mes petits vers de prose tous je te les dédie
Toi qui su me donner de tes ardents oracles

Ma culture s’épuise le fond de lie tari
Me souffle encore des mots tirades de nécropoles
La Toussaint est très proche sur ses marbres fleuris
Je m’inspire en pleurant de leurs vers qui consolent

Qui serons nous demain post-putréfaction
Traversés de galeries dans nos vieux troglodytes
Nos demeures inertes les vers dans l’affliction
Qui serons-nous demain dans cette glu … ce gîte


Noël Vallier


































dimanche 25 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( suite ) .

Les réveils au camp étaient joyeusement civils , il leur fallait simplement intégrer leur job à l'heure prescrite rarement dans la précipitation , c'est ainsi que livrés à eux-mêmes André et ses amis jamais ne virent l’ombre d’une barrette ou d’un galon.
La toilette du matin était tranquille , une douche en sifflotant , puis ils gagnaient le réfectoire , les odeurs  mêlées du pain chaud et des croissants étaient les mêmes , conformes à ses envies , comme celles qui transpiraient depuis les plateaux de la boulangerie Escudier à Flaviac , pétrin et finesse en moins et jamais l'amabilité de la boulangère ...

Il apprit l’existence d’un camp de loisirs militaire qui se situait quelques kilomètres en amont.
Vaste surface dédiée au repos et à la détente , épatant endroit où se croisaient militaires et civils , souvent vêtus de chemises paréo , manches flottantes sur leur peau cuivrée , séducteurs singuliers cheveux courts et visages joliment émaciés .

Puis venues depuis leur faré confortable resquillant peut-être quelques libertés , débarrassées pour un temps  de l'encombrant paternage militaire , une charmante clique de nanas , jeunes pousses en voie d'émancipation  venaient fureter et s’ébaudir de la présence des mâles …
Certaines étaient charmantes, d’autres jolies ou belles , d'autres telles des cruches étaient assises en rang d’oignons , inertes , transparentes.
Les plus assurées souvent jouaient l'indifférence , distantes , détachées elles finiraient pourtant par minauder aguicheuses chevronnées et les garçons aussitôt de s’extirper de leur misère !!
André et ses amis autour d’un coca s’amusaient de leurs manières , et pourtant ils s'échappaient tout juste de leur innocence , jeux partagés , jeux délicieux et se perdaient souvent dans l’eau brûlante de leurs yeux quelques quêtes ardentes , d'irrépressibles sensualités .
Ils les retrouveraient souvent au « Bounty » boite de nuit sélect de Papeete .
Le "Qu’uenns »  lui , près de l’embarcadère contenait son vacarme et le soir venu n'en pouvant plus il ferait se tordre les tôles de sa couverture !!
Lieu de grande liberté , souvent imprévisible il était un immense troquet confraternel.
Papeetiens, Papeetiennes, tahitiens des districts , filles en goguette , rae rae , militaires du rang , engagés et  légionnaires , se coltinaient toutes et tous les avantages ou les aventures provoqués par l'alcoolisation ordinaire .
Étonnante sociabilité que celle du rae rae , ces enfants mâles d’une fratrie promis à des destins plus délicats ces filles virtuelles ondulaient du popotin avec un naturel désarmant .
Ces étranges personnages totalement intégrés n'étaient que très rarement moqués , charmants ils intégraient avec bonheur toutes les sociétés .
Les vahinés elles étaient transportées par une grâce unique , un érotisme flamboyants , paréos très court enserrant les chairs à mi-cuisses , les rae rae ne feraient pas le poids , la sensualité torride des unes anecdotisait le statut androgyne des autres !!
André admettait cependant combien les mœurs de cette époque Tahitienne étaient libres ….
Le «Qu’uenns » bricolé de ciment et de tôles vivait au cœur d’une flopée de commerces , il échappait ses vapeurs et ses effluves , se mêlaient relents de bière et persistances suintées d’huile de Monoï.
Les bagarres étaient fréquentes , brèves et soudaines la police du port avait fort à faire pour rétablir l'ordre elle trouverait souvent l’endroit défait dans un charivari considérable !!

C’était ainsi le bar mythique de Papeete faisait résonner quelquefois le vacarme de ses tôles jusqu’au cœur de la ville.


Noël Vallier .

vendredi 23 septembre 2011

Retour vers le Coiron ...


Pays de landes drues balayées par la bise
Luzernes appliquées chichement au cordeau
Basaltes érodés genêts ajoncs s’épuisent
Où broutent de gourmands appétits de troupeaux

Ovidés et bovins équidés terres rousses
Novembre exhale fort, odeurs de bêtes thym
Dans nos assiettes belles le dimanche les brousses
De nos rupins festins en assure les hymens

Qui aime s’enivrer du tournis des rapaces
Frissonner d’un piqué missile qui foudroie
Garennes étourdis martres apeurées qui passent
S ébaudira des heures à guetter guerres et proies

Crasse sot qui médit sur collines et dunes
Se gaussant des ruraux et empiriques flots
Des mots cassants ou verts teintés de clairs de lune
Fracassés dans les villes par de sournois halos

Poussé par quelques urgences, étroites aventures
Traversant le boulevard chahuté par des fous
Indulgent terroriste j’achète je charge j’assure
Dans l’urgence et l’horreur mon retour vers chez nous


Noël Vallier


Frivolités ...


Si je parle d’amour je veux petite prose
En vers ce sentiment je le peux tendrement
En confident veux tu que je dise ces choses
Je le peux jolie fleur je le veux follement

Si mes mains étaient folles aux soies de ta corolle
J’en confesse l’ivresse et j’en fais le serment
Mon cœur battait si fort sa boussole si folle
Que le nord froid fuyait restaient mes tremblements

Farouche tu étais non jamais tu étais drôle
Ton corps et ses trésors tu m’offrais follement
Et quand j’étais bouillant tu criais que j’enrôle
Tes chairs tes cris tes monts tu le disais crûment

Nous avons toi et moi caressé tard des heures
Nos plaies d’amour ouvertes nos vertiges béants
L’interdit n’était point … mais voilà que tu pleures
Tu me dis que tu m’aimes que tu m’aimes séant

Entendre qui peut dire que je n’entendis guère
L’écho de tes clameurs secouait tout mon sang
Mais l’âge où l’on butine était un temps naguère
Où désordres et malices bousculaient tous les rangs

Alors je caressais j’aimais d’amours sincères
Ces fleurs que je croisais j’en buvais goulûment
La soie de leurs bourgeons leurs larmes de cratère
Aujourd’hui mes regrets sont ces vers ces petits ornements


Noël Vallier
 


Cigales et Grillons ...


Je laisse flâner ma prose et aussitôt elle me renvoie aux cricris des grillons !!
Allez , replongeons un instant  au cœur des années cinquante, nous les survivants, bambins, gamins, adolescents de l’immédiate après-guerre …
Oui je l’avoue j’ai préféré les grillons aux cigales , non pas que les cigales n’eurent et non aucun attrait  j’aime aussi ces homoptères et je me loue de tant m’émouvoir à l’écoute ( souvent distraite ) de leurs  interminables sarabandes .
Que serait un apéro d’été sans cet embarquement qu’elles dérobent à nos sens ?
Une beuverie sans intérêt et pour ceux qui ne peuvent se défaire du Pernod pire encore puisque assortie d’un boulier de la pire espèce comptable amusé de tant de misères.
Je reviendrai un jour sur mon apéro idéal !!

Et les grillons me direz-vous ?!

Alors là c’est autre chose !!

C’était une sorte de murmure comme une petite musique de xylophone, au loin souvent pas toujours cependant les plus hardis jouaient leurs complaintes si prés de nos oreilles qu’on eut pu peut-être entrevoir le galbe de l’une de leurs pattes en écartant quelques touffes de luzerne …
En ce milieu avantageux des années cinquante, les heures étaient douces, avides de plénitudes et gourmandes de nouveaux bonheurs.
Les grillons le savaient qui donnaient le meilleur d’eux même aux premières heures tendres du début de la nuit.
Ils étaient partout, en concertistes avisés ils s’accaparaient le chemin de la cigale qui monte vers le cimetière et vers les cerisiers de chez Pradal ça pétait le feu avec leurs cymbales.
Le souvenir de leurs cricris est une affaire de première sensualité, nous nous serrions fort à l’appui du parapet avec ma première nymphette, nous avions onze ans et dût-il me censurer Dieu le Père ne pourra m’empêcher d’avouer à quel point cette nuit là je ressentis fort, très fort nos complémentarités et nos différences.
Un long baiser fougueux éteignit un peu de l’incendie !!
Et les grillons que d’en remettre couche après couche sans jamais nous lasser  …

Ils venaient chanter à la mi-août pour s’en aller vers le 20 septembre et nous les aimions tendrement, ils possédaient tant cette musique fraîche que les nuits les plus pesantes finiraient par s’imbiber de cette vaporeuse moiteur !!

Les grillons sont plus rares de nos jours, toutes fenêtres ouvertes nous tendons l’oreille mon épouse et moi et c’est à peine si nous distinguons loin, très loin comme une sorte de clameur, mais curieusement bridée, étouffée.

Les grillons ont peur !!



