mardi 29 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) .

Stéphane l'ami de Marseille aimait bien les restaurants chinois.
Peu loquace sur l’administration de ses dividendes le dandy semblait ne jamais en manquer; il chaussait à l'évidence bien plus grand que la pointure moyenne un peu exsangue de la chambrée !!
Il embarqua plusieurs fois André tous frais payés pour quelques sorties « resto » sur Papeete !!
Comment aurait-il pu ne pas lui témoigner et lui conserver la plus grande estime ?!

Stéphane et Bernard, Bernard et Stéphane, parisien et marseillais tout aurait pu les opposer !!
Ils étaient deux excellents amis, Marseille courtisait Paris puis Paris après Marseille, au gré des conversations, le chic du Provençal le disputait à la superbe du Francilien et sans méthode particulière souvent ils échangèrent, rhétoriques contrastées mais d'égales consistances, et ces flambées de verbes enchantaient les curiosités et les envies de tous les bavards utiles du dortoir !!
Notre ami André souvent apprécia, il savait déjà certes les fondations intellectuelles étaient presque abouties mais au contact quotidien de quelques-uns de ces hommes il ne pu qu'amender la petite somme de ses connaissances .

C'est ainsi qu'il lâchait la bride, s’affirmait au sein de l’exigeante équipe, démontrait l’étendue de ses talents faisait se tordre de rire tout ses amis imitant par ci , imitant par là, il parviendrait même à dérider le bougon joufflu qui un jour tempêta pour ( ou plutôt contre!! ) un très ordinaire lit " en portefeuille " ...
André se régalait de son statut qui s'affirmait, pince-sans-rire .... sans rire !!
Il était à bonne école ...
Puis il en tirerait tout au long de sa vie bien des profits, de grandes estimes parfois, il séduirait également et les femmes et les hommes indifféremment !
Rien que ça !!
Seuls quelques pisse-vinaigre ou d’autres énergumènes bien trop raides trouveraient les leçons un peu saumâtres.
Il s’en amuserait bien souvent !!

Cette amitié générale que d'autres vivaient sûrement et sous des cieux moins cléments était pourtant tellement charmée en terre Polynésienne.
Elle puisait son engrais depuis le terreau ardent de ses entrailles brûlantes, plus haut dans le ciel un miroir bleu insensé de beauté renvoyait l'image d'un paradis, filtraient dans ses narines les parfums idéals de tous les bonheurs et surtout ceux à inventer, déjà imaginés par quelques prémisses ...
André m’en faisait-il écrire des tonnes et des tonnes ?
Non bien sûr, c’était une réalité sublime qu'il me rapportait , ne lui échappaient jamais le moindre parfum , le moindre frisson et à une odeur prêt sa mémoire olfactive se souviendrait de tout, quarante ans plus tard ils seraient encore bien présents les troubles et les envies de partance !!

Le restaurant chinois était chose anecdotique mais il était une part du tout il s’ajoutait jamais incongru sur l'offre extraordinaire que proposait l'archipel.
Et cet écrin était devenu au fil des mois un peu le leur !!
Au moins le deviendrait-il, narratif et littéraire, aujourd’hui précipité par l’impatience de sa nostalgie.
Sociologie de comptoir !!
Ah nos comptoirs auraient pu dire les colons !!
Les Polynésiens subirent quelques-unes de leurs turpitudes, cependant l’âpreté du négoce resterait humainement supportable, les intentions capitalistiques étaient à l'époque louables, elles purent ainsi se mêler aux coutumes et aux traditions locales sans commettre trop de dégâts.

Conséquemment apparurent des métissages heureux de plus en plus gracieux, les sangs mêlés sublimaient les grandes beautés de souche et la Polynésie radieuse gagnait ainsi définitivement son statut de grande épopée contemporaine .
Quelle réussite !
Colonialisme homéopathique, insidieux certes mais bienveillant, décisif apport de culture métropolitaine avec le risque d'un possible désenchantement, qu'en serait-il demain de la langue de l'habitat, de la culture tout simplement, ne subsisterait-il plus que le folklore?

