lundi 31 octobre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ,

Ah ces longs moments passés à rêvasser à l'ombre tiède , si près des foisonnements fleuris , un peu en repli André paressait aussi , les narines saisis par des parfums en sieste , le regard dévoré par l'étalage d'une ribambelle de beautés .
Dans les allées du marché de Papeete les étals regorgeaient de fruits , des centaines d'effluves mêlés suffoquaient le chaland , c'était une sorte de vertige , un festival de couleurs , une fête ..

La petite caméra super 8 offerte par son aïeul  traînait hélas trop souvent dans son armoire , il s’en était servie pour immortaliser les beautés du petit atoll de Tureïa , cette pépite l'avait inspiré si fort qu'il avait  consommé toutes ses pellicules , liquidé son stock et bien avant son retour sur Papeete !

Les fêtes de juillet approchaient et la capitale polynésienne préparait cet évènement avec une ferveur et un enthousiasme extraordinaires .
Les courses de pirogues , les danses tahitiennes accompagnées par les rythmes sourds des tambours et les plaintes amoureuses des ukulélés , les tamourés lascifs magnifiés par la plastique parfaite des danseuses et danseurs , les chorégraphies somptueuses , ce spectacle foisonnant peu à peu devenait quasiment immatériel la foule captive , saoule de liesse danserait et chanterait jusqu'aux premiers frémissements de l'aurore ...

Des touristes gras et mal fagotés , chemises tahitiennes enfilées à la hâte sur leur chair grasse , débordante se   déhanchaient , grotesques , et venaient resquiller un peu du bonheur des anges .
Les danseuses sourires figés chaloupaient leurs hanches , elles frôleraient ( suivant les termes établis du protocole )  les panses considérables de ces clowns , leurs femmes aussi niaises se tordaient en tout sens  vilaines canes , et semblaient telles de vieilles catins attendre que quelques danseurs montent …

Les sottes !!

Il était tard , les bedonnants touristes s’étaient sûrement vautrés sur quelques sofas , épuisés par leurs pitreries , les dernières heures de la nuit seraient ainsi préservées.
Après plusieurs heures de danses ininterrompues les artistes firent la pause , ce court répit ne troublerait point l’extase , au repos danseuses et danseurs se déplaçaient encore comme Cupidon …
Puis tard dans la nuit ils repartiraient vers Papeete , instruments soigneusement emballés , ils ne leur faudrait pas moins de trois trucks pour embarquer matériels et artistes !!
Ce soir là  André et deux de ses amis miraculeusement resquillèrent chacun une place …
André ne cessa jamais de me confier de si belles images sur les odeurs et les miracles de la nuit Polynésienne  que je ne peux résister à l'envie de vous en conter encore !!
Il s'émeut toujours quarante ans après à la seule évocation du vent , ce vent tiède fouetté par la vitesse de déplacement du truck , cette brise lui caressait la nuque , elle fuitait par les ridelles de l‘engin , cet alizé  charmant , il en rêvait déjà quand il était gamin avant que les heures ne soient chambardées , en plein été sous les platanes , près des étoiles à l’heure des grillons ...
André et ses collègues finiraient leur nuit au « Bounty » seul endroit de la ville ou pouvait se concevoir un noctambulisme délicat et préservé .
André invita une poupée .
Ils se collèrent l’un à l’autre , quittèrent précipitamment la piste , puis ils se bécotèrent goulûment s'abandonnant sur l’une des banquettes profondes du night-club.
Elle parlait un français impeccable , ils sifflèrent un whisky-soda pendant l’attraction.
Une belle blonde s’effeuilla minaudant jusqu'au dernier accessoire et ce fut le moment excitant de sa nudité la plus expressive .
André ne ressentit jamais le moindre trouble , il préférait plonger dans les yeux humides de sa danseuse …
La piste était bien trop encombrée, elle le prit par la main ils remontèrent deux ou trois rues puis elle l'invita au seuil de sa porte ....


Noël Vallier












samedi 29 octobre 2011

Les Martiens et la Sécu ...


Les Martiens débarquent !!!

