jeudi 26 janvier 2012

La méthode .

Et nos rimes repartent souvent vers les amours

Le miens les vôtres les leurs et les mots pour le dire

S’évadent du clavier pupitre de nos jours

Valsent les encriers nos plumes et nos lyres


Les vieux faiseurs de mots secrets depuis l’alcôve

Ou ceux qui construisaient sur des bois d’acajou

Plume bleu du paon trempée dans l’encre mauve

Sergent major en or ces faiseurs ci enjouent


La construction des vers quelle est donc cette quête

Ici de tendres images là quelques mots au clou

Bénissons haïssons ces traqueuses requêtes

Coulons l’or dans le bronze quand il nous paraît fou


Pléthoriques nos vers idiomes de nos causes

Montant depuis nos cases où nous aimons à deux

Pilonner sur la mort avant qu’elle ne pose

Sur nos rubans de mots son froid cinglant merdeux


C’est bien désespérant d’aligner tant de proses

Alors que nous pourrions sur l’enclume cogner

Connu non reconnu quelle pédante chose

Nos doigts gracieux paressent nous aimons les soigner


Ce concours amical rallye des rimes riches

Faiseurs de proses belles ou faiseurs bien plus courts

L’amour passe par là tant je puis je déniche

Et je n’aurai de cesse d’en louer les atours


Noël Vallier

 






 

mercredi 25 janvier 2012

L'archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) 

André prit quelques précautions de provision, il glissa au fond de son paquetage une cartouche de cigarettes Troupes et pensait-il goûterait jusqu'à la dernière tige le sirop âcre de leur tabac.
Après avoir tant inhalé de cette peste brune, il envisageait les dernières volutes avec empressement et afficherait bientôt au coin de son bec une fois rendu à la vie civile l’élégance d’une blonde, les cancers provoqués par ces exquises innocentes étaient probablement plus délicats sinon moins improbables. 
Il ne faudrait pas négliger la gestuelle, charmant compromis qui devrait impérativement réfuter l'inhalation expéditive pour adopter un tempo mesuré , plus lent !!
La cigarette pourquoi, pour qui ?
Avant d'envisager les conséquences du manque ils étaient tellement nombreux les artistes des manières à célébrer ostensiblement l'acte élégant et sensuel de la mise en bouche ...
Alors pour qui , pour les autres bien sûr, à leur destination, une belle conversation de volutes aimablement codées à l'adresse des filles et réciproquement, toutes et tous connurent les paquets tendance, les incontournables tiges avant d'adopter pour la vie leur favorite leurs poumons déjà encrassés par la compagne identitaire!!

Il était venu le temps de se remémorer un flash-back, André avait foulé le sol de la Polynésie le dix janvier 1969, et dès cet instant il n’avait jamais cessé de vivre au rythme de ses sensuelles cadences d’inoubliables moments de vie.

Comment pourrait-il oublier les rondes périlleuses des chaloupes et leurs tentatives de franchissement quand elles caressaient forcées par la houle les arêtes des récifs et cette nuit d'encre observée depuis le Berry, éclairée par un point de lune énorme presque dilaté et quelques autres à dormir cahin-caha réfugié au creux de l’énorme barque de sauvetage fuyant les rats de la cale , infestation bruyante qui couvraient quasiment les bruits lancinants du roulis ...
Le Berry souvent coquille de noix en plein Pacifique, secoué,ballotté par ses creux quelquefois impressionnants, puis le calme revenu l'apparition soudaine d'un troupeau de cachalots giclant leur gerbe énorme, les albatros et les frégates hurlant leurs libertés et peut-être leurs fringales, les petits poissons volants au moment précis de leurs curieuses ascensions ...
Le requin venu s'arracher la face sur les crocs concurrents de la frégate cognant encore de longues minutes  sa masse visqueuse sur le pont avant que de crever sans souffrance achevé par une série brève de violents coups de gourdin .
Puis simplement du ressac émotionnel de cette aventure, le lagon, beauté transparente et fertile, au loin les rires remontant depuis le village, les odeurs enivrantes, multiples, les petits matins grandioses jamais vus, et leurs réveils gracieux qu'aucun vacarme jamais ne vint troubler.

C’était la magie de l’archipel radieux !!