C’était la fin du mois de juillet il ne ressentait aucune impatience, l’appel du retour ne s’était pas encore manifesté.
Point d’overdose les bontés spontanées de l’île satisfaisaient toutes leurs quêtes, le camp était toujours saisi de gaîté de bonne humeur, il restait tant de choses à faire, tant de projets intéressants à entreprendre et d'aventures inédites à vivre, il leur faudrait encore planifier, compter, prévoir ….
La cagnotte chichement octroyée tiendrait-elle la route ??
Ils avaient la peau couleur miel et certains d’entre eux se fondaient presque incognito au sein de cette chaleureuse communauté.
Stéphane était amoureusement attendu par une ravissante jeune femme, elle est encore à ce jour l’amour de sa vie ...

Lui était libre il penchait entre le désir et le coeur et le petit muscle artichaut qui cognait dans sa poitrine semblait ne jamais pouvoir nourrir de vrais projets !!
Il  butinait souvent de fleurs en fleurs, se libérant sans le moindre scrupule de l’emprise de leur hampe gracieuse, mais si une corolle chère à son cœur se refermait aussitôt ses peines devenaient souffrances !!

André était en somme un garçon très ordinaire !!


Noël Vallier




dimanche 27 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) .

Il était sur la route, l’engin de la navette militaire était de plus en plus poussif , gangrené par les vacarmes incessants causés par l'entrechoc des ferrailles en souffrance , les mécaniciens militaires finiraient bien par s’en inquiéter et peut-être resserreraient-ils un jour quelques boulons !
Même ambiance au camp, mêmes odeurs, mêmes troubles, les deux ravissantes vahinés que l’on retrouvait aux cuisines s’occupaient également, jardinières frivoles, des massifs fleuris et André dont j'évoquais quelques velléités anciennes de sacerdoce s’était affranchi de la charge une bonne fois pour toutes basculant par dessus bord les prescriptions assénées par le clergé de tous les diocèses.
Il était temps !!
Sinon comment aurait-il pu s'offrir ainsi à la sensualité polynésienne ?
Le redire une fois encore, il n’était question que de beautés , celles immobiles reliefs plutôt arrondis intégralement recouverts d’une foisonnante végétation , sans la moindre plaie , sans la moindre laideur , celles plus vacillantes qui ornaient les chemins et les routes , versions fleuries jamais ordonnées par les hommes elles prenaient corps à la dérobée , secrètes , la nuit peut-être allez savoir , une ultime touche de maquillage que le petit pinceau de la rosée matinale dessinait et les belles joliment apprêtées resquillaient ainsi faites sur les aménagements, voulaient-elles reconquérir une place perdue, celle qui mesurée à l’échelle du temps ne leur avait échappée seulement que depuis quelques veilles !!

Et cet immense océan qui semblait constant et pourtant sans cesse désassemblé puis à nouveau assemblé, ses vagues contenues puis brisées par le corail venaient mourir sur la plage caressant le velours mouvant du sable noir …
Et puis la beauté des vahinés, les hommes tout comme, mâles virils et aimables souvent sentimentaux, sans trop de mauvais énergumènes …
Il leur en fallait de l’habileté et des sommes d'efforts afin d'obtenir d'une belle qu'elle se décide enfin à jouer de la fleur de tiaré avec l'ourlet ravissant de ses oreilles ...
Pourtant les mœurs étaient libres, la sensualité insulaire était latente puis de construction soudaine, n'ayant jamais tenu la moindre chandelle André se garderait bien d'en évoquer les possibles protocoles, toutefois il m'avait confié ce qu'il avait pu vivre de charmantes expériences tactiles ...