C’est semble t-il la vague migratoire la plus importante à laquelle nous allons devoir faire face ….
Se posera alors un nombre incalculable de nouveaux problèmes, de nouvelles difficultés ….
Sale temps pour les daltoniens par exemple , eux qui pestaient et à juste titre de ne pouvoir qu’au prix de grandes difficultés discerner le noir du blanc , le blanc du jaune , le jaune du noir devront désormais compter avec le vert …
Et quid de leur intégration, voudront-il en effet passer sous coupe ??
Notre modèle social ne risque t-il pas d’être définitivement mis à bas, en effet qui se portera volontaire pour accueillir sa part de nouvelle population martienne devra investir dans le froid électronique états-Unien …
Car nous savons bien que sur Mars ça pèle grave …
Et nous savons aussi depuis bien longtemps que nos régimes grelottent.
Et sauf à considérer que les pôles pourraient leur être acquis, j’imagine aussitôt la tête des Inuits, on voit mal comment pourrait être répartie la nouvelle masse !!
Le stade GEOFFROY GUICHARD pourrait certes prendre sa part mais c’est à ma connaissance le seul complexe sportif français susceptible de consentir un tel effort.
Encore que ne seraient point réglées les difficultés liées à la rotation …
Et le stationnement de leurs engins ??
Quelques visites impromptues nous apportèrent les preuves visibles d’une détérioration scandaleusement géométrique de notre environnement, conséquences de leur atterrissage vertical, s’en suivirent des champs de luzerne tondus en u en v en y en o, combien d’agriculteurs devinrent sitôt mabouls, combien de vaches surprises nuitamment, choquées, se mirent soudainement à braire et combien de laids se mirent à tourner … sans raison !

Oui notre modèle social est en berne, nous avons déjà tant de mal à réguler les équilibres précaires de nos différents régimes qu’il convient me semble t-il de pétitionner sur une grande échelle (ce n’est pas sans risque plus l‘échelle est haute et plus elle tangue) pour exiger que tout soit mis en œuvre afin que cette migration verte soit reportée dans le temps.

30000 ou 40000 ans par exemple, le temps qu’il faudra à nos gouvernants pour redresser les comptes, après nous verrons bien !!


Noël Vallier.


vendredi 28 octobre 2011

Désolations ...



Puis la gadoue s’en vient et ses flaques livides
Peinent à préserver quelques cristaux fondants
La vie presse le pas sur les bordures vides
Que l’hiver blanc déserte en ce jour confondant

Nous sommes blancs venus tombant comme la neige
Agrippés aux flocons nous aimions tout comme eux
De cette averse vierge faire quelques solfèges
Portés par mille croches et leurs rondes des cieux

Nos yeux d’enfants encor étourdis par l’ivresse
Du silence brodé cousu par ces fils blancs
Ont cédé aux carreaux de folâtres paresses
A s’ébaudir sans cesse de voir couvrir les bancs

Quand elle tombe rien de nous lui oppose
Ce procès destiné à l’éphémère vie
Qu’une beauté trompeuse ce que dure une rose
Ni ne vaudra clémence ni doutes ni survies

Nous la verrons très grise après quelques souffrances
Vengeresse épinglant sur ses crêtes gelées
Ses épaisses rondeurs leurs verglas et leurs danses
A damner nos cadences et flirter nos coulées

Pourtant l’hiver prochain quand les belles semaines
Chanteront leurs flonflons qui le gui qui le hou
Viendront blanches torpeurs ces désirs blancs de traîne
Avant que l’on patauge, maugrebleu dans leurs boues

Les cloches ..


Ah ce soir quelle allure il fut question de cloches
De celles qui agacent les gentils riverains
Les sons le do le fa ces gammes fieffées de  mioches
Ce vibrato insigne ces sons lointains ces trains

Ces trains dieux de la nuit et du jour qu’on espère
Ce rythme sacro-saint parjure de vauriens
Cette trempe de la vie de la mort ce diptère
Bourdon grave nocturne boumeur de maux pour rien

Je n’entends nulle voix pas d’écho outre-tombe
Ni plaintes ni ordures déversées par les saints
Je n’entendrai jamais gémir sous la dalle les zombis
Ou pleurer les braves hommes de s’être éteints sous tain

Les cloches de deux sous ou celles d’or qui casquent
Ding Dong Song qu’ont-elles fait de bienfaits sous les masques
Song Dong Ding les voilà les volées les voilures
Ces bonheurs hauts de vol  ces cintres ces parures

Que jamais rien ne manque au sommet du beffroi
Du sommet de ces cloches où les croches larmoient
Que jamais Dieu vivant il ne soit de blasphèmes
Que la place encombrée puisse aimer comme on sème

Et si de bruits s’égrènent les heures de la nuit
Et si le marteau Song du Messie trop ennuie
J’irai hurler ma peine comme geignent les chiens
Dans les buis vers les grives aux matins aoûtiens


Noël Vallier
 




L'Archipel radieux ( suite ) .