Il dut composer avec son retour piteux depuis Tureia, désordres psychologiques aux basques puis il s'en remit.
L'Anjou remuait en tous sens, le pont désert prenait des tonnes de vagues, des morceaux d'océan ruisselaient sur son plancher, bâbord et tribord en détresse.
Touchant au port de Papeete il goûterait une fois encore de cette odeur anesthésiante celle du coprah, celle aussi de la vanille capiteuse, il lui vint encore en mémoire l'écho de quelques cascades vertigineuses, la fraîcheur des petits jungles fruitières, les ananas regorgeant de jus et de chair sucrée, les bananes à croquer sur place, le lait de coco petit godet rafraîchissant préservé au creux de sa coque .
Il n'oublierait pas non plus la route littorale qui courait autour de l'île, des soirées à rire au camp d'Arué, le cinéma si généreux et l'amitié cette formidable soudure sentimentale qui les aidèrent tant au moment de quelques douloureuses nostalgies.
Il y en eu .

Le souvenir de quelques flirts , de quelques brûlantes étreintes, les soirées passées à crâner au Bounty ou ailleurs , celles plus expéditives trempées dans la moiteur du Q'uennns, le port de Papeete flanqué d'interminables quais et l'océan si proche avec sa meute de vagues qui venait cogner leurs violences contre les récifs, ces sentinelles impassibles qui ne cessaient de veiller sur la lagune somnolente.

Le rituel impressionnant des offices religieux, l’immuable commémoration du dimanche, l’éparpillement gracieux des chapeaux blancs à la sortie des temples ou des églises à l'heure aboutie du sacré.
Les soirées privées, les ballades en truck, les tamourés enfièvrés, les repas Tamaaras, le poisson cru et sa marinade délicate de citron vert …
L'extraordinaire marché déjà abondamment décrit .
Bref la culture polynésienne dont-ils garderaient une inoubliable trace , l’artisanat , la pêche , les courses en pirogues , le culte du tabou , les fantaisies et les frasques amoureuses que suscitaient les usages de la fleur de Tiaré , soit une oreille gauche , soit une oreille droite , codes précieux à l’adresse des quêteurs d’amour !!

Rien, mais vraiment rien ne serait oublié.

Noël Vallier

dimanche 22 janvier 2012

Mémé fagote ...

Mémé fagote

J’aime les braves gens qui tressent les fagots
Vieilles souches et fines tiges que la froidure pète
Mémé douce mémé semait fort les ragots
Vieille échine meurtrie sur des jambes fluettes

J’aimais mémé gourmande quand les nèfles éclataient
L’hiver venu aidant et ses jours en loupiotte
Sur les branches gelées les fruits blets jutaient
Des chairs d’amour sucré à damner mille glottes

J’aimais le pain rassis et le lait les griottes
Friand du pain perdu pudding mémé marotte
Tirait du vieux bocal les cerises trop sottes
Et je mordais morfal dans ses croutes l’épeautre

Le fourneau De Dietrich émaillé blanc et noir
Aux premières froidures ronflait et tous ses cercles
Sonnaient la charge rouge transperçant l’éteignoir
Que la bise et ses givres portaient comme un couvercle

J’aimais tant l’horizon le proche celui qu’on foule
Chargé de ses brouillasses qui égaraient les bœufs
Que mes yeux de minot au plus fort de la houle
Voyaient comme des vagues des trembles ou des oeufs

Je n’aime pas l’oxyde qui ronge dans nos poches
Les souvenirs émus serrés fort dans nos mains
Qui glissent peu à peu se perdent s’effilochent
A l’épreuve du temps des morts des lendemains

J’aime tant ma mémé et je sais qu’elle repose
Dans quelques limbes ardents au creux de quelque cieux
Sa robe du dimanche et son corsage rose
Imprégnés de violette puissent-ils plairent à Dieu


Noël Vallier






vendredi 20 janvier 2012

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux (suite)

