vendredi 5 août 2011

L'Archipel radieux ( 1 )

Les premières années de la décennie 70-80 coulaient , onctueuses et parfumées comme un sirop grenadine .
André revenait de Tahiti , ses quatorze mois de service militaire étaient désormais bouclés et traînaient encore dans ses narines les délicieuses odeurs du coprah et des fleurs de tiarés .
La réalité était saisissante , il redécouvrait la métropole , les apprêts et les affectations de la gente féminine et restait stupéfié par le souffle libertaire qui  semblait embarquer mœurs et charnalités .
Ces corps lointains si convoités, ces regards furtifs qu’un trait de mascara délicat fardait si joliment, leurs conversations plus gouailleuses , affublées d’une coquetterie plus effrontée mais pleinement assumée , allant même jusqu’à rogner sur leurs piteuses minauderies , les filles étaient , simplement , toujours gardiennes de bien charmantes manières mais tellement différentes .
André ne cessait de se remémorer les années sixties si précieusement consignées dans la partie tendre de son cortex et défilaient encore sur l’écran nostalgique de ses proches souvenirs les posters innocents et les ravissants minois qui tapissaient les murs de sa chambre .
France , Sylvie , Françoise et quelques autres , toutes douces compagnes , tendres passantes de ses nuits !!

L’inexorable charme de la Polynésie jouait sur une partition plus étrange plus  contrastée .
Exubérante , luxuriante, l’île radieuse modelait à son image les humeurs et les discrètes frasques de sa pittoresque et gracieuse population .
Gracieuses , félines tout autant , les Vahinés caressaient à peine le sol feutré de cette enchanteresse terre , leurs déplacements semblables aux vertiges mousseux enfantés par l’écume des vagues roulantes de l’immense Pacifique jamais ne cessaient de léviter .
Les hommes pêcheurs , bringueurs insatiables dotés d’une force peu commune vivaient au rythme de la sensualité féminine débordante de cet étrange paradis , les jeunes femmes à la plastique parfaite ondulaient effrontément leurs fesses et leur déhanché naturel réveillaient incessamment de pressantes libidos .
C’était ainsi, la Polynésie de la fin des années 60 était encore saisie par le roulis primaire des sens , elle était aussi très religieuse et les militaires venus depuis la  métropole restaient interloqués .
Tahiti était désir certes mais le fer brûlant des conventions et des coutumes semblaient veiller pour mieux prévenir les moindres transgressions .
L’arrivée de nos amis à Papeete leur parut semblable à un miraculeux pétillement , sitôt parvenus dans le hall de l’aéroport tamourés et sourires furent leurs premières escortes , instants de grâce que des vahinés comme dans un rêve ne cessaient de broder , puis elles s’avancèrent et les couvrirent de colliers de fleurs de tiaré fraîches , ces préliminaires les embarquèrent aussitôt dans le tournis de leur première ivresse !!

Ils venaient d’atterrir dans un autre monde , le DC8 en survol au-dessus de  l’ île quelques instants plus tôt leur avait offert une vision préfiguratrice , celle ouverte sur un écrin  somptueux à peine traversé par quelques nuages fondus , volutes figées  et aimables qui n’entamaient nullement la pureté de son azur confondant.

Après l’aéroport le truck de service traversa plusieurs districts dont celui de Piraï secteur plus ombragé qui les rafraîchit opportunément , l’atmosphère étouffante les avaient tant saisi, et s’ajoutant aux capiteuses odeurs de coprah de vanille il ne s’en fallu que de peu avant qu’il ne provoque un étourdissement général  , oh doux instants mêlés de stupéfaction et de béatitude !!
Le Truck  moyen de transport rude et pétaradant , joyeux et gracieux , semblable à un petit autocar était entièrement ouvert , les assises étaient constituées par quatre bancs parallèles sur lesquels les passagers se faisaient aimablement face ; l’engin coursait sans relâche .
Le bois de ses structures était imprégné par l’odeur du monoï , les paréos moulants et courts de ces demoiselles laissaient souvent apparaître et jusqu’aux limites décentes de leurs cuisses leurs chairs cuivrées , ces chairs cuivrées que nos amis pressentaient douces , tellement douces …
Le séjour semblait leur promettre des heures exquises à tel point que la mission militaire qui leur avait été confiée suscitait déjà quelques délicieuses amnésies !!
Le camp militaire d’Arué était de composition plutôt agréable, ils étaient installés dans des baraquements militaires nichés au centre d’un vaste espace arboré desservi par des équipements et des structures convenables qui leur assureraient un hébergement quotidien satisfaisant .
Les cocotiers innombrables, les bougainvillées et autres palétuviers s’ajoutaient aux massifs de tiaré , explosion végétale  luxuriante que des mains expertes entretenaient quotidiennement.
Une poste militaire couvrirait leurs demandes et les services de correspondance seraient ainsi efficacement assurés , le vaguemestre s’occuperait de la charge et se mêleraient à l’accueil règlementaire sympathie et attention .
Un vaste espace était dédié au cinéma, ouvert sur son périmètre il était pourvu d’un toit traditionnel constitué par l’entrelacement de végétaux divers ; essentiellement des larges feuilles de palme lesquelles recouvraient une charpente en bois dur , l’épaisseur importante de sa couverture végétale les protégerait jusqu’aux gouttes de pluie les plus insidieuses .
Il arrivait en effet que surgissent des averses violentes mais elles se calmaient et disparaissaient aussitôt leurs traces , l’ardente activité du soleil polynésien asséchait aussitôt et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire les nombreuses flaques éparpillées sur les petites excavations du camp.

Telles furent ses premières  impressions ….

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