Sept mois !!!
Sept mois s’étaient écoulés depuis le jour de l’atterrissage du DC8 sur la piste de l’aéroport de Faaa.
André aimait revisiter les épisodes de cette longue séquence aérienne démarrée au  Bourget en ce mois de janvier 1969, et qui s"achèverait sur le tarmac de Faaa à Papeete capitale de "OTahiti E" en Polynésie française !!
Il devenait parmi d'autres chanceux l’un des acteurs de l'histoire inachevée d'une hégémonie , humble représentant de la France , cette métropole souvent héroïque , redoutable , riche d'une histoire de plus de mille ans , conquérante , ambitieuse , souvent irrésistible !!
Que d'émotions , une par escale pour le moins et tous les impromptus souvent des éclairs de soleil déchaînant de soudaines peintures d'azur toujours nuancées jamais tout à fait les mêmes ...
Et la carlingue prétentieuse traînant son fuselage et toutes ses structures , qui filait droit , déterminée , telle une flèche , maquillant le bleu du ciel d'une vaporeuse traîne blanche , immaculée .
Tant d’insolites circonstances saisies depuis l’œil curieux du hublot  !!
Cet épisode marquerait sa vie, une belle claque pour ses vingt ans , ébranlée à jamais sa toute jeune conscience !!

Les souliers traînant dans la boue des campagnes , la frimousse souvent mâchurée , les fesses et les cuisses râpées par le grain grossier des petites collines du sable jaune , puis chouchouté , "mercurochromé" par les mains expertes de sa mémé il se consolait ainsi de ces quelques mésaventures , enchanté par l'odeur de la violette et étourdi par les élégances de ses robes fleuries .

Il s’était souvent cogné les genoux en effet , premier cuir arraché , chairs sanguinolentes , hématomes et bosses , picots accrochés dans les fils de ses chaussettes , caresses des orties veloutées qui faisaient s’arrêter le jeu toutes affaires cessantes tellement étaient irritantes ses soudaines allergies .
Combien de fleurs de Lys furent ainsi pansées et autant de conjurations , mémé était une experte , elle réussit même un jour à stopper le processus douloureux et les conséquences déformantes occasionnées par les venins d'une vingtaine de guêpes !!
Etonnantes techniques empiriques , observances , transmissions , c’est ainsi que bobos , tourments de tous ordres , désordres intestinaux divers , coups de froids , coups de chaud , piqûres d’insectes , abeilles  guêpes ou frelons furieux , jamais aucun de ces désagréments ne connut la moindre impunité !!
Épiés, traqués par la médecine des campagnes, les maux et les bobos étaient éradiqués en toutes circonstances …

A onze ans André devint citadin !!

Il lui faudrait quitter ses grands-mères , oublier les criques et les fricassées de patates du jeudi , les salades de pissenlit , celles du cresson délicat cueilli dans les petits fossés courants du Crau , les odeurs de violettes qui imprégnaient tant robes corsages ou chasubles , il s'en allait à Valence découvrir les odeurs et les charmes de la ville.
Il pourrait découvrir d‘autres perspectives , connaître d’autres camarades , d'autres impressions bien sûr , celle si particulière du macadam mouillé par les pluies fines et ses exhalaisons d’odeur de suie , celles plus capiteuses qui couraient depuis le seuil de quelques boutiques , dont le fameux "Air du temps" de Nina Ricci  parfum coutumier de sa mère , absolument enchanteur , et cette colombe nacré superbe cabochon légendaire de l'éternel flacon.
Et les émotions que lui procurait l’hiver urbain , cet hiver contenu puis réduit par les façades haussmanniennes , ballotté par les néons multicolores des enseignes , ces ballets alternatifs de lumières vives encouragés par le tempo vif et joyeux de l’humeur consumériste …

Sept mois s’étaient écoulés en effet depuis son arrivée à Papeete , il aurait voulu faire plus de tourisme , visiter les îles voisines de Huaniné ,  Moorea , repartir dans les archipels , pousser jusqu'aux Gambier et  s’enquérir de l’humeur des beautés contrastées des îles Marquises .
Las , il n’était pas touriste , pas très argenté , mais l’armée lui avait déjà tant offert et il en convenait sans réserve , il se contenterait de son fabuleux ordinaire !!
C'est ce qu'il fit avec bonheur et application , il obtint ainsi son diplôme d’honneur de soldat de première classe!!
Son Commandant avait-il enfin compris les vraies raisons de sa regrettable déconvenue vécue sur l’atoll de Tureia ?
Il en était désormais persuadé .

Noël Vallier .

jeudi 27 octobre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) .