La peau des polynésiens est douce comme la soie , jamais de pilosité  fallait-il pour autant que les  métropolitains poilus, très majoritaires, se morfondent ?
Peut-être en effet, le spectacle d'un épiderme blanc conséquence sans doute d'une série de siècles imposant des accoutrements constitués par d'épaisses et grotesques toilettes, était peu ragoutant il faut bien le dire, le désordre était apparent dans ce pays où tout est miel, le goût, les couleurs, les ambiances et les humeurs seul le blanc immaculé de la chair de coco trouvait quelques grâces avant d'être très vite pulvérisé par l'industrie en vue de la transformation en huile de coprah.
Certains métabolismes s'acclimatèrent on compta en effet de belles réussites, des teints hâlés dit-on mais ce petit résultat chimique bien que convaincant serait précaire car à l’épreuve du temps les petits resquilleurs d’azur redeviendraient blancs comme neige, c’est ainsi  le soleil tahitien sait reconnaître les siens !!
Ce temps qui leur était compté désormais, c’est en semaines que notre ami André égrenait le compte du rebours.
Il avait vendu tous ses vinyles et réalisé la plus sotte affaire de sa jeune existence en bradant le fameux concept album « Magical Mystery Tour » grande orfèvrerie musicale à tirage limité que peu d'admirateurs possédaient.
La mine réjouie du petit gredin bénéficiaire de l'infâme troc en disait long sur l'énormité de cette stupide décision, l’infortuné André se retrouva Gros-Jean comme devant !!
Les quelques billets CFA monnayés couvraient peut-être la stricte valeur commerciale d’une page de cet album, et il ne comptait pas la valeur de son attachement, il prit le parpaing pleine face et se consolerait un jour ..

Il ne se lassait pas de s’étourdir encore et toujours des effluves de coco, de ceux des fleurs de Tiaré, c’était quasiment l'une de ses toutes dernières prises.
Il s’en alla une autre fois faire le tour de l’île, retrouva les amis du truck, traversa les districts toujours caressé par les alizés tièdes, il fit une halte à la pointe de Vénus, se rafraîchit par quelques embruns, reluqua encore les longues chevelures brunes ....
Cette année 1969 fut remplie de bontés, ce fut le temps de la trêve nucléaire, cependant combien de fois avait-il plongé dans les eaux turquoises du magnifique lagon de Tureia, parmi les particules, métaux divers et autres saloperies radioactives, dérobées à la vue, rampantes et pourtant incrustées dans le lagon comme des morpions sur le triangle noir …
Il n’était resté que quelques semaines sur l’archipel des Tuamotu la providence s’en était-elle mêlée et pensait-il se serait ainsi préservé du poison, tout va bien pour lui aujourd'hui dieu merci !!
Ses tripes sont intactes ...
Il pensait à ses camarades cantonnés dans ce paradis et ignorant des conséquences de cette sorte de peste aux polynésiens dédiés à cette belle vie sédimentaire, certains furent insidieusement dévastés, rongés à l'os  par le malin.
Sans compter les techniciens et l'ingénierie du site nucléaire de Mururoa si proches des volutes extraordinaires du champignon bousculant le ciel par ses secrètes cadences, cet azur violé, là-haut juste au-dessus de leurs têtes, ce ciel qui finirait par dissiper les traces des intrus … on ne sait où !!
Étrange chose quand la mort rode ou passe, elle tellement habile aussi pour programmer de sinistres destins sans jamais laisser la moindre trace et quel insupportable paradoxe de lui laisser en pâture l’une des terres de ce monde parmi les plus précieuses , les plus belles , les plus fragiles …
Mais fermons la parenthèse cette évocation n’entrait pas à l'époque dans les plans d’André, il était à son affaire du retour.
Petite folie passagère quand il se posa la question de l’opportunité ou non de rester sur le territoire, question vite réglée, revoir la famille et la métropole lui parut tellement vital que l'affaire fut en effet expédiée dans la minute.
Tous avaient à faire en France métropolitaine, les garçons étaient lucides, certains étaient pris par le devoir ou l'impérieuse nécessité, leurs femmes ou compagnes étaient belles, ils sacrifieraient à nouveau aux douceurs du dimanche mais n'oublieraient sans doute jamais de ranger dans leur précieux tiroir à souvenir les péripéties à peine croyables de cette exceptionnelle tranche de vie !!



Noël Vallier

lundi 16 janvier 2012

L'archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) 

La fête attendue du père cent approchait, le moment et le propos n‘étaient plus pour ces quelques heures de préparations aux louanges habituelles et à la dévotion que tous ne cessaient jamais de rendre à ces terres bénies par la grâce et le soleil.