Cette peinture excentrique était réelle, survivrait-elle après tous ces assauts, l’installation du centre d’expérimentation du pacifique, les hordes de touristes mal embouchées, les réglementations et les servitudes nouvelles, qu'adviendrait-il de leurs coutumes et de leurs usages ?
A cet égard le séjour à Tureïa fut éloquent.
La population de cet atoll vivait en effet sans tabou, il y avait certes le totem et de nombreux idolâtres mais il demeurait une sorte d'illustration très présente encore dans le cœur de quelques hommes, une providence peut-être pour la piété païenne mais définitivement désincarnée.
C’était le destin de la Polynésie et de son attachant peuple.

André ne connaissait pas les raisons de l’omnipuissance avérée de la population chinoise de l’île, il s’était cependant renseigné et avait appris …
Ces hommes et ces femmes venus de leur pays d'origine à la fin du 19 me siècle ne feraient pas de politique, ils feraient du commerce, ils s'affirmeraient ainsi avec force finesse et discrétion, leurs savoir-faire leur témérité leur permettrait très vite de s’imposer comme les maîtres incontestés du négoce et des affaires en général.
Ils représentaient à l’époque 3 ou 4 % de la population de l’île, combien sont-ils aujourd'hui guère plus sans doute mais de sangs mêlés, heureux métissages qui font les hommes et les femmes plus beaux encore !!
Ils s'affairent encore et de plus belle assurant ainsi la prospérité de leurs affaires.
La Polynésie opérait ainsi une sorte de transformation , le charme était égal et sous la voûte bleue les jours qui passaient toujours en beauté ravissaient encore, avec le même pouvoir de séduction!!


Noël Vallier.

samedi 26 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) .


Il disposait d‘un peu plus de quarante huit heures pour se réjouir une fois de plus des plaisirs inouïs de ses prochaines contemplations .
Cette petite sœur de la grande Tahiti n’était pas moins tapageuse de somptueuses luxuriances , sur l'échelle  des émotions elle lui damait même le pion et  avec un certain culot, il en fallait ...
Les mêmes trésors , merveilles , reliefs , couleurs , perspectives, mais en plus intimes, alors petite soeur peut-être cependant sa taille réduite lui donnait un caractère , une personnalité, une densité que Tahiti pouvait jalouser elle dont on avait de cesse de toujours convier à la première place du palmarès .
Les habitants paraissaient plus tranquilles, plus chaleureux peut-être, la présence militaire n’agaçait plus  l’autochtone elle était engloutie digérée, les fantassins du dimanche renaissaient métamorphosés et avides de grâce.
André et ses amis étaient attendus sur un motu, un éclat de perle planté à quelques centaines de mètres de l’île de Bora, là ils trouveraient le faré mis à leur disposition , puis ils planteraient de longues minutes sur le petit embarcadère, avant que de ranger quelques menus bagages .
Comment était-ce possible que l’existence de telles splendeurs se demandait souvent André? Il aimait y répondre lui-même et se disait-il les peintres et les architectes de la Genèse épuisés par la grande œuvre de la fresque du Monde avaient mis à profit un peu de leur répit pour s’abandonner à rebours de palettes et de pinceaux à commettre quelques premières touches impressionnistes …

Une fois rangés les petits accessoires et bagages, les mirettes provisoirement contentées, il s'en retournèrent au centre de Bora ils prirent un rafraîchissement entre canisses et cocotiers, lait de coco et gin, ils flânèrent une petite heure au village avant d’enfourcher les vélos de location mis à disposition.
Ils pédalèrent au cœur de l’île …