Les deux aventuriers désormais ressaisis la crampe relâchée avaient retrouvé les copains , puis ils relateraient avec une certaine gourmandise leurs péripéties sous-marine .
Il se souvenait des requins de sable du lagon , familiers presque sympathiques , la gueule hermétique dessinée à la manière d'un insondable sourire , une interminable virgule comme pour mieux dissimuler leur ribambelle de crocs toujours redoutables , acérés et tranchants comme les diamants du vitrier ...
Les rencontres avec les squales n’étaient pas si fréquentes , il s’en produisaient cependant , dieu merci la taille des requins restait humaine le danger n’était point celui d’être dévoré mais celui d'être légèrement entamés peut-être !!!
Pas de quoi fouetter un requin ....
Que devenaient les anciens collègues d’André , le début du mois de mai était bien entamé , les petits farés de l’atoll participaient-ils des mêmes fêtes , la petite équipe était-elle toujours solidaire , soudée , les jolies vahinés de l’île pareillement curieuses et nouaient-elles quelques flirts ??

André envisageait les amitiés au sein de l’équipe militaire de l'atoll , elles avaient probablement débordé le cadre du camp pour s’en aller flâner jusqu'au village !!
La solitude collégiale de Tureia d'un côté , ses coraux dressés comme une dentelle grise , bataillon immobile briseur de vague et de lames , sentinelle immobile , semblant passive , redoutable bave de calcaire comme mortifiée , solide comme l'acier et vénérée par les polynésiens des îles , puis au centre disait-on un paradis de verdures , de fleurs , de senteurs tout juste capiteuses comme on les aiment , de panoramas grandioses et de fêtes sans fin ....
Une population généreuse attachante oh combien exubérante , puis une minorité de militaires , drôle de bataillon , définitivement convertis , jamais belliqueux intégralement désarmés et chaussés de tongs !!

Mais son récent souvenir de l'atoll !!
Il aurait pu sans relâche découvrir, comprendre, aimer ….
Il aurait lu , beaucoup lu , écrit sans doute , le panorama sans relief autour du cordon corallien eut été une source d’inspiration constante , il aurait aimé cette solitude il en était sûr aujourd'hui .
Il n'avait pas vu grand chose du lagon , pas assez ,quelques visites seulement , il le regrettait , il le regretterait longtemps ...
Il se doutait bien de ce qu'il aurait pu obtenir de ses convives du coquet réfectoire ..... une métamorphose !!
De bâfreurs ils se seraient transformés en esthètes , le boudin aux pommes ainsi réhabilité , le salé sucré expérimental unanimement reconnu et apprécié , le repas un vrai moment de fête ,
Il aurait toujours aimé la majesté des frégates , leurs cris , vu tous les jours le soleil baigner ses rayons à l’est puis à l’ouest et au ras des vagues s’inonder et inlassablement renaître .

A Tahiti c’était touffu, luxuriant, embaumant, les végétaux somptueux et les fleurs uniques croisaient jour après jour tendrement le fer avec l’azur et de leurs blessures légères survenait l’esprit de la volupté.


Noël Vallier













mardi 25 octobre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux (suite) .

Napu prenait son scooter pour se rendre à son travail , il venait rejoindre André et la brigade depuis son faubourg de Papeete .
Il ressentait tel un ingénu le bonheur que la griserie de son petit engin pétaradant lui collait à ses basques , il moulinait au ras du macadam , à la limite de l'emballement , le boucan pulsé comme celui que libère les vieilles cafetières .
Toujours nonchalant , califourchonné sur son siège en skaï , c’est plein gaz qu'il croisait à l'entrée du camp   les plantons du poste de contrôle !!
Sans casque , tignasse au vent , cheveux corbeau , Napu taillait la route comme un gamin , son scooter c'était sa meilleure sucrerie , sa vraie gourmandise .
Ce colosse de deux mètres était l’ami des militaires du camp , orfèvre culinaire il s'amusait en cuisine et déclinait une palette de virtuosités confondantes . Pourtant les louches , écumoires et autres ustensiles un peu perdus dans ses mains semblaient comme des accessoires de dînette , l'acier trempé à la vue de la prochaine poigne tremblait comme le fer blanc !
Napu était un chef , quiconque en contesterait l’usage ..... mais jamais personne n'en contesterait l'usage !!
Un jour il fut absent , puis le lendemain , André et ses amis apprirent qu'il s'était fracassé sur le bitume , le scooter en miettes , tôles et chairs éclatées à l'intersection de la route littorale pas très loin de la base .
Les fleurs de tiaré le temps de son agonie avaient du frissonner d'horreur , lui qui les aimait tant ne saurait pas que pour lui rendre hommage elles avaient exhalé ce soir là les meilleures essences de leurs sucs .
La brigade fit désormais sans Napu , Hatani pleura , la brigade était triste , l'atelier leur parut soudainement géant .
Ils récupérèrent ses affaires personnelles , elles furent rendues à la famille.
Napu avait souvent évoqué son île , il en connaissait tous ses beautés et depuis ses cimes il pouvait disait-il être aussi fort qu'Orio Mata ( oeil du cyclone ) .
Pénétrer l’île n’était pas si facile , terre sauvage et préservée en son centre elle comptait une multitude de végétaux , pour avancer dans cette jungle il fallait à la machette faire un chemin , il donnait invariablement une fois les broussailles dégagées sur de somptueux édens .
Les espèces d’oiseaux étaient innombrables et les gazouillis tremblaient les mares fréquentes que les pluies soudaines avaient composé au gré de leurs humeurs .
De spectaculaires chutes d"eaux giclaient depuis les falaises , certaines sans le moindre répit , naissaient ainsi d’impétueux torrents que la saison sèche ne parvenait jamais à réduire .
André s'impatientait de connaître l’île sur toute sa circonférence, il s"amusait déjà des pétaradants teufs-teufs lâchés par le truck.
Connaissait-on manière de transport plus charmante ??
Sur les routes étroites à l’écart de l’axe principal , il se souvient encore des caresses fortuites des frangipaniers , des virées chaotiques tellement amusées sur ces portions de routes défoncées par les pluies puis en chemin toujours le rire des vahinés , une fleur de tiaré autour de l’oreille , moquant sans cesse les espérances des « faranis ».