Noël Vallier.

jeudi 22 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux (suite )

Au camp d’Arué la dernière séance avait les faveurs de l’équipe et c’est au nom d’une vraie solidarité qu'il en était ainsi.
Trois cuistots , trois copains de chambre , et les collègues administratifs resteraient à les attendre , la plupart s'accommodant de leurs horaires décalés , c'est ainsi que la bande au complet gagnerait la cathédrale au toit de palmes , elle restait soudée et fraternelle .
Au programme deux séances consécutives et tous les soirs, bien ingrat celui qui mégotait sur les bonnes dispositions du ministère , l’ambiance était festive , l’encadrement bienveillant.
Les soirées se prolongeaient tard bien après l'heure du ciné , à Papeete surtout où ils pourraient tomber sur des endroits de petites débauches et s’encanailler au fil de quelques-unes de leurs turpitudes .

Jusqu'à tard dans la nuit ....

Oublié l’archipel , paradis expéditif qui le vit un peu vaciller , aujourd'hui saisi par les insondables luxuriances de Tahiti , il y vivait souvent des nuits intenses , il se souvient toujours de ses formidables sensations olfactives , il n'oublierai jamais ce goût tellement particulier que procure le bonheur .

André commençait sa journée à 9 heures, terminait la première partie de son service à 14 heures 30 la reprenait à 18 heures pour s’en libérer vers 20 heures.
Les services de vaisselle et d’entretiens étaient assurés par une équipe de femmes tahitiennes , parmi elles deux bombes authentiques , que faisaient-elles trempant ainsi dans l'eau de vaisselle et comment avaient-elles pu accepter que l'on réduisit ainsi leur spectre !!
Certes ni la plonge, ni le service, ni les taches ménagères sont activités dégradantes , mais leur ravissant minois , le galbe de leurs hanches , leurs fesses oh combien joliment anatomiques et leur espièglerie minaudière méritaient sûrement d'autres destins et pourtant elles se contenteraient de faire se tourner en bourrique toute la brigade …
L’ordinaire était torride, André se trouvait plus que de raison dans leur ligne de mire , aussitôt il ressentait désir et fièvre , il prit l'habitude sur leurs demandes insistantes de les aider en fin de service à évacuer les poubelles.
Ils prenaient alors un petit chemin fleuri , puis ils contournaient le bâtiment avant que d’atteindre le petit seuil de la remise.
Le petit trajet n'était pas sans lui réserver quelques agréables surprises .
Ils prirent goût à ce petit rituel .
André jamais ne le regretta ...

Il arrivait quelquefois que l’ordinaire du jour ne satisfasse pas pleinement  les gourmandises de ses copains de chambrée.
Il prélevait alors quelques victuailles choisies parmi les plus rares , ces petits détournements donnèrent lieu à quelques ripailles tardives , doit-il confesser aujourd'hui quelques chapardages humanitaires , quelques resquilles ciblées .... Ah , saucissons , fines terrines , jambons crus , et bien d'autres délicieuses et rares gourmandises ...
Pour en terminer avec l'évocation culinaire, comment ne pas mentionner ici l'importance du repas dominical tellement attendu .
Il était fin , presque gastronomique , les cuisiniers mettaient les petits plateaux dans les grands , navarins , blanquettes , tendrons de veau , bourguignons , à volonté !!
Et que dire des fromages , desserts , toutes ces farandoles de tartelettes , mille feuilles , religieuses, babas , souris glacées , pâtes d'amande ou tête de nègre .... de quoi satisfaire bien de leurs envies gourmandes .
L’armée n’était pas chiche , le dimanche restait un jour extraordinaire , et sous ces latitudes, autochtones  et métropolitains se régaleraient du même pot .
Tous présentaient des humeurs et des dispositions heureuses , l’île jour après jour lui paraissait plus enchanteresse , le léger frisson de ses fleurs exhalait le parfum des suintements de la délicate poisse de leur nectaire.

La nuit serait paisible après ces quelques plaisirs volés à la providence, ils se seraient informés des dernières nouvelles en provenance de la métropole.
La radio passait en boucle ‘C’est extra » de Léo Ferré, André tombait sur ses fesses, l‘artiste victime de son génie avait-il commis par inadvertance un succès commercial !!
Texte génialement métaphorique , comme d'habitude mais était-il seulement toujours compris ?
Peu importe il rallierait à lui un auditoire tellement vaste !!
Puis le grand Léo reviendrait à ses premières amours ….
La belle mélodie, la belle chanson se turent paisiblement et la nuit Tahitienne enveloppa de ses douceurs le silence retrouvé du camp.

Noël Vallier .


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Andalouses

Andalouses .


Dans ma maison des songes il est une douce alcôve
Un repaire une geôle un trésor un palais
Ou mes amours rangées au fil du temps cajolent
A l’aube de mes nuits ses douloureuses plaies

Se bousculent alors sur les pages espagnoles
Celles que je feuillette par l’indigo poussé
De l’azur andalou mes désirs qui s’étiolent
Aux quêtes impossibles de flamenca beautés

Ces femmes au regard noir enserrées de mantilles
Aux rythmes des tziganes viennent le soir hanter
Mon cœur qu’elles écorchent de quelques banderilles
Avant que d’une charge nuitamment l’encorner

Mes sommeils écarlates où leurs talons résonnent
Au rythme de leurs claquettes qu’elles claquent aux pieds
Rêvent dans ce tumulte aux charnelles révoltes
A l’hidalgo des rondes où j’aime me glisser

Ivresses de mes nuits où ma conscience frôle
Engluée dans les frasques d’un carnaval rêvé
Le goût des souvenirs et leurs romances folles
Toutes mes amours conquises sur d’ingénus brasiers

Dans ma maison des songes où mes nocturnes grondent
Résonnent des broncas de brunes affligées
Quand mon épée tendue et sa muleta plongent
Pour de sourdes vengeances dans leurs chairs enragées



Noël Vallier


jeudi 15 septembre 2011

Femme seule ...


Que sont devenues les phrases et leurs rondes de mots
Aujourd’hui logorrhées anémiées atones pour quelques sots
Le mot d’amour le sait son voyage est ailleurs
Pour toi ma jolie biche il est bordé de fleurs

Il suffit douce belle que nos chemins se croisent
Il suffit bel amour que tes yeux bleus me toisent
Et que ton doux parfum fouetté par tes cheveux
Se libère à l’instant et je passe aux aveux

L’obsédante présence de la chair de ton membre
Silhouette façonnée par le dieu des péchés
A tenu ces trente ans par la grâce de l’ambre
Que son voile discret inondait de psychés

Les mots que je choisis pour décrire mes maux
Ne sont que mots toujours les mêmes pour te prendre
Enfin te capturer et flirter tes émaux
Avant que de mon cœur ne rompent plus que cendres

Le violent sentiment que mes sens étourdis
Portait vers le charnel le décousu des lèvres
De tes lèvres offertes suintées jamais ourdies
Sanglotait mille rêves aux confins de ta plèvre

Ton amour c’est ma lèpre et sous ma peau rongée
Par les ans les années mes tendresses sont neuves
Le reflet du miroir voit tes rides épongées
Par la grâce du biseau où tes sourires pleuvent

Je revois les talons qui portaient haut tes bottes
A tiers mollet de naître ne cessait mon désir
Tu étais la lumière ses reflets d’or et sottes
Mes quêtes de tendresse tuèrent ton plaisir

Sirène tu le fus à la proue de ma gîte
Mon sextant s’affolait et je déboussolais
L’écume et les mousses avant que ne s’agite
Le dernier râle fou mes cris d'Orfraie mêlés

Mes mots ne sont que rêves et depuis ces foucades
Que je veux voir ainsi pour ne plus en souffrir
Je te devine encore crois te voir sous l’arcade
De tes reins cet arceau qui me fit tant mourir


Noël Vallier
















mercredi 14 septembre 2011

Saison du vin ...


On se sert d’abord de son nez, l’odeur du bouchon peut-en dire … court certes mais peut-en dire …
La couleur ?? Bof pourquoi pas mais je ne m’y attarde pas vraiment, sauf à surprendre quelques dépôts alors méfiance !!
Il convient alors de décanter.
Carafer, décanter, aérer c’est selon si le breuvage est limpide.
Toujours le nez, longuement le nez une fois le nectar au fond du verre, narine après narine puis les deux ensembles pour s’enivrer de son foisonnement.
Narine gauche et narine droite, vous verrez les sensations olfactives sont différentes, l’une appréhende le fond terreux du vignoble, l’autre le bouquet abouti …
C’est en tout cas ce que je ressens !!
Puis on le mâche, on le gicle entre ses dents une dizaine de secondes avant de l’avaler serré en  l’aspirant ….
Comptez les secondes (caudalies ou longueur en bouche) et si toutefois le vin revient objectivement en salivation après vingt secondes au moins vous serez alors en présence d’un grand breuvage , technique très édulcorée pour une version très personnelle , d’autres experts vous parleront de persistance en bouche après le « craché » .

En boire peu , bien le boire , et soyez-en convaincus  notre belle région des côtes du Rhône produit des vins exceptionnels , grandes gardes et grands crus mais aussi des vins de pays très remarquables , tous proposés sur une gradation de prix ouvrant le marché à quiconque !!

Alors les sens en éveil, tous les sens pour cette charnelle attitude, et cerise sur le gâteau voilà une merveille que l’on peut aussi boire.

Pas si fréquent !!

Étonnant … non ??


Noêl Vallier.



L'Archipel radieux ( suite ) .