Et pourtant ce n’est pas sans raison qu'il adviendrait que de ces cent jours avant la date du retour soit enfin consacré un temps concomitant de fêtes ….

De quoi pouvaient-ils se réjouir avant leur retour en métropole qui ne soit jamais offensant à l’endroit de ces vieux granits ensemencés dés l’aube de leur vie par des rhizomes éternels, offerts, toujours épanouis et menés en terre par toutes les forces de la providence ??!! 
Ils ne se réjouiraient point et goûteraient du calice des fleurs en lapant leur nectar, et pourtant la petite poste du camp et son vaguemestre connaissaient de fréquentes mises à contribution, le courrier en partance affluait, enveloppes aux effigies polynésiennes, cartes postales charmeuses et papiers à lettres vélin jouant avec la transparence de quelques sceaux délicatement reproduits sur le velours de son grain. 
Ressentaient-ils les premières impatiences du retour ?? pas vraiment !!

André éprouvait un certain mal à se remettre de l’expérience avortée de son séjour à Tureia, il ne cessait de s'appesantir sur le sort de cette aventure trop vite interrompue, il pensait mais peut-être pensait-il mal que ce petit atoll devait être le clou de toutes les grâces possibles, pourtant aucun témoignage concordant ne témoigna jamais de cette vérité qu'il espérait tellement, au mieux pouvait-il renchérir sur ses premières impressions il faut alors dire qu'aucune d'elles n'était indépassable, s'agissait-il d'en juger par la puissance de leur épure ou de leur dépouillement somptueux ... 

Longtemps après il apprendrait les ravages du nucléaire, partagerait la détresse de la population de l'atoll celle des atolls voisins tous ramifiés à Moruroa lieu d'expérimentations de la puissance de la peste blanche que l'on comparait volontiers à un champignon surgit depuis l'écume une fois dégoupillées les unes après les autres toutes les procédures ...

Si Tahiti était une profusion de luxuriance, une sorte de bavardage interminable avec les anges, ses atolls lointains au ras de l’écume captaient tant d’azur et d’exubérance que les cocotiers qui n’en pouvaient plus ivres de bonheur s’étaient figé sur leur plus belle posture, tendus comme le bois d’un arc à la manière d’une prière. 

La nature généreuse ne savait pas !
Tahiti avait formidablement disséminé son précieux patrimoine et pour chacun de ses archipels elle avait concocté un formidable caractère et si quelques hommes de temps à autre trahissaient leur terre ils ne cessaient de tourner en rond s'abreuvant à la même source une fois revenus de leur vain périple.
Les hommes cherchaient-ils des remèdes ??
Probablement d’hypothétiques saluts économiques et qui pouvait leur en vouloir de tenter de monétiser leurs forces et leur énergie, leur puissance de travail et leur vaillance ??
Ils reviendraient finalement au village toutes illusions perdues, retrouveraient femme et enfants pour vivre l’ordinaire épatant de leur sublime insularité.

Aujourd'hui les productions locales sont valorisées, renforcées, sauvegardées quelquefois, l’autarcie des petites îles et des atolls n'est plus un atout certes elle est hélas devenue une conséquence peut-être, mais que pèsent vraiment les mirages et les vacuités proposés par la capitale polynésienne dans l'ordre économique d'une telle société ?!

Et le père cent n’en pouvait plus de sonner la charge !

Les passeports seraient revisités, on y mettrait quelques coups de tampons ils reprendraient ainsi de leurs belles couleurs !! 
Le vaguemestre du camp faisait feu de tous bois, en sa qualité exceptionnelle de vérificateur comptable il assurait les premiers contrôles de conformités des malles, ces précieuses malles qui achemineraient effets personnels, nacres, bénitiers, souvenirs, et dont le retour vers la métropole assuré par voie maritime précéderait de quelques semaines leur départ.

La métropole avait beau leur montrer à nouveau le bout de son nez, dussent-ils retrouver au cœur du mois de janvier les neiges épaisses et heureuses de leurs montagnes ou de leurs vallées et de s’en réjouir ils se délectaient encore du miel que la providence tant décrite coulait à l’envi !!


Noël Vallier

lundi 9 janvier 2012

L'Archipel radieux ( suite ) .



