mardi 9 août 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'archipel radieux ( 4 )

Difficile d'imaginer ce que serait l'échelle émotionnelle des évènements futurs mais depuis l’appel de son nom il ne cessait de se projeter !!
La localisation du lieu magique où il venait d’être officiellement affecté, bientôt l’envol de la carlingue qui s'ébranlerait à l’aéroport du Bourget, et tous les préliminaires , ces prétendus détails qui comptent pourtant tellement !
Il lui fallait aussi prendre conscience de ce que son nouveau statut conférait à sa toute jeune personne  , ne venait-il pas en effet d’endosser l’habit , le statut d’un estimable représentant des services armées . La  consigne était fort claire , combien de fois répétée par les cadres ; le petit doigt sur la couture du pantalon ne serait certes plus de circonstances , elle ne correspondrait plus à la mission , ni aux humeurs et aux caractères de l’Île et de ses habitants, mais jamais il ne faudrait se départir de l'exemplarité requise , posture d’excellence sans sacerdoce particulier certes , non simplement vertueuse , elle l’aiderait en bien des circonstances à mieux connaître mieux comprendre ses futurs amis autochtones .
Il ne prenait aucune note, ne tenait aucun cahier, étaient-ils seulement majoritaires celles et ceux jeunes adultes de l’époque à se soucier de l’utilité de leur mémoire ?
Que sa famille lui pardonne, rien du souvenir de l’anniversaire de ses vingt ans ne remontait , l’armée n’en avait cure , elle qui n’avait rien concédé, ni permissions ni sorties exceptionnelles, curieuse fin d’année 1968 qui avait sonné le glas d’une réjouissance familiale qui fit long feu !!

A Toulon les affinités constituées tout au long de cette période de classe cédèrent un peu de leurs places, contraintes, et les nouvelles agrégations nées depuis l’annonce des dernières affectations soudèrent d’autres groupes.
Les informations circulaient en tous sens, quelques anciens peut-être dépités vilipendaient les tropiques sans en connaître le moindre arpent, en situaient-ils seulement les minuscules positionnements, les trouveraient-ils sur une mappemonde, savaient-ils la beauté de ces archipels au cœur de ce parallèle Sud du Capricorne ?

Les infirmiers militaires du 4 me Rima les avaient gentiment prévenus, une prévention sanitaire s’imposait, le peu sympathique vaccin  TABDT serait incessamment administré aux appelés en partance et tous redoutaient les conséquences quelquefois douloureuses de son injection.
Typhoïde , paratyphoïdes A et B , Diphtérie , Tétanos , l’inoculation ratissait large , trois injections avec rappels seraient nécessaires , un jeûne de vingt-quatre heures à la clef , une épaule possiblement fracassée et  de fortes fièvres pour faire bonne mesure , puis enfin prêts ils pourraient vivre toute l’intensité de cette exceptionnelle aventure !!

Ce fut en effet douloureux, il se souvint avoir fait l’impasse sur la dernière injection se faufilant au travers des mailles du filet sanitaire si redouté, il ne se soucia guère des conséquences de l’omission, quarante ans se sont écoulés depuis cette petite transgression et de ne s'être point conformé aux prescriptions militaires n'entraîna jamais la moindre des conséquences sanitaires !
Certains de ses camarades connurent d’autres fortunes le contrecoup était rude il leur fallût concéder un peu de repos avant de retrouver peu à peu toute leur vigueur.

Ils étaient sur le point de quitter Toulon, sans trop de regrets, Toulon et ses palmiers d’avenue, ses brasseries du centre ville aux odeurs sucrées, les rues sombres et populaires du quartier « Chicago » ses commerces pittoresques, ils pourraient enfin goûter un peu de paix après ces trois mois de classes rudes dites d'intervention .
Les parcours du combattant menés à train d’enfer sous la férule d’un caporal  fort en gueule ne seraient bientôt qu'un amusant souvenir et ils pardonneraient bien vite à la discipline intangible du système de les avoir tant bousculé.
Les plus chanceux d’entre eux  étaient en possession de leur " graal " le passeport militaire qui n’attendait plus que les tampons des administrations, le sceau de toutes leurs escales, et sur la première page duquel il était mentionnée leur qualité de fonctionnaire ….
Qu'avait-il vu d’extraordinaire notre ami André avant l'âge de ses vingt ans, peu de choses, la méditerranée, les vacances familiales à Valras-plage dans le beau département de l’Hérault , d'autres captivants séjours en colonie de vacances , l'apprentissage ou plutôt la révélation de l'Aficion , ses fréquentes visites à Nîmes chez des cousins cafetiers lui apportèrent tant .
Il allait fréquemment les visiter depuis Flaviac en micheline, le cœur toujours en joie, il avait aussi tissé de solides amitiés avec les clients de l’établissement , ils devaient apprécier sa gentillesse admirer son énergie et  ses services empressés , jamais il ne moqua la moindre de leurs impatiences .
Il s’en revenait chaque fois avec de nouvelles expertises , une fois compilées elles lui permettraient de posséder du milieu taurin une honorable connaissance , de quoi se défendre en tout cas contre les théories intolérantes avancées par certains opposants !!
Ah ces opposants , Don Quichotte en goguette détracteurs obstinés de cet art , haineux  pis que pendre , accessoirement amateurs de sauces fortes et de viandes crues .... saignantes !!
Curieux paradoxes .
Il ne faisait aucun doute que le sujet serait abordé et parmi bien d’autres à l’ombre des cocotiers et autres beautés polynésiennes !!

Il partait affectionné par les siens et ne lui échapperait pas à la veille de son départ combien dans leurs yeux familiers pointait l’expression d'une tendre compassion … presque grave !!!


Noël Vallier.






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