L'archipel radieux ( suite ) .

André n'avait connu que le seul climat métropolitain .
Cette belle histoire des saisons , trimestres contrastés et le jeu facétieux de la terre et du soleil  qui préservait du pire , tempérant ici les extrêmes redoutées des grands froids ,  protégeant là d'une canicule trop prolongée et de ses accablements .
La douceur monocorde de la Polynésie n’était pas son contraire, elle était une alternative heureuse, saison sèche et saison humide disait-on …
Pour distinguer les petites humeurs changeantes de cette météo binaire il fallait se souvenir de quelques convulsions climatiques , de ces soudaines précipitations susceptibles de déverser des trombes sur ces terres célébrées et munificentes.
Aussitôt les alizés fraîchissaient, la température pouvait redescendre …
23 degrés … le grand froid !! L’humeur générale pendant ces quelques jours serait maussade.

Les saisons de la métropole étaient si différentes !!
Petit quand il craquait la neige chaussé de ses godillots cloutés André doubles chaussettes aux pieds , maillot de corps tricot et gilet , duffel-coat épais couvrant au-dessous des genoux , moufles et bonnet pour les menottes et les oreilles , il pataugeait dans l’hiver petons au sec les yeux grand ouverts sur un pays feutré énigmatique aux odeurs humides de bois brûlé.
Aux premiers signes venus du printemps il se déshabillait prudemment, le froid pouvait encore cogner ses derniers coups de massue.
Combien de retours de gelées soudains explosèrent bourgeons et sèves, combien d'hommes se lamentaient  paysans effondrés puis résignés , effleurant de leurs doigts gourds les protubérances éclatées par la perle de glace , cognant de leurs brodequins sur la croûte raide de la terre en s’abîmant les semelles sur ses fissures meurtries.
L’été venu les mois de juillet et d’août étaient chauds , très chauds , il se souvenait de l’ombre bienfaitrice des fruitiers , celle déployé par les grands feuillus, des promenades avec mémé , protégé par la grande ombrelle du cagnard brûlant.
Tricot de peau léger, short et socquettes, sandalettes solidement bouclées, ils partaient tous les deux pour de longues promenades là-haut vers les petites montagnes à l’endroit des bises fraîches et des ruisseaux clapotants .

Puis l’automne pointerait son nez , il jaunirait  les feuilles des caduques et mort s'en suivrait elles voletteraient fouettées par la bise pour une dernière pirouette.
André traînerait un peu dans la gadoue grappillerait quelques graines de vieux raisins oubliés , planqués sous les ceps roussis , baies confites à cœur miraculeusement préservées malgré vents et premiers froids tout au long de ces coteaux abrupts .



Au camp d’Arué le cinéma proposait deux séances de suite , il fallait satisfaire la demande de l‘ensemble des personnels militaires.
La programmation était diverse , cependant la tendance était aux westerns , péplums , polards . Moins de films d'auteurs à se prendre la tête pour entreprendre de vastes réflexions !!
L'armée ne s'auto détruirait pas ,  les arguments du septième art étaient passés au crible , le propos du cinéma à Arué jamais ne déborderait du conformisme institutionnel !!

Ils formaient une joyeuse bande d’avisés cinéphiles .
Bruno et Bernard tenaient un registre sur lequel étaient répertoriés tous les films visionnés, chacun d’entre eux était apprécié puis noté , de une à six étoiles , la palette était large ce qui rendait l’exercice encore plus exigeant.
Bien qu'ouvertes à tous les critiques des deux experts comptaient de plus forts coefficients , mais les copains auraient toujours dans la tête l’Ouest américain ses épopées et ces obsédantes complaintes des cow-boy !!

André se souvenait encore .
Il s'était assis bien des fois dans les profondeurs des fauteuils moelleux des "cinémas" Valentinois , il avait quinze ans à peine , il se souvient de la petite loupiote des ouvreuses , toujours charmantes en bel uniforme bleu , petit galurin assorti .
On n'en comptait pas moins de cinq cinémas .
Trois d'entre eux aux noms évocateurs occupaient les premiers niveaux de magnifiques immeubles de style Haussmannien  « Paris, Provence, Palace » !!

Il dépensait toutes ses sous dans ces salles de rêve, connaissait l’histoire cinématographique de l’époque sur le bout des doigts , encyclopédiste acharné du genre il ne cessait de mettre de l’ordre dans son petit savoir et lui donnait ainsi toujours plus de consistance.
Au Provence  la tenture lourde d’épais velours mauve dissimulait une scène large et profonde.
L’ambiance musicale était soignée , pas une seule faute de goût , souvent « américaines » incompréhensibles hélas pour les unilingues de l’époque , les mélodies étaient sensuelles et gaies, crooners en vogues et Lady fiévreuses à la voix obsédante.
Puis le rail enfin rabattait sur ses angles les imposants panneaux , un léger crissement suivait la manœuvre et enfin peu à peu la pénombre gagnait la salle.
Documentaire , entracte , et toujours souriantes sous leur petit galurin bleu les ouvreuses joueraient à la pie qui chante !!
Le facétieux petit mineur de Jean toucherait une fois encore pleine cible , André dans son fauteuil était ivre de bonheur !!

Noël Vallier .

lundi 12 septembre 2011

Crassier et dentelles ...


Crassiers et dentelles 

J'ai de tout temps aimable tu corpus et ma gueule
Ah ces individus étranges simples sémillants
Dieu que souvent oui Dieu je les vis souvent veules
S'agitant sans rien craindre du moindre des jugements

Hello Marc et Jany Cunégonde ou Chantal
Les amis de Gontran les copains d'Emmanuelle
Les oncles et les gendres parfumés de Santal
Au fond du pré au loin couverts par quelque ombrelle

Étions nous tant moqués bas roturiers des places
De l'église ou d'ailleurs souvent des libertés
Gardions nous sur nos têtes dans nos cervelles crasses
Le poids sec de l'opprobre et leurs tasses de thé

Ou diable se trouvaient-ils si loin des communales
Par quels lieux quels districts quel préau fut leurs jeux
Apprirent-ils si peu que leurs deux astragales
Qu'ils traînaient nonchalants bottèrent toujours gueux

Nous étions plus nombreux tellement plus ... sable jaune
Un bâton dans la main dans l'autre une pomme
Passant les lyonnais Bastide et Gentilshommes
Plus haut toujours plus loin nous contournions les gones

Oh crassier de mon temps sable épais qui écorche
Combien fous furent nos jeux sur sa poudre de roche
Et ces égratignures et ces plaies pour nous proies
Petit sang du petit môme oui souiller le quartz roi

Aujourd'hui un peu plus chaque jour se rétractent
Les bords dégoulinant de la montagne .. enjeux
De bien des souvenirs qui tous se carapatent
Un peu comme la vie doucettement sous nos yeux

Noël Vallier

Jazz ...








Jazz ici ici la là le scat ici-bas rien ne va
Sans le jazz sans le scat les notes lasses en bas
Traînent leurs corbillards sur des sols miséreux
Que portent des clefs mornes vers leurs pênes fiévreux  

Jazz toujours dans la tour et ces tours mon amour
Que tu joues en solo moquant mon sax le jour
Renvoient des sentiments forts et fous qui accrochent
Le soir venu la soie le velours de mes croches

Je pianote la nuit et mes doigts fous se glissent
Sur les blanches et les noires qui caressées se dressent
Et glacé cet ivoire de touches que je touche
Bouillant de jazz swingue inondant le sommeil de mes souches

Le violon et ses cordes piano et contrebasse
Les cuivres et les rythmes de ta peau si tendue
Entraînent les maracas qui sur mes parties passent
Me renvoyant sans cesse vers l’olympe perdu

Dans le bas de mon ventre le jazz ce fou d’amour m’appelle
Et de tressaillements vers toi je suis porté
Par les baguettes claires quand sur sa peau les belles
Balaient mon cœur sans trêve d’un tempo escorté

Jazz ici jazz chéri toujours là dieu des fous et des âmes ici-bas
Ma chair tremble et se perd dès la voix de Sarah
Jazz je suis fondu de toi et les spleens d’Holiday
Font des jours bleus qui passent d’éternels Saturdays


Noël Vallier














dimanche 11 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


Que se passait-il en France ?
C’était la fin du mois d’avril , André entendait sa mémé Fifi lui répéter « en avril ne te découvre pas d’un fil , en mai fais ce qu'il te plait » proverbes aujourd'hui orphelins , combien de fois les avaient-elles récitées toutes ces vérités , banales pas si sûr , cousues au fil précieux du bon sens , jolies escortes des vies d'antan ces vies rudes de semaine et leur dimanche comme un ornement , jour de festin et de grand soleil , jour de partage jour de la grand-messe , joie des piétés et du missel .

