vendredi 12 août 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'archipel radieux ( 5 ) .

Il avait quitté Toulon en y laissant quelques tristesses quelques mélancolies, cette ville tout juste dévoilée méritait mieux que cet abandon soudain , cette hâte dopée par les impatiences grisantes du grand départ.
Les vieux Toulonnais sifflotaient dans les ruelles , d'autres assis sur les bancs publics près du boulevard échangeaient secrètement telles des dentellières jalouses de leur art de broderie  les plus belles histoires de leur vie agrémentant l'ordinaire de quelques récits d'aventures joliment inventées .
Les vieux ne parlent plus ?? Peut-être  … mais alors seulement sous la pression de l'horloge , jamais à Toulon ville bruyante comme une volière où les bavards Goélands finissaient même par renoncer !!

André arrivait à Valence  ….

Le froid piquait fort dans les avenues de la préfecture, la brasserie le Continental pleine comme un œuf donnait à prendre pour de longues heures le cuir tanné de ses banquettes et là d’innombrables séants parmi lesquels ceux frétillants et alertes des minettes pensionnaires qui n’avaient de cesse que de croiser et de décroiser leurs jolies gambettes, subtile gymnastique raison unique de bien des fièvres.
Le percolateur sifflait fort fidèle à ses habitudes, un huit tasses, vraie locomotive aux chromes impeccables lancée à pleine vitesse , au service de la correspondance la plus prisée de la journée celle du 12-15 heures !! Les petites faïences blanches à l'anse robuste valsaient comme collées aux mains expertes des barmans de l’établissement.

Dernière halte à la maison, embrassades, ultimes préparatifs, une valise remplie jusqu'à sa gueule véritable bombe à retardement, caméra super 8 précautionneusement calée, deux ou trois « San Antonio » pour préparer une route qu'il espérait spirituelle aussi , puis une courte nuit de sommeil sur la qualité de laquelle il ne se faisait aucune illusion, elle n'apaiserait rien ou pas grand-chose !!
Il s'accommoderait le lendemain des encombrements de Paris, il sécuriserait ses déplacements, veillerait à ne jamais se laisser distraire pour se retrouver enfin à l’heure exigée sur le parvis de la caserne de transit point de ralliement des troufions métropolitains.
Il était parvenu sans trop de difficultés à s’accommoder des contraintes que lui posait le dédale parisien, et tout ce petit monde installé pour une nuit dans une caserne de transit spéculait sur les surprises possibles que pourraient leur réserver leurs prochaines pérégrinations .

Il partirait par la route des « Indes » itinéraire confirmé , depuis l’aéroport du Bourget, un DC8 décollait le lendemain matin, passeport et vaccins à jour il embarquerait en sa qualité de fonctionnaire d’état sur un avion de ligne à vocation commerciale !!
Il avait si peu vu de Paris, le métro certes , un tohu-bohu incessant , il était tard le soir de son arrivée, il aurait  tout de même prit le temps de chaparder un peu du spleen de la capitale , il n'aurait pas entendu le moindre papotage , on ne papotait pas sur le macadam fourbu des grouillantes avenues ?
Il ressentait une sensation étrange, était-il vraiment observé comme il lui semblait ??
Depuis son arrivée dans la capitale il le vivait ainsi, était-ce sa gestuelle empruntée, son allure hésitante, ses curiosités fréquentes qui le plombaient de la sorte ?? Il en tirait de bien mauvaises conséquences !!
Il était une victime provinciale , une de plus , pourtant les dames élégantes de l’avenue ou celles plus furtives qui couraient les petites ruelles avaient mieux à faire , était-il seulement vu ?!
Tout compte fait il n’y attachait que peu d’importance , il appréciait le chemin parcouru depuis l'enfance se souvenait de la bonne éducation , de l'affection sans faille qui lui furent prodiguées  un père absent il est vrai mais des grands-mères tellement aimantes, une mère attentive à l’esprit vif et affûté, une jolie frangine de dix  ans sa cadette , groupie peut-être , et tellement de dentelles et de broderies , de gourmandises et de rires d'amusements et de stupéfactions !!

L’aéroport du Bourget brassait ses carlingues en tout sens, on s’agitait dans les cockpits, les conventions  et les protocoles laissaient à voir et à entendre des bruits étonnants , d'inédites chorégraphies .
Seuls les techniciens vissés sur l’immense tarmac pourraient décrypter ...
Ils s’étaient regroupés, une quinzaine peut-être, désormais mêlés aux passagers aguerris de ce vol commercial, l’ambiance était détendue.
Une navette s’approcha, deux autres suivirent , puis ils présentèrent leurs passeports et ordres de mission, des employés régissaient l’importante ondulation produite , ils venaient tout juste d’être reconnus en leur qualité nouvelle de « persona grata » !!
Ils montèrent dans les navettes, plus loin le corps de l’avion DC8 qui les attendait leur parut élégant.
De charmantes hôtesses les attendaient au pied de la passerelle, ils montèrent les marches suivant en cela leurs souriantes invitations.
Leur cœur battait un peu chamade, il furent aussitôt rassurés , ils se calèrent dans le moelleux de leurs fauteuils réservés.
A peine venaient-ils de s’installer, tout juste quelques instants , quand le commandant de bord se présenta .
Il leur souhaita la bienvenue, les hôtesses tout sourire récitèrent un court protocole, André se blotti contre le hublot, l’avion s’ébranla bruyamment prit toute sa vitesse et la carlingue en bout de piste leva du nez.

Peu après le monde du tarmac que l'on pouvait encore entrevoir , puis les crêtes parisiennes disparurent à la hâte , il s’apaisa et retrouva un peu de ses esprits …



Noël Vallier





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