Tahiti, paradis sur terre, île magnifique oh combien navrée, elle comptait ses plaies  les "cadors" modernes avaient travesti les cocoteraies, réduit l’humeur enjouée des autochtones, démultiplié les attributions diverses de cette terre aujourd'hui dédiée à l’implantation de l’hôtellerie de luxe, et ce faisant soudoyé grassement les couards et les fêlons …
Ils atteindraient ainsi  cette culture rêvée, baignée de soleil certes mais encrassée par les suintements visqueux de la modernité.

Ils s’étaient retrouvé à la plage avec les minettes, filles charmantes maillots une pièce en élastomère serrant leur chair pour s'y confondre, le moindre de leurs mouvements levait un peu le voile sur une plastique parfaite que le crissement du lycra enfiévrait plus que de raison …
Ces affriolantes nymphettes intellectualisaient avec conviction les choses ordinaires de la vie.
L’écume venait effleurer leurs orteils gracieux et peu à peu le sable gris se dérobait puis tout semblait vaciller et se confondre, pensées charnelles et raisons, désirs et retenues, empressements et méthodes, la plage à peine chahutée par le vent brassait un sable devenu brûlant !!
Pourtant ??!!
Ils ramassèrent leur serviette et soudainement prirent congés, mais de fort galante façon.
Était-ce la peur des barrettes des pères, quelle serait donc la punition pour un flirt et si affinités cette affaire se terminerait-elle aux galères ??
Ils décampèrent de la plage le cœur plus léger !!!

André venait d’apprendre l’accident cardiaque de sa grand-mère, il considéra cette nouvelle avec inquiétude, mais ne mesura pas vraiment les conséquences possiblement tragiques d’un tel évènement.
Il lui expédia aussitôt un courrier de soutien et d'affection en lui rappelant toute sa tendresse.
Il ne craint jamais de la perdre, cette femme solide, rompue aux besognes les plus ingrates était un chêne …
Puis il y avait la protection de l’esprit saint, il lui devait tant, elle si dévote corvéable à toutes les servitudes de la paroisse, croyante jusqu’à briquer les dorures un peu ternies des missels …
Avec l’aide de Dieu elle s’en sortirait.
Elle survécut douze ans à son infarctus pour mourir d’autres causes …

Sur les pelouses impeccables du camp d’Arué, sur les bordures fleuries de la route qui serpente depuis Papeete, les pluies de l’automne avaient un peu raviné, la verdure et les florescences n’en prenaient que plus de vigueur, les arbustes de tiaré redevenaient une vraie splendeur, les odeurs douces diverses resurgissaient depuis leurs coquets bocages …
Toujours le même charme, la même griserie.

Noël Vallier

dimanche 8 janvier 2012

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite )

Le temps était venu,celui de cette fameuse sauterie pour les besoins de laquelle il avait consenti un humiliant casting.
Tous seraient correctement rétribués disait-on, cependant le secret resterait total, il espérait aussi voir surgir du magma déferlant et de ses cliquetis, de temps à autre, de temps à autre seulement quelques élans de belle humanité.....
Assurer un peu d’argent de poche et pouvoir financer ainsi quelques modestes superflus c’était bien sa motivation principale
Les petits larbins de circonstance se présentèrent en livrée, mis de très belle façon , impeccables vraiment à croquer !
On leur avait promis une copieuse collation après cet interminable service.
Les premiers invités pressaient le pas, par petits groupes, puis peu à peu plus de monde se répandit.
Queues de pies, nœuds de papillons, smokings, robes en fourreau, décolletés insondables et de temps à autres au détour d’une allée soudainement des éclairs de grâce et de beauté ….
Les humeurs étaient diverses, aussi devraient ils faire preuve de suffisamment de savoir faire pour convaincre,et plaire le cas échéant.
Il y eu quelques mépris, peu cependant, de l’indifférence souvent, et miracle certaines convives leur témoignèrent de la sympathie !!
Il ne leur échappa point l’humeur concupiscente de quelques tables, la moiteur Polynésienne du début de la nuit, la cavalcade virile des jeunes hommes n’étaient pas sans intriguer voire troubler peut-être l’apparent détachement de certaines de ces dames …
Autour des tables un peu lasses, impatientes aussi sans jamais regimber, de charmantes adolescentes s'ennuyaient ferme,l’époque convenait que l’on appela « minettes » ces adorables gravures de mode.
Délurées ?? Quelquefois sans doute, certaines en conquête les regards en disaient long sur leurs curiosités.
Ils devraient donc s’accommoder de toutes ces occurrences, répondre à toutes les sollicitations, et ils prendraient encore le temps de se délecter du spectacle réjouissant proposé par les verdures et les fleurs environnantes, celui tout autant somptueux venu depuis les vertiges provoqués par l’indolence verticale des interminables cocotiers, sortes de lianes phalliques que les alizés ordinaires s'employaient à bercer en leur sommet …
La partie musicale était assurée  par un big band de haut niveau et l’assemblée présente ne s’offusqua point que soit pour une fois réservée la portion congrue au groupe vocal musical traditionnel  tahitien …
L’humeur et le parti-pris du soir étaient d’influence nord-américaine!!