C’était tout juste le dernier tiers du vingtième siècle , elle avait quatre vingt seize ans, elle s’éteindrait à cent ans, six ans après le retour de son minot ….
L'autre mémé sa fille avait pris sa retraite, elles vivaient ensemble, les circonstances de la vie , douloureuses les avaient réunies, elles demeureraient ainsi heureuses telles seraient leurs destinées.
Elles s'occuperaient des jardinières , géraniums et capucines en ribambelle de couleurs alignées sur le muret de la terrasse , débarquées de la cave après les dernières gelées.
La maison était à la calette au fond d’une petite cour, à deux pas de l’église , ah !! Flaviac comment auraient-elles pu s'en soustraire ??
Les courriers en provenance de la Polynésie leur parvenaient à raison d'un tous les quinze jours , André imaginait les visites du facteur , et ces moments attendus à la découverte d'un autre pétale de Tiaré , pétale au parfum presque perdu mais collé au vélin précautionneusement , pour leur plaire , pour les émouvoir tout autant .
Ces longues minutes de lecture remettraient à plus tard les découvertes des chroniques du "Petit écho de la mode » ou de « Mon ouvrage » .
Le tour viendrait de la culture religieuse , tous les articles de la « La vie catholique illustrée » et du « Pèlerin du 20e siècle » passeraient au crible .
La lecture du Dauphiné Libéré celle de 10 heures était souvent grave , Dieu fit des matins sanglants, il en fit des ordinairement tristes , il en fit aussi des joyeux . Julienne la fille lisait à voix haute pour sa mère presque tout le journal , le petit André collait son nez contre le grand pan de la page et respirait profondément l'odeur de l'encre encore fraîche ....

Les premiers rayons du soleil d’avril réchauffaient sans doute l’atmosphère de ce début de printemps, les violettes, forsythias, jonquilles et lilas exhalaient leurs premières senteurs.

Comment comprenaient-elles une telle distance les mémés , André leur écrivait depuis le bout du monde  elles savaient la terre ronde bien sûr , tellement ronde que leur vieille mappemonde avait tourné bien des fois s'arrêtant net sur l'éparpillement Polynésien !
Elles les avaient vu ces minuscules points perdus dans l'immensité océanique et restaient toujours un peu stupéfaites .
Les visites du grand oncle étaient fréquentes , il se mêlait aux curiosités des saintes femmes et portait un grand intérêt aux pérégrinations polynésiennes de son petit neveu.
L’époque d’après guerre avait démythifié dans les grandes largeurs , la génération vieillissante composait entre sentiments d'outrage et quête ardentes de nouvelles connaissances .

André lui goûtait de ce séjour rare , de cette obligation militaire exceptionnelle proposée aux conscrits dans le cadre d’une campagne militaire ambitieuse , une campagne stratégique et expérimentale.
D'autres se morfondaient dans quelques casernes métropolitaines, en Allemagne ou ailleurs , où ils se pliaient aux disciplines diverses, aux caporalismes obtus , André et ses amis eux rêvassaient parmi  les cocotiers et les fleurs et se doraient la pilule sous l'un des climats les plus insolemment extraordinaires de la planète.
Ses grands-mères envoyaient régulièrement des mandats, il donnait en échange des nouvelles et des pétales les mémés s'en serviraient de marques pages , certains couraient les missels et les évangiles d'autres trouvaient places au milieu des piles de leurs plus beaux mouchoirs brodés.

Les pétales de ces jolies fleurs perdaient vite leur léger parfum , cependant ils garderaient leurs belles couleurs et du bout de leurs doigts ses grands-mères frôleraient souvent l’exubérance passée de leur soie fragile ….


Noël Vallier












Rien que des gourmandises ...


Repas champêtres par ci, tentatives d’embrigadements par là il est une flottille idéologique qui ne désarme jamais …
Convivialité disent-ils, la belle affaire, savent-ils au moins de quoi ils parlent, combien de fois ais-je vécu ces grandes messes, réparties convenues, doigts sur la couture du pantalon, grands pontes taiseux  aussitôt venues les premières escarmouches …
Il faut penser esprit chapelle , faire allégeance , ne jamais montrer souffrance confrontés aux verbiages , ces petits tribuns d’aujourd’hui déclamant piteusement sur les planches .
Tels des brebis quelques citoyens de base iront applaudir ces vedettes des tréteaux , on y trouvera surtout l’apparatchik régnant , la famille c’est sacré diront-ils la nôtre est exemplaire de méthode de vertus, de vérité ,  toujours tournée vers l’avenir , incessamment disposée à aimer , répartir , distribuer même s’empresseront-ils d’ajouter faisant mine d'être sûrs d'eux !!
Certes il est encore aujourd’hui deux projets concevables, celui porté par les pragmatiques déshumanisants (non ce n’est pas une redondance) et celui porté par les pédagogues sociaux plus proches du peuple nous dit-on !!
Sans fioriture pour les uns , pas de charge aidant vers un avenir libéral meilleur toujours préservant le bon grain , portions congrues pour le menu fretin mais peut-on affamer sans risque ??
Plus fleuri pour les autres, prétendument plus équitable mais est-il encore adapté, la profondeur du fossé est devenue telle qu’il en faudrait des coups de pelle pour combler un tant soi peu …. Et allez déshabiller de sa laine Pierre pour vêtir un peu Paul !!!
Mission bien périlleuse !!
Le salut ne disent-ils jamais c’est le « détritage » social, c’est en effet le moment, le peuple est chahuté donc vulnérable ...
Ira-t-on jusqu’au dénuement ??
Pensez-vous, plus d’usines, plus de fabriques, plus de productions, un tertiaire très hypothétique, en d’autres termes peu de perspectives …doivent-ils éreinter la liturgie des bons apôtres avant que ces derniers ne se remettent à croire ??

Il reste une solution en effet , peut-être un repas champêtre !!


Noël Vallier.


samedi 10 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .



L'Archipel radieux ( suite ) .


L’île de Tahiti est un miracle permanent.
Tant de beautés , autant de vertiges .
Il était aussi des sourires et des éclats de rire , les légendes de ses plus belles histoires , ces histoires incroyables écrites à l’encre du désir , dessinées par la plume tremblante des sens.

Papeete en 1969 était une petite ville faite de bric et de broc, capitale de la Polynésie française, peu cosmopolite , métropolitains , Tahitiens et Chinois et leurs métissages c'est à peu près tout !
Fonctionnarisée et coutumière pouvait-on mieux la décrire ?
Elites entrepreneuriales et militaires, élites construites depuis l'avènement du peuple polynésien elle grouillait de ce monde, fraternelle elle ne manquait ni de charmes ni d’ambitions.
Hospitalière ou contrainte son histoire était-elle celle que Bougainville et Cook avaient longuement décrite , Tahiti réduite à ses seules descriptions de catalogue , charnalité , insouciance , artisanat et pêche , oui sûrement celle des temps plus anciens , mais aujourd'hui si le cliché avait partiellement survécu il serait bien trop nigaud d'en rester là ...
Les polynésiens fiers et heureux , indolence , gentillesse cela est vrai mais quelle détermination à tenter de préserver coûte que coûte leur insularité exceptionnelle ...
Ils finiraient par lâcher l'un de leurs archipels au démon du nucléaire hélas et c'est ainsi qu'un peu de lèpre à ses alentours finirait par bousiller faunes , flores et fonds marins ...
Papeete grouillait des agitations de sa modernité récente , survenaient les premiers encombrements , de rares  automobiles mais une flopée de scooters un peu étourdis et la petite ville étriquée , bousculée sur ses frontières retentissait de leurs assourdissants coups de klaxon .

La route entre Papeete entre le camp d’Arué traversait deux districts ,  les militaires du camp utilisaient soit la navette officielle soit le truck pour parcourir la vingtaine de kilomètres qui séparait les deux points névralgiques.
L’ombre épaisse du district de Pirae rafraîchirait encore le feu de leurs tempes et cette brève fraîcheur dissiperait leur sueur …

La vie au camp était agréable , le cadre rigoureusement …. Polynésien !!
Les dortoirs plantés au milieu du camp rompaient un peu de cette belle harmonie , ils étaient pourtant un élément important de leur vie militaire , repos et sommeils , temps dédié à la correspondance , bouffes gourmandes de resquilles diverses et dernières rigolades avant la nuit .
André s’était totalement remis, la discipline militaire avait fait long feu , plus d'appels ni de corvées , oubliées les gardes interminables sous le guérite , les marches aux pas forcés sur la route du Faron et toutes ces allégeances servies à tous les sous-fifres caractériels .
Pas d'ennemis à l’horizon !!

Le réfectoire n’était pas banal , plantée au milieu des fleurs l'immense salle jumelée , du dur de chez dur était entièrement ouverte côté parc.
Les alizés s’y engouffraient apportant parfums divers et un semblant de fraîcheur
Les repas proposés étaient variés , souvent appétissants , il donnerait souvent son avis , comme d'autres pour fixer le semainier des saveurs !!
Quant arrivait le moment du service les plus affamés s'arrachaient les plateaux tels des chasseurs de soldes le ballet des écumoires et des louches pouvait alors commencer .
André apportait un soin tout particulier au garnissage des plateaux , copieuses les portions débordaient souvent leurs compartiments en inox et c'est ainsi qu'il vit souvent dans les yeux des implorants la meilleure des humanités !!
Ses camarades d'Algéco bénéficiaient d’un régime de faveur , jusqu'à l'écoeurement souvent , cependant l'honneur était ainsi sauf et c'était sans compter sur la triple ration pâtissière du dimanche qui ne verrait jamais revenir la moindre miette !
André prenait peu à peu sa place , il était heureux de ne plus subir les assauts désordonnés d'un psychisme qui semblait ne plus être en guerre .
Il y eu de fréquentes séquences de fou-rire , il n'était pas le dernier et prendrait une bonne part en ne ménageant jamais ses petites prouesses d'imitation .

