dimanche 14 août 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( 6 )

Et pourtant ce bolide ailé , parvenu après quelques minutes de vol au maximum de sa vitesse le renvoyait aux souvenirs des autocars départementaux de son enfance !!
Certes le transport paraissait plus extravagant , plus surréaliste , ses commodités un peu bluffantes là-haut , si haut dans le ciel et pourtant l'engin déroulerait le ruban de sa longue route jusqu'au terminus Polynésien , protocoles embarqués maintes fois utilisés et garants présumés de la sécurité des passagers .

André détenait-il par le menu les informations concernant l’ensemble de son périple, oui sans doute mais pourquoi attacherait-il tant d’importance à cet organigramme, il choisirait de vivre chaque instant et se laisserait porter par les évènements !!
Dès la première collation matinale quelques heures après le décollage la plastique parfaite des charmantes hôtesses du palace avait occupée l'étroite allée centrale , un parfum délicat flottait dans leur sillage sans cesse émoustillé par leurs fréquents passages .
André assurément troublé venait d’en prendre l’agréable mesure .
Un douzaine d’heures de décalage horaire et vingt quatre heures de vol effectif tels étaient les paramètres familiers connus de tous , André compléterait le tableau en y ajoutant quelques théories fumeuses dont il avait le secret !!
Il était donc chose acquise que du service aimable de ces charmantes hôtesses il serait fréquemment gratifié, il pourrait aussi à loisir observer et saisir depuis  la vitre épaisse du hublot quelques surgissements de terre, quelques bribes de territoire ou quelques munificences inédites.
Il en aurait l'opportunité et le temps !!

Le précieux DC8 propriété de la compagnie UTA ne manquait pas d’allure, une première escale à Athènes et la ville grecque fut naturellement l'arbitre des premières élégances .
Un fuselage comme un corps de danseuse flanqué de deux ailes gracieuses, l’endroit du poste de pilotage à son extrémité constituait un ovale ogival et la ribambelle de petits hublots rieurs donnait à la carlingue un air aimable , une humeur très hospitalière.
Le temps de se dégourdir les jambes dans les limites strictes de l’aéroport , de griller une cigarette , d’acheter quelques revues locales , quelques babioles , de découvrir d'autres visages , et les nouvelles procédures de transit seraient ainsi assurées . Depuis le départ du Bourget l'avion ne désemplissait pas, au petit jeu des chaises musicales une clientèle enjouée se prêtait volontiers , la compagnie jamais n'eut à déplorer le sort malheureux d'un perdant !!
Comme une paix de cathédrale , chacun à sa place , d'autres visages , certains plus aimables , certains saisis par la trouille visiblement crispés , et quelques quidams sans le moindre complexe jusqu'à se vautrer dans le moelleux de leur siège.

On lui avait promis un dépaysement qui irait crescendo, il n’avait jamais refusé de le croire et naguère l’instant du choix de la Polynésie, décision inspirée prise lors de ses tests probatoires lui revenait encore en mémoire, c’était la destination la plus lointaine, la plus convoitée, la plus enthousiasmante , la plus improbable  et pourtant !!
Parmi les mots, les musicalités qui le faisaient rêver quand il était enfant il était souvent question de celles venues depuis l'usage de quelques vocables ; tropiques, Tahiti, océan, îles, archipels  …
La bibliothèque verte qu'il ne trahissait jamais lui avait donné tant d'informations , les œuvres condensées du capitaine Cook, ou de celles de Louis Antoine de Bougainville notamment .
Sa décision , ses choix ne relevaient pas du hasard !!

Ils étaient partis de Paris sous un froid de canard , le climat d’Athènes était étouffant , André avait enfilé un polo plus adapté , un lin délicat offert par sa cousine , femme rieuse , généreuse .... et tellement gourmande !
Pas une pâtisserie nîmoise reconnue n'échappa jamais à sa vigilance !!
C’est aussi avec elle qu'il prit son premier grand plaisir cinématographique . En cette délicieuse année 1964  « My Fair Lady » s'imposa en effet .
Le plus grand cinéma de la ville l'avait mit à l'affiche , la salle était immense . C'est dans un insondable fauteuil rouge qu'il retint ses premières larmes tant cette histoire était touchante , et l'interprétation inoubliable de la sublimissime Audrey Hepburn ajoutait à son trouble .

L’avion était désormais sur un axe de navigation qui devait les propulser jusqu’à « Colombo » capitale de l’île de Ceylan.
A leur arrivée, parvenus au pied de la passerelle une atmosphère lourde , étouffante ajoutait à l'extraordinaire vécu par leur sens et leurs mirettes , c’était oppressant mais étrangement enivrant.
Il avait mis son premier doigt dans la confiture, il pressentait déjà les sensations promises, l’aéroport de Colombo et son incessant tohu-bohu préfigurait sans doute le dépaysement radical sur lequel il comptait tant et tant .
En réembarquant il ne pu s’empêcher de se retourner pour une dernière contemplation , l’esprit de l’aéroport de Colombo en disait long sur la trépidation qui devait convulser ruelles et quartiers, il ne pourrait hélas que l'imaginer .


Noël Vallier.

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