Le gars de Beaucaire avait une personnalité trempée , la démarche légère il prenait délicatement appui sur la pointe de ses pieds et ainsi chacun de ses pas lui assurait une prise de félin .
Il donnait cette impression agréable que de se mouvoir en apesanteur , à la manière des plus gracieuses tahitiennes !!
Amateur de plongée il sollicita André pour l'accompagner en direction des premiers fonds , bien après l’embarcadère.
André qui était encore un néophyte hésita un court instant puis il opina , sans doute pensait-il posséder une maîtrise suffisante .
La faune sous-marine était exceptionnelle , le festival de couleur prodigieux , des poissons par centaines semblaient suspendus au courant de ces petits fonds , immobiles , puis il taillaient la route à la vitesse d'une torpille dès les premiers remous gênants de leurs palmes .
Les deux copains remontaient en surface pour reprendre souffle , ils limitaient la profondeur de leur exploration à sept mètres ( et des poussières d'eau ! ) .
Ils étaient encore à distance proche de l’embarcadère , une centaine de mètres environ , il distinguaient déjà les premiers bénitiers .
Jacques fit un signe et ils poursuivirent leur balade sous-marine .
André sans grand enthousiasme , Jacques avec culot !!
La petite église cédait peu à peu sa place à une sorte de cathédrale et s’ouvrait ainsi devant eux une apparence de gouffre .
Une cinquantaine de mètres tout de même !!
Et de soudainement ressentir quelques sueurs froides !!
La faune semblait plus hostile , les proportions paraissaient décuplées.
Jacques le brave après avoir imposé de fréquentes séquences d’apnées jugea opportun d’indiquer le signal  du retour.
Tout se déroula pour le mieux, ils finirent par toucher les piloris de soutien de l’embarcadère, avant que de ressentir les premiers symptômes d’une crampe massive , carabinée …


Noël Vallier

dimanche 23 octobre 2011

A toi


A toi

L’amour l’amour n’est rien en dehors de soi-même
Si je t'aime c’est moi que je contourne un peu
Inceste douloureux comment dire je t’aime
A l’ombre de son ombre sait-on que l’on est deux

Si je m’accroche à toi quand près de toi je tremble
C’est que je m’aimais tant toi que j’ai confondu
Au reflet du miroir tant ton cœur me ressemble
Cœur que j’ai façonné à mes moments perdus

Cette note qui flotte survivante aux remous
Ces manies ces manèges et ces chagrins qui cognent
A la porte fidèle aux verrous un peu mous
M’emprisonnent aux barreaux que peu à peu je rogne

Cette progéniture ces enfants qui nous lient
Ce potentat factieux et ses larmes rebelles
Élèvent nos deux âmes si haut après les cris
Que tu pourrais hurler je te trouverais belle

Miroir l’amour est tout à l’intérieur on s’aime
Et si tu me ressembles je te ressemble tant
Biseaux glaces biaisées tes reflets flottants sèment
De l’ivraie sur mes notes que tu claques en riant

Toi et moi c’est nous deux n’ergotons plus ma crème
Cette ombre cette silhouette qui se pend à mes bras
Et qui traîne à mes pieds dès les premières flemmes
Du soleil qui paresse c’est toi mon ange …tout bas


Noël Vallier



jeudi 20 octobre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux (suite) .