Il ne fut pas une seule soirée sans une traîne de grande douceur , survenaient rarement de brèves mais violentes averses , les feuilles de palme brillaient alors de mille éclats, le fragile Tiaré se moquait un peu trop habitué à ces humeurs soudaines il redresserait bien vite ses pétales la pluie cessant .
L’endroit de la petite poste était le plus fleuri , combien de ses petits ornements collèrent au vergé de nos plis et les embaumèrent portant ainsi un peu de leur capiteuse odeur par delà l’océan pour tenter de réjouir et réchauffer quelques cœurs.


A Tahiti tout était luxuriance, sur les atolls flottait une sorte de félicité et semblait mourir tout doucement rongé peu à peu par l’ardeur des vagues leur lumineuse fin de vie …

André s’était nourri de l'un et attendait tellement de l'autre .
Il restait beaucoup à prendre .

Noël Vallier.

vendredi 9 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( suite )

André reçut des visites , des appelés de sa classe , des collègues de récentes rencontres croisés en période de transit aux premiers jours de son arrivée .
Il partageait une chambre plutôt sympathique , murs bleus , carrelage briqué allure de sou neuf et une baie longitudinale .....
Elle surplombait une revigorante haie de bougainvillées .
L'infirmerie comme une conque mordait les fioritures du parc , il y régnait une atmosphère bienveillante
bercée par de continuels murmures .
André émergeait lentement de sa léthargie , peu à peu la perception des choses redevenait normale les perspectives moins obscures . Les soins administrés , les pitreries de son compagnon de chambre , les dégaines incendiaires et le joli minois des deux soignantes tahitiennes blouse blanche effrontément moulante coincée à mi-cuisses et cet imperceptible crissement que la fine flanelle produisait au contact du grain délicat de leur peau , ah quel spectacle !! le seul craquement d'une allumette aurait pu faire tout exploser , décidément les conditions devenaient très favorables !

Il recouvrait en effet une partie de ses esprits et les belles en surjouant l'ordinaire de leurs services y prenaient une sacrée part ...

Son « colocataire » vit sa température repartir à la hausse, il se trouvait disait-il fort bien dans cette infirmerie au point de chauffer le thermomètre à mercure entre le pouce et l'index resquillant ainsi un degré ou deux de température matinale ...
Il se fit prendre au bout de quelques jours !

André était hospitalisé depuis une semaine , le cours des choses s'était accéléré , moins avachi , toujours impatient de surprendre le balancé torride des deux pin-up , il serait bientôt rendu au service actif , l'armée disposerait à nouveau de sa part d'investissement .


Cependant il était aussi un terrain d’expérimentation intéressant pour le staff médical !!

L’adjudant chef qui officiait "es qualité" était un grand sec , peu loquace mais plutôt avenant , l'homme paraissait être le responsable supposé des lieux .
Ancien de la campagne d’Indochine , baroudeur devant l'éternel , il était aujourd'hui rangé des tanks et attendait sa retraite militaire .
André qui connaissait désormais le diagnostic de son état après l'avoir furtivement décodé sur une fiche de santé souffrait c'était officiel de "Dystonie neurovégétative" .

L’homme grand sec et affable qui avait fait l’Indochine le convoqua un jour dans son cabinet sans entretien préalable et sans discours.
André sur sa demande se retrouva en slip et s’allongea sur la table de consultation.
Suivrait une séance d’acupuncture d'anthologie , tous les méridiens y passèrent , André compta les fines aiguilles , il ressentit une cinquantaine de piqûres !!
Son corps se mit en branle et progressivement le tressaillement devint constant.
Il resta ainsi pendant trois quarts-d'heure environ puis il s’apaisa saisi insensiblement par une sorte de bien être étrange .
L‘adjudant acquiesça , il semblait satisfait .
Les jours qui suivirent amorcèrent une dynamique d’amélioration significative , il louait la qualité d’expertise de son mentor.

Son séjour à l’infirmerie n’avait pas dépassé une dizaine de jours , jamais il ne revit ou entendit parler des humeurs et des états d'âme du commandant acariâtre , il ne repartit jamais sur un atoll .
Il se retrouva affecté aux cuisines du camp, intégré dans une brigade composée d'une quinzaine de compagnons.
Il fit connaissance avec d'autres collègues et s’intégra rapidement au sein du groupe.
André se souvenait de son faré , des moments rares qu'il avait vécu entre océan et lagon , il maudissait sa psyché défaillante , elle venait cette lâcheuse de le planter au commencement d’un séjour rare , unique probablement .
Mais avait-il la trempe nécessaire ??


Noël Vallier.










jeudi 8 septembre 2011

L'analyse est on ne peut plus simple ...





Les niches fiscales sont des planques, fiscales donc, s’adressent-elles aux 50% de françaises et de français qui paient l’impôt ? En théorie oui …..
La vérité est pourtant tout autre et sans reprendre la liste exhaustive de ces privilèges, je n’en serais pas capable sauf à pomper piteusement sur le travail des experts, il saute aux yeux la signification littérale d’une niche … une planque … je l’ai dis !!
Dissimulations autorisées, cadeaux de l’état reconnaissant, bienveillance, racolage, faiblesse, propagande, clientélisme, consternant conformisme …
Ceux qui possèdent dont on se saurait que louer l’obstination , le travail peut-être , ou vilipender à contrario le simplisme affligeant de leur obsession , ceux qui possèdent disais-je glissent le petit gras suintant de leurs fortunes dans ces fameuses niches …
Soit cette affaire est conforme !!
Pour « nicher » il convient donc de posséder … copieusement !!
Sur ces vertueux et fameux 50% de contributeurs fiscaux réels combien voient conséquemment leur statut dégradé , réduits ainsi à une peau de chagrin les imposables de base ne sont plus que des « nicheurs » très occasionnels !!
Les forces vives seraient-elles une fois de plus flouées ??
Assurément.
Cependant l’abstinence de l’état collecteur s’agissant de ces généreuses dispenses sert quelques nobles causes, les dons de tous ordres par exemple.
Restos du cœur , Téléthon , et aumônes diverses déversent-ils autant de commodités financières dans l’escarcelle des besoins sociaux et caritatifs que l’état puisse se montrer d’humeur aussi dispendieuse après avoir fait délibérément défaut ??
Et les contribuables donneurs de petite grâce, ne devraient-ils pas s’auto flageller pour s’être honteusement satisfait de ces ristournes ??
Alors ces niches on les garde ?? Et si nous devions les conserver ne devrait-on pas en déléguer la charge des entretiens aux heureux bénéficiaires ??

Je n’ai jamais cessé de donner tout au long de ma vie , quelquefois jusqu’à l’extravagance sans ne rien attendre en retour , comme beaucoup d’autres j’en suis convaincu , sans jamais me douter à quel point les hommes les disputaient aux chiens …. Les niches !!


Noël Vallier.

mercredi 7 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( suite ) .

Dans les cabines circulait « Emmanuelle ».
Le livre !!
Il se souvint l’avoir lu.
Réputé érotique, il l'était !! La nouveauté n’était pas tant les intrigues sensuelles que son contenu révélait et quand bien même ne manquait-il qu'un joli ruban rose autour de sa jaquette pour précipiter quelques fantasmes de bordels luxueux , non ce fut le marketing un peu sous le manteau qui prenait la pudibonderie ambiante à revers .
Plutôt bien écrit ses coups de boutoirs grivois suscitaient bien des troubles .

En d’autres circonstances André aurait participé de l'émoustillement général , et pourtant l'ouvrage comme les choses lui paraîtrait terne , ses camarades pourraient glousser leurs sous !!

Cette tentative de diversion habile étant pourtant généreuse ....

La mémoire est redoutable mais elle reste fragile , abandonnée au destin de sa loque elle ne restituerait rien des évènements ordinaires qui avaient jalonné son retour . L'Anjou sa frégate fantôme avait du se coltiner quelques creux , et ses roulis et tangages d'habitude . Il n'avait rien vu , rien entendu crispé sûrement au creux de sa couchette , habité sans répit par le tambour assourdissant venu depuis ses entrailles ....
Ou étaient-ils les souvenirs des acrobaties incroyables de la pirogue au-dessus des récifs , ceux rattachés à la mémoire du lagon paradisiaque , la sourdine jouée par les alizés que les cocotiers en s'arc-boutant pouvaient sublimer .

Qu'adviendrait-il des artisans du village , et les pêcheurs du lagon harpons et filets en proue survivraient-ils à la pollution atomique , et les filles félines connaîtraient-elles un jour les délices d'Emmanuelle , la jolie vahiné ombre fondue planquée nuitamment à l'abri des persiennes de son faré , se précipiterait-elle vers le prochain mignon ?
Saloperie de troubles !!

L’Anjou coursait sans escale, André retrouverait son commandant dans quelques heures.
Il ne se faisait aucune illusion, il serait humilié , catalogué recrue récalcitrante, affabulateur .
Il en fut ainsi .
L'homme ne vit rien , ne comprit rien , impitoyable et discourtois il n'eu d'autre recours que de l'expédier à l’infirmerie militaire du camp d’Arué.
C’est ainsi que les évènements se déroulèrent.
André traîna son paquetage dans les rues de Papeete , oubliée la muse tropicale  il se hâta en direction de l’arrêt navette.
Le médecin militaire qui l’accueilli manifesta de la compassion .
André décrivit ses symptômes , l'informa des doutes de son commandant ce qui eu pour effet de déclencher l'agacement sinon la stupéfaction du praticien.
André s’effondra en pleurs , larmes et douleurs tellement contenues depuis tous ces jours .
L'homme providentiel le rassura .
Il fut hospitalisé sur la champ .