S’il avait pris le temps de compter les barrettes dorées, André se serait endormi au rythme du test des moutons, la soirée touchait à son terme, toutes et tous s'esquivaient par petites vagues successives puis  passèrent cinq minettes qui leur donnèrent rendez-vous sur une plage voisine pour le dimanche suivant.

Il faudrait encore débarrasser les tables, tout remettre en ordre, et se restaurer peut-être …
Ce fut une belle foutaise, il n’y avait plus rien … ou si peu !!
Ils repartiraient le ventre vide, un loufiat de service répartit comme convenu  le pactole, ils avaient encore leurs yeux pour pleurer...
Puis on leur fit comprendre qu'il était temps pour eux de regagner leurs pénates !!


Tahiti, paradis sur terre, île magnifique oh combien navrée, elle comptait ses plaies  les "cadors" modernes avaient travesti les cocoteraies, réduit l’humeur enjouée des autochtones, démultiplié les attributions diverses de cette terre aujourd'hui dédiée à l’implantation de l’hôtellerie de luxe, et ce faisant soudoyé grassement les couards et les fêlons …
Ils atteindraient ainsi  cette culture rêvée, baignée de soleil certes mais encrassée par les suintements visqueux de la modernité.

Ils s’étaient retrouvé à la plage avec les minettes, filles charmantes maillots une pièce en élastomère serrant leur chair pour s'y confondre, le moindre de leurs mouvements levait un peu le voile sur une plastique parfaite que le crissement du lycra enfiévrait plus que de raison …
Ces affriolantes nymphettes intellectualisaient avec conviction les choses ordinaires de la vie.
L’écume venait effleurer leurs orteils gracieux et peu à peu le sable gris se dérobait puis tout semblait vaciller et se confondre, pensées charnelles et raisons, désirs et retenues, empressements et méthodes, la plage à peine chahutée par le vent brassait un sable devenu brûlant !!
Pourtant ??!!
Ils ramassèrent leur serviette et soudainement prirent congés, mais de fort galante façon.
Était-ce la peur des barrettes des pères, quelle serait donc la punition pour un flirt et si affinités cette affaire se terminerait-elle aux galères ??
Ils décampèrent de la plage le cœur plus léger !!!

André venait d’apprendre l’accident cardiaque de sa grand-mère, il considéra cette nouvelle avec inquiétude, mais ne mesura pas vraiment les conséquences possiblement tragiques d’un tel évènement.
Il lui expédia aussitôt un courrier de soutien et d'affection en lui rappelant toute sa tendresse.
Il ne craint jamais de la perdre, cette femme solide, rompue aux besognes les plus ingrates était un chêne …
Puis il y avait la protection de l’esprit saint, il lui devait tant, elle si dévote corvéable à toutes les servitudes de la paroisse, croyante jusqu’à briquer les dorures un peu ternies des missels …
Avec l’aide de Dieu elle s’en sortirait.
Elle survécut douze ans à son infarctus pour mourir d’autres causes …

Sur les pelouses impeccables du camp d’Arué, sur les bordures fleuries de la route qui serpente depuis Papeete, les pluies de l’automne avaient un peu raviné, la verdure et les florescences n’en prenaient que plus de vigueur, les arbustes de tiaré redevenaient une vraie splendeur, les odeurs douces diverses resurgissaient depuis leurs coquets bocages …
Toujours le même charme, la même griserie.