Les plus charmants ou les plus acharnés parviendraient peut-être à capter un peu de leurs attentions mais ils seraient confrontés à d’effrontées espiègleries , parades très élaborées qui des jours durant se joueraient de leurs impatiences avant que ne surgissent les premières frustrations.
Un flirt , André n’en demandait pas davantage , il lui suffirait d'un flirt , mais d'attentions délicates elles n'en réservaient qu'à leur miroir ...
Étrange miroir présent comme une ombre , cette ombre partenaire exclusive de leur charme , de leur sensualité , conséquence heureuse de la fronde ininterrompue d’un soleil amical , intrépide …
Il attendrait quelques heures , quelques jours , pour enfin pouvoir frôler du bout de ses lèvres le goût de l'épice sucrée salée du velouté de leur peau .
Les militaires n’étaient pas en odeur de sainteté , leur présence sur l’île était jugée assez sévèrement , leurs projets leur paraissaient singuliers et hostiles , certains n’hésiteraient plus plus à dénoncer un comportement despotique !!
Seules les barrettes blanches ou dorées flanquées sur des épaulettes plates impeccables trouveraient grâce ces symboles de pouvoir élégamment affichés ne laissaient jamais la population indifférente et pouvaient alors  circuler dans des haies de "Oh" les héros des anciennes campagnes !!

André se trouvait ce soir là sur la plage grise près du « Royal Tahitien » c’était la fin de l’après-midi , le soleil rasait encore l"écume , s'abandonnaient sur sa peau quelques moiteurs perlées , il s’approcha des lèches éclatées et s’assit les fesses collées sur le sable.
Le petit ressac des vagues le faisait amusément rebondir, cette gymnastique marine dura le temps d’une grande bouffée d’iode , puis il se laissa sécher par le petit vent marin .
Il regagna le camp vers 18h30 , toujours un peu saoulé par l’odeur vanillée des amandes pulvérisées venue depuis Papeete…

Les haut-parleurs d’Arué diffusaient en boucle Otis Redding .
Le rythm and blues connaissait ses heures de gloire, et les vinyles de la collection «Terrible" ou
" Formidable" » vampirisaient le genre , tournaient sur le diamant du camp tous les succès du maître .
Nos amis ne s’en lassaient pas !!
L'homme , l'artiste remuait les coeurs et les tripes , André n'en pouvait plus d'espérer " Try a little Tenderness" à ses oreilles le titre constituait l'une de ses orfèvreries principales parmi bien d'autres joyaux et c'est ainsi qu'une méthodique sarabande faite de géniales lignes syncopées toucherait sans jamais cesser l'âme et le coeur du contingent .
Le cinéma du camp  projetait un soir donné  « Les Tontons flingueurs »  la petite chambrée avait fait une conséquente provision de bières Hinano , nos amis étancheraient leur soif au rythme des crochets , des directs ou des uppercuts de Lino Ventura .
Lino tombait les coups comme la pluie disperse ses gouttes , sur le même rythme les amis tombaient les canettes , et la société Hinano de se frotter les mains , la 68 2 c ne faillirait pas , elle contribuerait à sa modeste mesure à l'aide au maintien de l’emploi local sur ce rafraîchissant secteur économique !!

Ils avaient décidé après le cinéma de se rendre à Papeete , au « Bounty » plus précisément , c’était la dernière navette militaire, ils reviendraient en truck.
La route de la plage entre Arué et Papeete était sur tout son long bordée par les stands de marchands de brochettes , le Drive-in voisin avait comme à l'accoutumée rempli ses tribunes , en chemin les sensations ne changeaient guère , étourdis d’ivresses tropicale  juchés sur leurs petits nuages nos amis s'en allaient en conquête !!
La fraîcheur fidèle du district de Pirae une fois encore leur caressa le visage.