Noël Vallier


Egotique ..


M’écarterais-je dûment davantage et encore
Des chemins et des routes tracées par ces vils gnous
Que du bonheur entier du gredin qui s’adore
Citoyen funambule j’en dirais à genoux

A genoux, oh ! Posture, quelle élégante chose
Que d’en dire des bonheurs ceux des sages et des fous
Au ras des nombrils secs faire mousser la prose
Et vers ces vrilles closes clamer les cordons flous

Sur ton visage blême je me souviens souffrance
Tu étais la beauté à mes yeux incarnée
Debout j’étais courbé quand je t’ai dis ma France
Près de moi viens tout près partons nous sommes nés

Puis ces chemins tracés nous les vîmes sans cesse
Au détour d’ateliers montés par l’hommes laid
Nous étions en arrêt stupéfiés sur nos fesses
Au gré de nos croisades à croiser tant de plaies

Tu rayonnais beauté au soleil et dans l’ombre
Ces lourds dévolus voiles tes yeux bleus les cramaient
Je revois tes cheveux dans quelques impasses sombres
Ce volume envoûtant cette blondeur se pâmaient

M’écarterais-je encore violemment de ces trêves
Courses de sacs longues applaudies par des sots
Salauds, crasses, appointés pourvoyeurs de doux rêves
Oh incestueux dédale je m’accroche à mes mots


Noël Vallier








mardi 6 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( suite )

Ses amis ne cessèrent de l'entourer , il s'en souvient à peine englué qu'il fut des jours durant dans un cirage noir !
André restait sourd .
Il avait perdu le goût de l’île , quel gâchis ,
Il ne quittait plus son faré.

Aux frégates s'étaient mêlée une colonie d'albatros , ces oiseaux aux habitudes voisines venus des Australes poussaient des cris dissonants , leurs courses incessantes depuis la cocoteraie vers le large en d’autres circonstances auraient excité sa curiosité .
 .
Il ne vit rien ou pas grand chose


Le village aux premières lueurs du jour résonnait déjà de nombreux rires , toujours d’humeur égale nos amis autochtones conjuraient de la sorte la crainte du « fiu » redoutable baisse de tonus semblable à la mélancolie Il pouvait débouler comme ça d'un seul accès et terrasser y compris les colosses .
Le peuple de ces îles vivait au quotidien une félicité presque « christique » , la carte postale de leur jour celle-là même qui faisait se lever si tôt les métropolitains agissait-elle avec la même magie dans leur coeur et leurs tripes ?
Mieux encore comme les somptueux bouquets de coraux et ce depuis des siècles ils s'étaient agrippés à ces terres océanes et de leur ressembler à la fois tourmentés et immobiles , chanteurs et danseurs , ils étaient heureux et fiers .

Peuple migrant , périples , errances maritimes, puis cette sédentarité du bout du monde enfin rendue , ces hommes sympathiques et leurs femmes formèrent un peuple et quel peuple !!
Qui n’a pas rêvé , rêve encore hélas de prendre pleine face la claque exotique absolue  c’est peu dire en effet que d’évoquer les parfums , la beauté et l’extraordinaire dépaysement dont ces archipels jouissent .

André en cette année 1969 découvrait une sorte de paradis, en 2010 il me chargerait d’en commémorer le troublant souvenir.

La métropole Polynésienne donnait régulièrement de ses nouvelles , il était question d'une vie plaisante , de son commerce florissant , du travail qu'elle pouvait fournir  des plaisirs et de l’argent …
De quoi susciter bien des convoitises .
L'habitant de l’Atoll grand voyageur devant l’éternel habité par sa bougeotte voulait voir , peut-être même voulait-il y vivre !
Le miracle de la prospérité ...
Rares étaient les réussites , les expériences tournaient courts , déchéance pour certains , d'autres s'en retourneraient bien vite auprès de la fratrie , d'une femme ou d'une compagne , pour retrouver le bonheur promis .
La situation économique de Papeete était certes satisfaisante mais les emplois de l'île étaient comptés . Les chinois économiquement dominateurs captaient toutes les gouvernances , celles du commerce notamment , les tahitiens de sang étaient leurs employés .
Comment nos amis auraient-ils supporté telle servitude ?

André attendait « L’Anjou » le bâtiment militaire qui le prendrait en charge pour le rapatrier sur Papeete .
Il était encore en débris , et c'est une sorte de légume qui avait trouvé l'énergie syndicale pour rassembler affaires militaires , paquetage , coquillages divers et un énorme bénitier .
La hiérarchie avait fait preuve de compréhension , ses copains magnanimes , tous étaient désolés  il était venu et repartait bien vite , plein d’entrain il avait été et s'en retournait tel un ectoplasme , son horloge interne en errance .
Il attendait « L’Anjou » comme on attend un autocar à la gare routière , sans émotion , ni plaisir , ni grande hâte .

Comment la pirogue franchit-elle le récif au rebours du déferlement des vagues , il n'en su rien .
Il se souvint avoir aperçu ses amis militaires las-bas sur le rivage .

C'est tout !


Noël Vallier.





lundi 5 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


Cela fait aujourd'hui quarante et un ans presque jour pour jour !!
Rappel imprécis , le surlendemain de son arrivée peut-être André se retrouvait affecté aux cuisines, aux commandes du redoutable piano , cette affaire était-elle convenue , les quenelles de l'avant-veille avaient-elles à ce point convaincu ?
Il cumulerait donc les pilotages de l'intendance et de la cuisine !
L'intendance , les stocks et la gestion en d'autres termes , conditionneraient les moyens , lesquels conditionneraient les idées et les inspirations .
Avec un zeste de talent la traversée de midi deviendrait peut-être croisière gastronomique !!

Il décida d’apprêter du boudin noir.
Pour un ardéchois pur jus ce parti-pris allait de soi !!
Mais le servirait-il avec des patates ? que nenni !
Convaincu que des patates ils s'en amidonnaient les parois du ventre depuis l'antique , il prit sur lieu d'aimer ses amis troufions au point d'oser les surprendre !
En 1969 le sucré-salé n'était pas forcement en grande vogue , le canard à l'orange peut-être , et encore ce n'est point sur les tables familiales qu'il trouvait ses dimanches , il suintait le plus souvent son fin gras sucré sur la porcelaine précieuse des assiettes bourgeoises ...
Il décida fort de ces quelques considérations d’adjoindre au boudin des pommes fruits .
Les boudins étaient joliment venus , le boyau intact , dorés à souhait , du petit gras précautionneusement exprimé il s'en servirait pour mouiller les tranches de pomme , puis il napperait le dressage avec le fond de cuisson à peine épaissi par un soupçon de fécule de pomme de terre .
Cette préparation bousculait leurs standards  mais ces gourmands du bout du monde apprécieraient, il n'en démordait pas !
Il triompherait sûrement sous les vivats de la petite équipe militaire en délire !!
Il avait goûté bien sûr , c'était délicieux ...

Oubliés les conventions, les sottes habitudes, au diable le faitout brûlant posé au beau milieu de la table et son contenu rebattu , souvent réduit à un destin de tambouille !!
Il constata la décomposition fulgurante du commis , pour tout dire il semblait faire la gueule !!
André ne m’en souciait guère, il se chargea du service , les assiettes étaient chaudes comme la braise tout juste comme on les aiment .
Le repas se déroula sans la moindre histoire .
Suivirent quelques commentaires … tout en retenue !!
On lui rapporta précautionneusement combien ses amis avaient trouvé la cuisine savoureuse , cependant il comprit à demi mots que le contentement de leur appétit passerait mieux sans cette sorte de raffinement d'expérimentations !!

Ah ces pommes de terre !!

Les journées ne variaient pas , elles étaient toujours enchanteresses , il avait visité le village , le polynésien était de rigueur mais on s'amusait aussi de la langue de Molière .
Il y retournerait fréquemment brodant sans cesse des points de mémoires et découvrant un peu plus jour après jour les charmes inouïs de son quotidien .

Un jour il était allongé sur son lit , la fenêtre de son faré entrouverte quand un adorable minois pointa le bout de son nez dans l'entrebâillement , la vahiné fureteuse s'était déjà maintes fois approché , la tentation était devenue grande pourtant il se ravisa encore , la belle avait un compagnon « régulier » un gradé de surcroît, il se contenta de lui adresser un sourire entendu , les évènements suivraient leurs cours !!
Il était loin de se douter à ce moment précis que ses nuits à Tureïa étaient désormais comptées , il ne savait pas que son séjour s’achèverait dans la douleur …
Peu après il était assis un peu en retrait de la plage , en plein soleil , il se délectait de son odeur , un monoï coûteux acheté à Papeete , une huile étonnement fine et odorante qu'il utilisait en massage pour naturaliser son prometteur bronzage .
Les vagues ourlées par l'écume venaient se coltiner les petits rochers du rivage , sans violence , la barrière de corail plus au large rompaient la charge , leurs déferlements en partie vaincus se contenteraient aujourd'hui de creuser le sable du rivage .
Il retourna au faré, bavarda en chemin avec ses potes, le crépuscule pointa un bout de lune , il s'accouda sur le rebord de la petite fenêtre , ne vit jamais la jolie tahitienne .
Il s'endormit péniblement et cauchemarda une bonne partie de la nuit …

Toutefois il se réveilla en pleine forme , il goûta une fois encore de la volupté du petit matin Polynésien …
Le silence d’abord le silence puis gronderait au loin le bruit du fracassement de l’océan contre le corail.
Il entendrait sans jamais se lasser les cris plaintifs des frégates, les gazouillis incessants des oiseaux sédentaires qui nichaient dans les cocotiers , et les alizés légers lui feraient du bien comme il sied aux Andalouses le souffle doux de l'éventail .
Une dizaine de jolies tahitiennes surgirent après la butte , goûterait-il aujourd'hui le miel de leur peau de velours ou devrait-il taire une fois de plus les appels compulsifs se sa libido ?