André ne retiendrait du bonheur de ses contemplations que le seul souvenir d’une jouissance, unique comme un concert de sens.
De Tureïa amour contrariée de l’Archipel des Tuamotu , à Tahiti beauté unique et bavarde de la terre Polynésienne , puis Bora Bora tellement ressemblante et promise à des langes éternelles il n’avait connu que vertiges et grands bonheurs.
Ces terres lointaines, ces îles luxuriantes, ces atolls surgis lentement érodés depuis l’enfance du Pacifique remueraient à jamais les cervelles et les tripes de leurs habitants et ne cesseraient de séduire et convertir les  quêteurs de passage ….
Le retour vers Papeete fut accompagné par d’incessants crachins , le temps était instable mais ils avançaient sans trop de difficultés, les délais seraient tenus et ils retrouveraient bientôt le port grouillant de la capitale.
André se doutait bien que des beautés Polynésiennes il venait après Bora d’en connaître l'une de leurs meilleures parts.
Quel militaire chanceux je suis se disait-il que pourrais-je bien encore attendre ou espérer …
Et pourtant les évènements ordinaires de son séjour lui feraient encore la route belle.
Ces ordinaires, ce quotidien avaient une saveur unique il en convenait, des contraintes certes ou petites servitudes, des devoirs bien sûr mais était-il concevable d'imaginer que l'armée puisse un jour cesser d'en imposer??
Combien étaient-ils ceux de son contingent, les nombreux appelés de la 68 2 c à se morfondre dans quelques casernes, à répéter inlassablement le maniement d’armes, à subir peut-être de sévères trempes.

Enfants qu'apprenaient-ils André et ses amis sur les livres d’histoire sinon  batailles et guerres, ils étaient pourtant friands de patriotisme, le mot ne leur était pas familier mais les victoires leur paraissaient justes et belles, la faconde du maître transcendait, sublimait même l’ordre cynique des affrontements, les petits soldats de plomb ni ne pleurent ni ne saignent, comment auraient-il pu ces adorables gosses s’interdire et sans le moindre drame possible de rêver ?!
L’histoire de France disait-on, histoire de conquêtes, belles fresques écrites et dessinées sur le thème des grands hommes, le maître lui-même ne s’interdisait nullement de se gausser de quelques personnages plus falots, il disait l’histoire subjective celle des manuels celle de l’ordre républicain celle de la raison !!!
Combien de fois André et ses camarades sortirent de classe en guerroyant sous pluie et soleil indifféremment, quelquefois traînant leurs godillots dans les flaques et rentrant chaussettes et blouses trempées !!
C’était ainsi , six ans , sept ans , huit ans , les années bonheurs celles de l’insouciance  celles des tartines d'une confiture épaisse, dégoulinante, celles des jeux éternels , celles aussi de la tendresse , cette tendresse qui inondait les yeux indulgents des gens aimants,ce sentiment fort qui faisait courir le long de son corps de doux frissons .


André était salarié à l’époque de son incorporation, il rompait depuis longtemps déjà à bien des ordres soumissions et contraintes, et n’envisageait jamais sa contribution au service national sous un angle bien différent, il concevait fort bien que pareil système puisse s’organiser autour et entre les hommes, et à fortiori en temps de paix où il n'y voyait même que des vertus !!
N’avait-il pas lui-même mûri sous la férule bienveillante et affectueuse de ses grand-mères, servi la messe avec conscience et gravité auprès du curé de son village pendant ses jeunes années, admis et même aimé sans restriction l’autorité et l’enseignement fleuri de ses instituteurs.
Il avait le sentiment d’être un très bon élément souvent farceur certes mais droit fraternel et discipliné ….
Moins farceur serait-il devenu curé ?? Pas impossible en effet son goût précoce pour les prêches , sa subordination à l’institution et à l’influence religieuse , son désir du paraître , l’exactitude et la bonté de ses jugements , son éloquence peut-être, beaucoup de conditions paraissaient remplies !!
Mais à dix ou douze ans frappent à la porte de la vie d’autres chimères et deviennent soudainement intrusifs bien des tourments …

Noël Vallier

lundi 14 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux ( suite ) .