Noël Vallier

mercredi 4 janvier 2012

Noël simple ...


Et d’Yvon et Marie, Etoile il faut le dire
Tous deux polythéistes et faut-il nom de dieu
Soudoyer l’intendant ce fou et ses vieux sbires
Pour qu’ils ne disent point combien d’eux nous sommes pieux

Et Noël est passé et l’an neuf et le givre
Femme et moi interdits à l’aune des jours glacés
Que cherchions nous si tôt qu’aimions nous dans ces livres
Sinon que de d’espérer page après page rêver

Ce n’est point une cabale tout juste un peu de morve
Comme celle des  blancs chevaux  ces braves équidés
Quadrupèdes fourbus défiant leurs regards torves
Ecumes dans la gueule sur leur museau guidées

Non ne me dite point qu’il soit encore un rêve
D’espérer Balthazar Melchior ou mélopées
Au détour d’une crèche vers ruelles ou grèves
Non ne blasphémez point venez voir l’épopée

Et d’Yvon et Marie ; Etoile il faut en dire
Et tant de gens de biens et tant d’amis précieux
Les mêmes qui valent sûr ces fraternels sourires
Venus depuis Vaucluse ou d’ailleurs d’autres cieux.


Noël Vallier

lundi 2 janvier 2012

L'archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) .

Un soir après la séance de cinéma il décida d'entreprendre une promenade piétonne tout le long de la route littorale.
Une fois encore il fut cueilli par la magie et la grâce du crépuscule polynésien.
Surpris sans doute par les frissons de contentement d'un petit bonhomme heureux et implorant et avant qu'elle ne se rétracte la nuit joua une sorte de prolongation et lui offrit tout juste précédant la survenue de sa noirceur délicieuse les plus étourdissantes partitions sensorielles que l'on pu rêver ...
Ce surgissement d'âme qu'il attendait tant l'enveloppa un instant, il ne parvenait plus à réprimer quelques sanglots de profond bonheur.

Il croisa les lieux bruyants de quelques fêtes, les bringues disait-on, faire la bringue est une expression très usitée en terre Polynésienne, les tahitiens en raffolent, elle accompagne ordinairement leur vie et vient secouer le Fiu qui épisodiquement peut venir les saisir. 

Il fut tout au long de sa promenade nocturne sans cesse étourdi par l'odeur capiteuse des vanilles, elles séchaient et maturaient à l'air libre simplement protégées de quelques vandalismes toujours possibles par une sorte de bornage rudimentaire.

Il s’invita souvent au coeur de toutes ces fêtes et il y fut chaque fois délicieusement accueilli, dans le monde, dans les clameurs il s'y engouffra et partagea ainsi leurs grandes joies.

Ils buvaient copieusement de la bière, souvent, riaient sans retenue et ces noubas fraternelles les renvoyaient immanquablement vers la scène, sur cette scène où roucoulait la musique, entreprise par des cuivres étincelants, des guitares électriques, des ukulélés, des percussions, mélodies sucrées et lancinantes quelquefois insolemment décalées préfigurant ainsi ce que seraient peut-être les variétés polynésiennes des lendemains.
Assis sur l’épais gazon du jardin il applaudit fermement les acteurs d’un tamouré, tous garçons et filles chauffés à blanc par leur propre sensualité et avant qu'elle ne déborde par vagues successives pour venir chloroformer la foule ....
Une heure durant il contempla des dizaines de hanches, le mercure gagna quelques degrés, s'offraient ainsi aux regards des hommes et des femmes du public les plus belles fesses de la vaste Polynésie!!
Oubliées pour un temps les délicates conventions, lui qui ne voulait s'étourdir que dans le feu du regard embué des femmes se dévergonda copieusement, le tamouré danse explicitement codée suggérait irrépressiblement les jeux espérés de l'amour ...…

Il rentra tard … en scooter !! lui le passager heureux et tranquille en passe de devenir le grand expert de l’enfourchement de la place arrière !!

La même odeur de vanille, les mêmes sensations, les mêmes troubles le même défilement à l’envers, et toujours cette odeur sucrée que les petits alizés de la nuit brassaient avec d'infinies précautions, tout en retenue, tout en délicatesse .... 


Noël Vallier .