Il venait de terminer son service, c’était un mercredi, il ressentit soudain une peur panique accompagnée d'une angoisse indescriptible , son cœur se mit à toquer violemment .
Il trouva refuge auprès du médecin militaire à l'infirmerie .
André hébété ne put donner la moindre explication .
Le soignant constata la démesure de sa tension , il lui injecta du phénobarbital.
Cet épisode douloureux entraîna une éprouvante régression , il se retrouva sous calmants .
Prostré dans son faré , à Tureïa depuis une dizaine de jours seulement il n'était plus opérationnel , cette violente crise de Tétanie avait muté sur un sévère épisode dépressif .
L'officier en chef prit la décision d’un rapatriement sanitaire …
Sur Papeete ....




Noël Vallier








dimanche 4 septembre 2011

Leurs universités "d'étai" .


La majorité actuelle est sur le point de boucler ses universités d’été, l’opposition socialiste avait fait de même à la Rochelle.
Tout ce petit monde se tripote les méninges, au petit jeu des chaises musicales les chutes sans être rédhibitoires restent toujours douloureuses.
Les bleus sur les fesses seront analysés et les ecchymoses commentées par les gens du métiers, journalistes sincères, revanchards ou lampistes consentants à la solde.
Dame les élus ou assimilés dissimulent encore leurs bleus à l’âme, ils sont hommes, mais exhibent volontiers leurs hématomes, la nudité est aujourd’hui une vertu pas le dénuement réservé aux ouailles, tellement moquées pendant leurs banquets …
Que reste t-il après les palabres, rien ou alors du vent … glacial !!
Le réchauffement climatique ?? C’est la fonte des bombes.
Les cyclones, typhons, ouragans, tempêtes c’est précisément ce vent violent qui souffle dans leurs têtes, jamais contenu, pavillons d’oreilles ridicules définitivement cartilagineux, ourlets dernière tendance façon Pinocchio, nez en branche de platane dépassant largement la limite des grilles matelassées de leurs gages dorées, pompons comme des bouquets de cerises pour faire saliver et s’amuser quelques consternants fêtards
 
Leurs vies sont ailleurs consubstantielles à l’épaisseur de leur budget, joyeuses et confortables nonobstant leurs drames possibles, semblables aux nôtres.
Des âmes bien attentionnées, des cerveaux nous dit-on prétendent que dans nos pays développés le culot et la politique de la terre brûlée restent de solides références d’ascenseurs sociaux possibles, souhaitables se pressent-ils d‘ajouter, les mêmes condescendent à jeter un œil sur le sort misérable des laissés pour compte  sans piper mots.
La majorité actuelle et l’opposition de gauche viennent de boucler leur université d’été.

Nous allons pouvoir enfin boucler nos valises ...


Noël Vallier.

samedi 3 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


André était heureux , autant de simplicité autour de cette table  !!
Les rapports étaient informels , amicaux souvent , la hiérarchie militaire fourbissait très peu d'arguments  seules les convenances ordinaires participaient à l'entretien de cette harmonie et de ce respect mutuel que savent même dans les pires circonstances préserver les hommes .
L'échange convivial fut de haute volée !
Le dîner une fête , puis une fois les présentations achevées les conversations allèrent bon train , âmes et cœurs rassemblés , mêmes tourments et mêmes espérances.
La troupe vivait cet exil doré sans douleurs apparentes , jouir tous les jours durant de la plus belle palette que pouvait offrir le bon Dieu remuait les tripes des cléricaux , des anticléricaux , des jouisseurs et des blasés des introvertis et des extravertis , des braves et des moins braves , seuls quelques imbéciles auraient pu tenter de corrompre la force tranquille d'une telle quiétude !!
Or de cette compagnie le groupe était préservé , les chargés du recrutement avaient certainement épluché un  nombre de dossiers conséquent , s’enquérant du meilleur afin de tenter de constituer une équipe homogène et solidaire.
Vivre douze mois dans cette communauté d'hommes en de telles circonstances interdisait le moindre relâchement , la moindre névrose , la moindre mélancolie , c'est ainsi que jeunes appelés , carriéristes , sous-officiers , officiers , tous ces hommes expérimentés ou pas feraient front commun et se paieraient ensemble des privilèges généreux venus depuis cette providentielle insularité .

André était à ses heures imitateur , il ne manquait ni de brio ni d'énergie , il déclama d'hilarantes sottises sans le moindre complexe révélant au passage un peu plus de son caractère , de sa personnalité , cependant ce parti pris dissimulait un tel état de brèche ...
Il reçut une réplique inattendue , le petit blond rigolo qu'il venait tout juste de repérer avait aussitôt prit la balle au bond .
Cette concurrence ne le troubla point, bien au contraire elle devint très vite complicité puis au fil des numéros qui s'enchaînèrent elle donna encore davantage du piment au spectacle !!
Sous le regard amusé de ses nouveaux collègues André venait de démontrer de volontaires capacités d’acclimatation et désormais son intégration rapide ne laisserait plus aucun doute.

Il était tard , il avait reçu consignes et instructions, informé de son job il pouvait dés cet instant disposer de temps libre , peut-être regagnerait-il son faré , peut-être s'attarderait-il sur la plage .
Il se dirigea vers la plage .

Sur sa lisière les cocotiers n'en finissaient plus de prier , troncs tendus comme des arbalètes , le vacarme du large s’étouffait aux récifs , les grandes frégates s’étaient tues, la pleine lune faisait son cinémascope quasiment à la verticale de la base , pendant un long moment il s'époumona à ne rien dire , il voulait tant se défaire du désordre sentimental qui venait de l'assaillir  , comment pourrait-il rendre à tant de beautés conjuguées avec si peu d'oboles l'hommage qu'il leur devait !!
Il entendit au loin quelques gazouillis , perçut les plaintes du large , puis les fatigues accumulées depuis toutes ces dernières nuits eurent raison de sa quête .

Il regagna son faré et s'endormit aussitôt .


André ne doutait plus , sur cet atoll perdu au cœur des Tuamotu il vivait avec d'autres chanceux une aventure extraordinaire.
Il n'avait pas oublié les formidables apprêts de Tahiti , sa luxuriance , son exubérance , ses petits bosquets parfumés , les pétarades sympathiques des scooters qui collaient à la route large qui borde le littoral , les vahinés et leur peau de soie , le charme de Papeete et bien d'autres trésors encore .
Devrait-il à jamais oublier ??

C’était sa première visite au lagon.
Il le découvrait à trois cent mètres de la base , pureté lagunaire inouïe , prodigieuse nature , la vie serait belle  se disait-il !
Sitôt franchi la petite butte, il découvrit une sorte de mer intérieure, calme , à la couleur turquoise, seules quelques vaguelettes ondulaient !!
Cette part infime d’océan captif avait fait de cet écrin un domaine , les règles étaient simples , il resterait immuable et troublant , toujours le même et cependant changeant !!
André se sentit chancelant sur ses bases !!
Oubliés pour un temps tuba et palmes , c'était une fois de plus le temps revenu de la contemplation.
Incomparable félicité ….

La barque à moteur vrombissait sur l’eau turquoise, l’écume remontait en surface fouettée par l’hélice du gouvernail, pour sa première leçon de ski nautique il prit une sévère série de gamelles, jamais désappointé  il se souvint de son apprentissage , cette satanée bicyclette !
Une fois domptées les claques des vagues deviendraient caresses , il oublierait les coups de boutoir du sillage ne retiendrait que les belles sensations laissées par l'écume .
Enfin il tint bon les manettes, hésitant, maladroit , pitoyable sûrement, mais il resta debout … oui mais peu de temps !!

La faune du lagon était incomparable disait-on , elle lui réserverait bien des surprises , il remettrait au lendemain les premières plongées , il n'avait plus le temps .

Les cocotiers en bordure du lagon s’arc-boutaient encore toujours en quête de la même prière, leur tronc cintré courtisait l'eau bleutée du lagon .
Les alizés en cette fin d’après-midi avaient amassé d’épais nuages , l’averse serait violente , brève aussi comme à l'ordinaire
Elle surviendrait sans tarder, tiède, enveloppante.

Il regagna l’intendance, le petit blond sympathique qui l’accompagnait affirma que son imitation du grand Charles allait supplanter toutes les siennes , Albert Simon et Geneviève Tabouis notamment !!
Le prétentieux !
Ils se réjouirent tous deux des rires qu'ils allaient provoquer , plus loin , las-bas à l'ombre de l'immense cocotier ....