André venait d’être invité pour une croisière de trois jours.
Il embarquerait sur une goélette à destination de Bora Bora, île sous le vent proche de Tahiti, autre perle, autre merveille !!
Le deux mâts appartenait à un commerçant chinois, il serait pris en main par un barreur expérimenté.
André rassembla quelques effets, acheta plusieurs rouleaux de film pellicule et se promit le jour venu d"en faire le meilleur des usages .
Ce jour-là l’odeur du coprah titillait fort ses sens, elle embarquait en chemin tous les effluves capiteux de l’île, ceux qui s’exhalaient depuis les limons acides, les fruits mûrs, ceux qui suintaient depuis le port de Papeete , monoï gras et bois de coque noyés .
Rien de nouveau sous la voûte polynésienne mais de fidèles répliques, toujours égales, grands moments matinaux, constructions de jours limpides nés de la terre et du soleil.
Que pouvait-il espérer de mieux que ce bonheur parfait ??!!
A 260 K au nord-ouest de Tahiti se dresse fièrement l’île de Bora Bora considérée comme la perle la plus aboutie du pacifique.
Quarante kilomètres carrés de superficie elle donnait et donne encore aux touristes de quoi satisfaire leurs envies de vertiges, sept cent mètres de foisonnante verticalité pour le point culminant, André pourrait s'ébaudir devant tant de panache et pris de grisants vertiges il se souviendrait une fois encore du spectacle plus dépouillé des dentelles basses des Tuamotu …
Une passe unique peu profonde autorisait le chemin des cargos, en revanche l’accès en amont leur était interdit, ils stationnaient dans le chenal.
Combien de touristes restèrent ainsi saisis, André visiteur privilégié de cette année 1969 n’imaginait pas combien ces beautés deviendraient statistiques et comment la fin du 20 siècle traiterait de ce tourisme luxueux en rigoureuses prospectives économiques.
Quelle formidable horlogerie !!

Le voilier s’était immobilisé du côté de la baie d’Hitiaa après une traversée sans histoire.
Parti de Papeete vers cinq heures il pointerait le bout de sa coque à Bora Bora une dizaine d’heures plus tard.
Les deux tahitiens manoeuvriers avaient tiré un espadon d’une vingtaine de kilos, ils avaient levé les filets les plus tendres et préparaient un gourmand poisson cru.
Mariné au lait de coco et au jus de citron, mêlés à quelques aromates et épices, les tranches taillées en carpaccio prendraient ainsi jus dans cette odorante marinade.
L’océan tout au long du parcours avait giclé ses écumes par-dessus le petit bastingage, ils étaient trempés, les embruns fouettards couraient sur le pont, ils vivaient ces péripéties en s'en amusant, leur short en tissus de paréo collait à leurs fesses, mais de leurs fesses ils n'avaient que faire !!
Quelle suite en trombe, il venait de passer l'âge de ses vingt ans !!

Il fallait en convenir, cet âge avant la fin des années 70 n’était point encore celui de la majorité, l’autorité des parents n’était pas discutable et jusqu'à bien tard dans la vie de leurs progénitures, et pourtant se souviendrait-on du moindre petit problème ?
Jamais en effet ou si peu, l'emploi ratissait encore large il y en avait pour toutes et tous et pour les plus ambitieux même en retard d'une guerre le savoir faire et le talent finiraient par payer !!
Le service militaire se révélait en outre pour beaucoup comme une longue parenthèse formatrice et la conscription considérait souvent cette servitude comme un moindre mal, André lui y trouverait de substantiels avantages !!
 
Ce n’était plus le temps de la guerre, il suffisait pour s’en convaincre de lever les yeux vers le ciel.
Point d’encombrement , nulle pétarade , et sur terre pas la moindre trace du premier fantassin , cependant la France expérimentait , il arrivait hélas qu'entre ciel et océan de sinistres champignons taillent la route , une variété nouvelle probablement, très très vénéneuse...
Plus tard ils apprendraient que leur fumet était de la famille de la vérole.
André petit bonhomme candide, épargné des sinistres charniers d'antan, douloureux lendemains de guerre vivait-il vraiment le meilleur ?

Noël Vallier

lundi 7 novembre 2011

Petite fatigue ...