Le Drive-in du district d’Arué qui se situait à quelques centaines de mètres du camp envoyait de l'écho, Mélodies nord-américaines , musiques traditionnelles locales , elles ne cessaient de titiller leurs oreilles chargées du souffle parfumé des alizés , cette brise nocturne qui traînait dans son sillage des odeurs de monoï fin et de berlingots.
André y voyait souvent défiler ses amours , celles du cinéma des années 50 et 60 , l’enceinte du Drive était comme une arène , et depuis l'espace des automobiles montaient des volutes de fumée de cigarettes blondes jusqu'aux tribunes pour s'y mélanger et soudainement s'y perdre .
L’écran surdimensionné n’en finissait pas d'envoyer ses lumières vives très haut vers les cimes des cocotiers comme des éclats parfaits d’arc en ciel .
Que la fin du film soit funeste ou délirante elle était toujours ponctuée par de grands éclats de rires , rires détachés presque fuyants , rires redoutables et les ravissantes polynésiennes à peine vêtues que de faire tourner en bourrique tous les hommes du stade !!
A deux pas du Drive en bordure de plage les marchands de brochettes piquaient sur des jonchets en bois de menus morceaux de viandes , après cuisson ils enrobaient l’ensemble d’une moutarde douce , le rendu visuel était agréable et la préparation fort appétissante.
Les baraques ambulantes fournissaient sans répit , l’humeur était bon enfant , par petits groupes les festifs du soir trouveraient vite les meilleurs coins de bringues !!
Il connut souvent pareille ambiance , les bâtons frappaient à l’unisson la peau de requin tannée des Pahus et cette cadence animale entraînait le fol , l’incendiaire roulement de hanches des insolentes danseuses .

La soirée s’était prolongée deux heures durant , André n’était plus seul , il tenait dans ses bras une ravissante   tahitienne , elle était fine , tendue comme une liane , l'iris de ses yeux pur comme la transparence bleutée de l’océan , elle lui caressait la nuque tendrement il ressentit une sorte une fièvre.
Ils s’embrassèrent longuement puis elle disparu ….
Il s'en retournerait vers Arué le cœur gros , cueillerait sur sa route quelques pétales de tiaré , les réduiraient en charpie afin d’en tirer tout le suc.
Puis il s’en enduirait le visage et le cou ...


Noël Vallier.























mercredi 19 octobre 2011

Un autre Automne




Que sera la tomate demain énorme bœuf antique
Qui s’entête à mûrir dans notre potager
Alors que les cyprès comme des coups de trique
Éreintés par le vent plient leurs cimes enragées

La colline roussit lentement cet automne
Le vert vire au jaune froid et soleil mêlés
Les arbres de rivière ces érables autochtones
Voient encore pies corneilles et pitrous s’en mêler

La bise s’arc-boute et siffle ses complaintes
Une buse à l’affût dans le ciel, ballottée
Semble guetter ses proies et sans la moindre crainte
Soudainement engage un piqué effronté

Les troncs massifs et fiers agitent leurs voilures
Et cherchent dans l’eau claire qui coule à leurs pieds
L’ultime témoignage de leurs enluminures
Qui depuis joli Mai à leurs fiers ego siéent

Nos amis les aînés remisent fleurs boutures
Leurs perrons et terrasses se vident peu à peu
De leurs belles couleurs leurs brodés leurs coutures
Pour une place leur faire dans la véranda bleu

Depuis les cheminées à leurs sommets s’agitent
En tout sens les fumées que l’âtre fait monter
Les bûches de fayard et de chêne crépitent
Demain sera l’hiver verglas givres a dompter

Je caresse Pilou notre chaton tendresse
Le roux de son pelage me renvoie aux futaies
Autour de la maison qui dorent et qui paressent
Avant que de gémir par leur sève leurs plaies


Noël Vallier



jeudi 13 octobre 2011

L'impromptu ( suite )


Ils s’éloignent et vomissent autant qu’on peut le faire
Chancelière et glouton après s’être vautré
Reichstag et Bundestag sofas sans adultère
Après avoir de l’air humé sans Solutré



Et les sous disait-elle tant ces milliards qui traînent
Que je possède là dans ces boites à mes pieds
Du mur que l’on brisa j’en vis de plus obscènes
Déborder de Taiwan, Neuilly, Gennevilliers



Sachez-le l’opulente cette emphase qui vous sied
Tant nourrie de vieux mark à l’encre encore fraîche
Me soudoie de violence et bien las je m’assieds
Pour ressentir béat les vertus de vos prêches



La Grèce j’en connais mal affirma l’indocile
Et sans gémir de trop m’a t-on dit il se voit
Trop bruyamment planqués derrière les Tancarville
Pris dans le linge blanc des hommes pétris d’émois



Et moi et moi et moi s’exclama l’indolente
Si je me prive trop si je me serre assez
Demain comment ferais-je pour assurer ma rente
Et vers Péloponnèse devrais-je me brosser



Diable dit l’impétrant nos points de vue convergent
Point de graisse à la Grèce laissons le roturier
Comme d’hab bien en baver à tirer sur sa verge
Et nous virons de bord fuyons ces palefreniers
 
Noël Vallier
 
 

mardi 11 octobre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L"Archipel radieux ( suite ) .