L’averse violente les prit de court, le groupe s’éparpilla, chacun en direction de son faré ….
La pluie avait trempé l'atoll , les cocotiers comme nos roseaux ne rompaient jamais mais ils avaient plié fouettés par le vent violent .
Le ciel était très vite redevenu limpide, le soleil en cette fin d'après-midi cognerait fort, l’atoll s’assécherait bien vite ...

Il leur restait une demi-heure pour faire les zèbres, le petit blond sympathique parodia le grand Charles et André fit claquer comme convenu son bulletin météo et son éditorial !!
La petite troupe était hilare …



Noël Vallier




Citations de Pierre Dac .




A la faculté de médecine et de pharmacie , il est communément admis que les comprimés ne sont pas systématiquement des imbéciles diplômés .


Les gens myopes d'un oeil , presbytes de l'autre , et qui louchent de surcroît , sont impardonnables de ne pas voir ce qui se passe autour d'eux .


Les suppositoires à la nitroglycérine sont beaucoup plus efficaces que ceux à la glycérine pure , mais se révèlent beaucoup plus bruyants .

Variations déconcertées ..


A la boucherie d’en bas  si l’ombre s’en approche
La vitrine un peu sombre que le ciel bas abat
Révèle une andouillette perdue parmi les longes
Qui songe et qui déprime moquée par quelques acras

Le boucher un peu las des onglées qui le rongent
Las d’équarrir exsangue tout le long du trépas
S’enquérait de la mer car disait-il je songe
A traiter sur le thème de l’andouille et l’anchois

Il avait tant aimé ce que ces arts lui dirent
Car César le traiteur lui n’en démordait pas
A la boucherie disait-il désormais pour en vivre
Accommodons des tripes et dressons des baudroies

A la boucherie d’en bas depuis que l’art s’en mêle
Se bousculent le dimanche femmes belles et divas
Les hommes mis aux rancards seuls assignés aux brèves
Désormais filent doux tels quelques agnelets gras

A la boucherie du haut même élan même trêve
En file interminable d’élégantes nanas
Se pâment ingénues devant un étal blême
Duquel chefs et commis se rétractent fissa

Est-il autorité cet insigne magistère
Qu’il obtienne mazette que le boucher changea
Et que pour quelques onglées, cervelas et tourtières
En gelée d’un beau bard se côtoient sur un plat

Il en va sur ce ton des modes tant par paires
Tant ces paires m’exaspèrent que mes doux pairs rudoient
Car il est fort danger que bouchers comme orfèvres
Demain sur l’esplanade s’y perdent puis s’y noient





 Noël Vallier



vendredi 2 septembre 2011

L'entremise ..


Ah me voilà heureux ce matin car il vente
La bise souffle aux carreaux avec quelque entrain
Ses coups de fouets soudains sur les arbres qui tentent
D’allumer leurs bourgeons nient leurs premiers refrains

Le ciel chargé gris bleu commet son adultère
Au printemps claironné il tourne un peu le dos
Et renvoie aux abris quelques coléoptères
Les premiers très hardis étourdis par leurs do

Petite ondée charmante viendra-t-elle nous surprendre
Viendra-t-elle tremper de son eau ce matin
L’apprêt du potager ces fumures qui répandent
Dans les mottes dressées leurs sirops alcalins

La petite pinède de la maison d’en face
Secouée traversée par l’estoc l’hurlement
Des boutoirs d’une traverse terrorisée s’efface
Puis dodeline en chœur ses branches assidûment

Il ne fait ce matin pas le moindre ordinaire
Les merles aux futaies empruntent surs leurs abris
Les pies jacassent fort et semblent mieux se plairent
Plumes au vent s’ergotant pour du grain becqueté pris

Je m’abandonne distrait par les vers de ma prose
Quelques frissons ondulent dans le creux de mes reins
Ce matin je voulais que ma plume se pose
Sur la peinture belle du vent dans les égrins

Combien de temps encore poursuivrais-je l’édifice
Architectes et saisons combien de temps encore
Pourrais-je de mes yeux depuis leurs orifices
M’ébaudir nez au froid du temps beau vieux trésor


Noël Vallier



jeudi 1 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( suite ) .

On vous parle de paradis cela peut faire sourire et que l’on évoque la liberté qui va de pair , aussitôt la messe est dite !!
Point de pommes à croquer la tentation est autre , contemplations ininterrompues , on pourrait y laisser l'iris de ses yeux ! Ève c'était la nature, ceinte d’une sorte de dépouillement parfait , parfumée d’un soupçon de salin et caressée longuement par de tièdes Alizés.
La vraie vie traîne dans son sillage tellement d'anachronismes pour certains encore féodaux où se mêlent confusément désordres, petites joies, plénitudes, tristesses, déceptions, injustices, trahisons, faits de vie glorieux douloureux souvent , qu'une plénitude venue depuis une somptueuse nature agit comme un baume miraculeux , une sorte d'onction !
Alors l'argent en ces temps nouveaux !!
Ici le temps était modelé au rythme de la croissance ou de l'érosion du corail , celui dispensé par la mer nourricière et les vents tièdes .
L'argent coûteux n'avait plus cours , cette prescription réservée aux élites devenait illusoire , adieu leurs shoots décadents , bonjour l'indolence , bienvenu au grand élixir de vie !!

Le vrai peuple rêve de palmiers, de cocotiers et de sable, point pour se les approprier non bien sûr , mais pour en jouir, sans craintes .

Aux premières lueurs du matin les persiennes du Faré filtraient les rayons tièdes du soleil polynésien renaissant .
André restait interdit !!

Point de reliefs à l’horizon , l’étoile incandescente semblait sortir de l’océan , la géographie du lieu était son miroir , l’osmose était somptueuse, la félicité était horizontale , seules les cimes des cocotiers tentaient quelques volontaires saillies, l’azur tirait ses traînes effilées et mousseuses , son bleu insondable était une merveille ...
Les alizés effleuraient le visage d’André, il entendait dans leurs souffles, les échos étouffés de lointains éclats de rire.
Le village indigène étirait sa paresse après une nuit parfaite. Incessamment les pirogues à balancier glisseraient tranquilles sur le velours du lagon et viendrait alors le temps de la pêche !!

André goûterait intensément de cette première aurore corallienne.
La base était calme, il avait croisé deux ou trois collègues, vivaient-ils des nuits plus courtes ou voulaient-ils saisir les premières plaintes criardes des frégates ou les gais gazouillis des petits oiseaux innombrables de l'atoll ? 
Les cocotiers prolifiques lâchaient leurs grappes de noix, mûres à souhait, nos amis les éclataient sur un corail pour en extraire le frais nectar.

L’heure du briefing était venu , le temps d’assurer une soigneuse toilette il serait fin prêt et d’allure engageante.
Le réfectoire s’animait , un gradé s’enquit de ses premières impressions , le rappela courtoisement à ses nouvelles fonctions , André s’informa des procédures en cours et s’accommoda au plus vite du principe des servitudes liées du protocole ….
Rappel de pure forme, les humeurs étaient dociles, la gouvernance bonhomme, les gens bien attentionnés, quand au scénario il était taillé pour le meilleur …
Il ne pouvait espérer mieux.

L’intendant lui fit découvrir les lieux, l'imposante réserve de vivres, une chambre frigorifique pleine comme un oeuf , un stock de produits congelés à tenir un siège ! Il devrait en assurer la gestion ....
Volailles , pièces de viandes diverses , achalandage incroyable , jamais de la Roupie de sansonnet ! 
La cuisine était spacieuse, aérée, bien équipée, à l’instar des cuisiniers étoilés André misait gros sur une gastronomie nouvelle, il sortirait de cet atelier se disait-il de quoi surprendre , des recettes à décoiffer , des saveurs inédites ! 
Le moment du repas si prisé dans nos pays d'abondance restait encore le plaisir le mieux partagé, il tenterait de les en convaincre définitivement . 
Sous cette voûte céleste peinte en bleu indigo , l'olfaction des hommes était souvent saisie du parfum soutenu venu depuis les embruns du large , au réfectoire les fumets élaborés depuis la profondeur des marmites prendraient toutes leurs places .
Et pourtant !!
Ses premières contemplations tropicales avaient ravi ses mirettes, détourné son attention et tintaient encore dans ses oreilles les fins cliquetis de ces ribambelles de perles, colliers précieux aux nacres épaisses et leurs reflets changeants.

Les appétits étaient déterminés , ils cognèrent sur les tables pour une bienvenue virile, au menu poisson cru, quenelles sauce Nantua, gratin d’épinards en crème et tartelette !!

Le service serait assuré par une charmante « Tureïainne » les hommes ne pouvaient que bien se tenir malgré les ondulations naturelle de son popotin , à faire se damner les anges !!
Mais ceci est une autre histoire …
Le repas fut grandement salué , nos amis avaient apprécié en gourmets , autour des tables il n'y avait finalement que des gentlemans !!

Plus tard dans l’après-midi le soleil cognait sur le récif , à l’abri dans son faré André prenait du repos.
Il avait décidé pour le lendemain de consacrer une ou deux heures de son après-midi à la découverte de la plongée sous-marine.
Pénétrer le lagon au cœur, remonter d'imposants bénitiers , prodiguer des caresses aux requins de sable de l'atoll radieux ! 

Quel délire pensait-il !!

Noël Vallier