Poésie je m’en veux c’est un peu ridicule
D’aligner sitôt faits les mots que l’on surprend
Et des maux de nous deux épuisées particules
En afficher des pages en dire tant et tant

S’émouvoir convenus au seuil de leurs alcôves
Si peu les voir jaillir à l’heure des tourments
Qu’un peu de joie venue face à nos gueules torves
Serait le soir baissant comme un meilleur moment

Cette mine affligée et ses traits que l’on tire
De la plume emplumée du soleil de Satan
Baguenaude en misère avec quelques sbires
Pour enfin céder lasse deux ou trois mots tentants

Ah j’en suis revenu de ces littératures
Que me suis-je empêtré tant de fois redondant
A donner au ciel bas un goût de confiture
A l’azur empêché quelque élan bondissant

Poésie de mes deux de mes quatre de mes douze
Belle prose en bel ordre rimes et mots indécents
Prendre si peu de pieds pour de telles partouzes
Me laisse tout hagard m’accable de torts récents

Dire l’art est litote voyons ceux qui bâtissent
Depuis le gris du crâne quand ça monte peu à peu
Par tournis et étages aimons ceux qui ratissent
Du gravier et du sable si peu sont-ils pompeux

Range donc ton pupitre pour un temps d’oxygène
Plies tes bagages et d’armes plus jamais ne consens
Inonde de salpêtre tes sens et tes hygiènes
Va donc voir petit scribe tout là-bas … et ressens !!


Noël Vallier

dimanche 6 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .




L'Archipel radieux ( suite ) .


La journée à Papeete serait libre de toutes contraintes militaires, il en profiterait pour passer chez le disquaire, à l’intuition il se fendit d’un vinyle, dans les reflets de son carton glacé s’embarquaient deux visages de femme .
L’une était noire, l’autre était blanche, elles étaient belles et s’amusaient toutes deux de l'échange conjoint d'un regard complice.
Il repartit vers Arué empruntant la première navette et négligeant pour une fois son tour de marché.

Il connaissait le trajet par coeur, tellement fréquentable ce long tunnel d’ombre vers Pirae, providentielle fraîcheur que la tôle du bastringue ambulant absorbait hélas en partie.
Il aurait préféré le truck, fraîcheur garantie pour le coup, parfums faufilés entre ses étroites claires-voies, une,deux, trois peut-être elles seraient là, jamais les mêmes mais toujours ravissantes les vahinés à la peau cuivrée, dorée jusqu'au derme allez savoir, souvent parties pour quelques escapades à travers districts .

Quelques éclats de rire, des regards fuyants ou invitants c'était selon leurs humeurs les circonstances ou le charme des garçons, elles les feraient souvent tourner en bourrique !!
André serrait fort son vinyle, comment chanterait le microsillon, musique en tête il swinguerait de la soul musique, il voulait bien le parier.
Il se distrait encore!
Souvent les tahitiennes étaient assises, le tissu de leur robe paréo en partie enfoui dans leur entrejambe, rien de leur anatomie intime ne serait ainsi dévoilé, craignaient-elles des indélicatesses de quelques gredins ?? Sans doute !!
Parvenu au camp, il se précipita en direction de l’algeco, puis il se saisit du Teppaz cala le microsillon et s’appuyant d’une fesse contre son lit se réjouit de ce qu'il écouta, les deux "nanas" se disputaient un vibrato étourdissant de jazz, l'ambiance musicale lui parut novatrice, la course rapide du 45 tours le contraint à recharger une vingtaine de fois.
Il était heureux.
Toujours la même routine aux cuisines, Napu n’était plus depuis deux mois, Hatani autre colosse avait pris du relief.
Lui serait-il venue la soudaine idée de se laisser aller à distribuer quelques claques que les gringalets de la brigade se seraient retrouvés sur orbite Tahitienne en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Mais Hatani était un brave...

