lundi 14 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( suite ) .

André venait d’être invité pour une croisière de trois jours.
Il embarquerait sur une goélette à destination de Bora Bora, île sous le vent proche de Tahiti, autre perle, autre merveille !!
Le deux mâts appartenait à un commerçant chinois, il serait pris en main par un barreur expérimenté.
André rassembla quelques effets, acheta plusieurs rouleaux de film pellicule et se promit le jour venu d"en faire le meilleur des usages .
Ce jour-là l’odeur du coprah titillait fort ses sens, elle embarquait en chemin tous les effluves capiteux de l’île, ceux qui s’exhalaient depuis les limons acides, les fruits mûrs, ceux qui suintaient depuis le port de Papeete , monoï gras et bois de coque noyés .
Rien de nouveau sous la voûte polynésienne mais de fidèles répliques, toujours égales, grands moments matinaux, constructions de jours limpides nés de la terre et du soleil.
Que pouvait-il espérer de mieux que ce bonheur parfait ??!!
A 260 K au nord-ouest de Tahiti se dresse fièrement l’île de Bora Bora considérée comme la perle la plus aboutie du pacifique.
Quarante kilomètres carrés de superficie elle donnait et donne encore aux touristes de quoi satisfaire leurs envies de vertiges, sept cent mètres de foisonnante verticalité pour le point culminant, André pourrait s'ébaudir devant tant de panache et pris de grisants vertiges il se souviendrait une fois encore du spectacle plus dépouillé des dentelles basses des Tuamotu …
Une passe unique peu profonde autorisait le chemin des cargos, en revanche l’accès en amont leur était interdit, ils stationnaient dans le chenal.
Combien de touristes restèrent ainsi saisis, André visiteur privilégié de cette année 1969 n’imaginait pas combien ces beautés deviendraient statistiques et comment la fin du 20 siècle traiterait de ce tourisme luxueux en rigoureuses prospectives économiques.
Quelle formidable horlogerie !!

Le voilier s’était immobilisé du côté de la baie d’Hitiaa après une traversée sans histoire.
Parti de Papeete vers cinq heures il pointerait le bout de sa coque à Bora Bora une dizaine d’heures plus tard.
Les deux tahitiens manoeuvriers avaient tiré un espadon d’une vingtaine de kilos, ils avaient levé les filets les plus tendres et préparaient un gourmand poisson cru.
Mariné au lait de coco et au jus de citron, mêlés à quelques aromates et épices, les tranches taillées en carpaccio prendraient ainsi jus dans cette odorante marinade.
L’océan tout au long du parcours avait giclé ses écumes par-dessus le petit bastingage, ils étaient trempés, les embruns fouettards couraient sur le pont, ils vivaient ces péripéties en s'en amusant, leur short en tissus de paréo collait à leurs fesses, mais de leurs fesses ils n'avaient que faire !!
Quelle suite en trombe, il venait de passer l'âge de ses vingt ans !!

Il fallait en convenir, cet âge avant la fin des années 70 n’était point encore celui de la majorité, l’autorité des parents n’était pas discutable et jusqu'à bien tard dans la vie de leurs progénitures, et pourtant se souviendrait-on du moindre petit problème ?
Jamais en effet ou si peu, l'emploi ratissait encore large il y en avait pour toutes et tous et pour les plus ambitieux même en retard d'une guerre le savoir faire et le talent finiraient par payer !!
Le service militaire se révélait en outre pour beaucoup comme une longue parenthèse formatrice et la conscription considérait souvent cette servitude comme un moindre mal, André lui y trouverait de substantiels avantages !!
 
Ce n’était plus le temps de la guerre, il suffisait pour s’en convaincre de lever les yeux vers le ciel.
Point d’encombrement , nulle pétarade , et sur terre pas la moindre trace du premier fantassin , cependant la France expérimentait , il arrivait hélas qu'entre ciel et océan de sinistres champignons taillent la route , une variété nouvelle probablement, très très vénéneuse...
Plus tard ils apprendraient que leur fumet était de la famille de la vérole.
André petit bonhomme candide, épargné des sinistres charniers d'antan, douloureux lendemains de guerre vivait-il vraiment le meilleur ?

Noël Vallier

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