André serait définitivement envoûté par les musiques et les danses Polynésiennes , il y trouvait un rythme , une profondeur , un exotisme , une émotion , très singuliers . Cet art chanté et joué ne pouvait pas ne pas être la propriété exclusive de son peuple .
Combien de fois avait-il été traversé de frissons , saisi de chair de poule à l'écoute des sons cristallins venus depuis les cordes des Ukulélés ...
Il était pourtant à cent lieues des influences inspirées par la poésie et la musique de l’immense Léo … il s’était cependant pour un temps affranchi du vampirisme culturel de l’artiste et de le laisser là un peu sur la touche afin de goûter pleinement du plaisir à croquer les choses belles et simples de la vie.

Il pensait à sa mère , à sa petite sœur , que devenaient-elles , comment se portaient-elles , le soleil de la Drôme parviendrait-il a adoucir leurs tourments , pourrait-il assécher ce qu'il leur restait de larmes , ces larmes venues depuis le choc provoqué par la grande douleur ??

Il courait sur Papeete souvent comme une sorte de spleen , sans mauvaise conséquence , sans tristesse . Sitôt survenue une part d'ennui et la magie des sens opérait à nouveau , un embrasement de félicité dès les premières nouvelles musiques survenues les portaient soudainement vers le meilleur , une fois encore et toujours , le corps et l'esprit en fête , remués par d'irrépressibles feux intérieurs.
Ils passaient ainsi de quelques torpeurs aux temps délicieux des palabres , et les faits divers de la veille ou les rumeurs du jour alimenteraient bien des conversations !

Il arrivait souvent que des paquebots de croisière en provenance des Etats-Unis fassent escale à Papeete , puis des hordes de touristes snobs et impatients fourbissaient leurs précieux dollars en cliquetant ostensiblement leur ferblanterie …
Les échoppiers de la ravissante petite ville côtière verraient avec ravissement leur recette du jour décupler et déborder leur tiroir caisse ...
C’était une escale de plusieurs jours , ces insulaires de circonstances débarqués le temps d'une quarantaine dépensière , ces touristes captifs assureraient bien des avantages , et peu d'inconvénients , l'armateur serait ravi , le capitaine du navire garderait ses ouailles , déplorerait peut-être quelques manques à gagner , mais reprendrait bien vite le contrôle , et la boutique flottante que de rafler une fois encore les reliquats , roulettes  champagnes , bourbons bien choisis occuperaient ainsi leurs luxueuses sarabandes !!
Ils seraient bientôt out !!
Jusqu'au lendemain ….
Ils repartiraient , Papeete recouvrait sa liberté , le yeux de nos amis Tahitiens irradiaient à nouveau le bleu de leur azur , la ville renouait avec les délices de son ivresse , vespas et scooters pétaradaient en direction des plages , solidement enfourchées sur le petit siège arrière les belles vahinés riaient forts , cuisses cuivrées presque offertes , fouettées par le vent tiède ….
Pour tenter de les séduire nos amis militaires remiseraient leur chemise moutarde écussonnée , leur short évasé ou se perdaient souvent leurs maigres guiboles , il serait venu le temps de la coquette mise civile et sous l’ardent soleil de Papeete à l’ombre des parasols de terrasse , Ray-Ban en tête , la crème du contingent  courtiserait la petite ville !!


Noël Vallier

lundi 3 octobre 2011

Babé ..


Babé ce soir m’entraîne vers d’intrigantes plages
Babé trempe son cœur dans mes marais salant
De ses cristaux orfèvres les fadeurs de ma cage
Qu’elle entrouvre par l’iode de ses charmes galants

La marée de sa voile où je vois des étoiles
S’ouvre tel un triangle et des bateaux perdus
Vers ce doux pavillon qui claque comme une toile
S’ancrent par quelques amarres oh cordons éperdus

Babé m’offre son port et ses portes fluviales
Aux odeurs de plancton venues d’un loin profond
Me portent vers l’écluse où des marées triviales
Mouillent et trempent leurs berges dans l’antre du tréfonds

Je revois dans ses yeux les phares et sémaphores
Qui me guidaient remous courants poussant
Elle aimait que je mouille à ses ourlets en flore
Mes lèvres asséchées par son sel frémissant

Puis l’eau petit torrent douce fontaine claire
Ruisselet ruisselant mousse odorante, onguent
Parfumait notre amour de senteurs portuaires
Et nous poissions d’ivresse nos larges bleus suants


Noël Vallier