André avait guéri ses plaies, traînaient encore quelques courbatures qu'il oublia bien vite.
Au camp la petite chambrée vivait une belle fraternité, Stéphane de Marseille traînait fort son accent , de belle allure il chaloupait un peu comme aux meilleurs moments de Panisse, son chic était épatant bien loin de celui recommandé par les injonctions culturelles de Marcel Pagnol , cependant André aimer situer le coeur battant de Stéphane cognant du côté du vieux port, cette belle rade toute en couleur semblait vraiment lui correspondre.
Bernard plus rond était pourtant souple comme une liane, ses lunettes cachaient un peu ses yeux rieurs, sa superbe intellectuelle s'imposait à tous, il était fraternel et attentionné, il exerçait au civil le difficile métier d'instituteur.
Les deux amis tenaient depuis le premier jour de leur arrivée au camp un volumineux registre exclusivement dédié au septième art, ils annotaient tous leurs ressentis, le film du soir passait au crible de leurs jugements seraient ainsi reconnues quelques séries B ou d’autres polars mésestimés, rejailliraient ainsi à la barbe des incrédules les vertus de nombreuses pellicules que beaucoup ne concevaient plus!!
Les étoiles chichement attribuées faisaient belles les pages de cet abécédaire, pertinemment argumentée la bible faisait référence...

Oubliées les moustiquaires , les petites bêtes fouineuses s’en étaient allées voir plus loin pour trouver un peu de pitance craignant tant désormais des redoutables machines à fly-tox …
Il venait d’apprendre que de sévères frictions avaient ébranlé la veille le fameux « Quenns » à Papeete, de la viande saoule avait traîné tard sur le quai et autour de l’embarcadère.
On y avait relevé des tahitiens des légionnaires et quelques énergumènes hybrides, tous remarquablement agglutinés !!
Les tôles de l’établissement avaient souffert, le comptoir s’était un peu disloqué mais l’endroit ne ferait pas relâche, dès la nuit tombée le dancing sulfureux reprendrait du service.
Le camp recensait quelques gueules cassées, le commandement de la légion avait ordonné des consignes pour que cesse un temps cette épidémie de distribution de mandales !!
Au camp chez les appelés c’était plus distingué, plus précieux, plus coquet, pour tout dire plus tendance !!
Huile de monoï couleur miel protection 0, c’était leur ambre solaire de référence , gare aux peaux laiteuses, gaffe à celles que le soleil aimait tant rosir, elles seraient rongés le soir même, d’autres plus résistantes seraient toujours au meilleur.
Ils étaient ainsi quelques éphèbes à arpenter le camp, leur bronzage noir cuivré patiemment travaillé flattait leur ego!
Parviendraient-ils un jour à devenir tous blonds?

Noël Vallier

mercredi 2 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .



Ils repartirent tard, très tard, elle prit son scooter il lui saisit la taille, la nuit était douce, à peine ressentaient-ils la petite fraîcheur que la vitesse de l’engin brassait.
Elle le déposa prés de l’entrée du camp lui souffla un baiser puis elle repartit en direction de Papeete.
André consulta sa montre, il était trois heures, il veillerait à ne point troubler le sommeil de ses amis.
Ils dormaient tous profondément, il lui restait un petit bout de nuit pour se requinquer …
Pauvres grands-mères , sa conduite de la veille puis les jeux qui suivirent eussent été qualifié de turpitudes par les saintes femmes, il aurait écopé sous leur tutelle et en de telles circonstances d’une très sévère pénitence, le péché de chair n’était-il pas à leurs yeux le plus haïssable ....
Le tarif ordinaire délivré par l’arbitrage clérical aurait alourdit la peine il aurait en effet retenu des circonstances aggravantes pénalisant lourdement ses humeurs folâtres et sa conduite indigne .
Mais on ne confesse plus sous la contrainte à son âge , il songeait au redoutable tarif syndical , il échappait ainsi à la vingtaine de « Notre Père » requise puis une autre vingtaine de « Je vous salue Marie » que le redoutable curé n'aurait pu dissocier !!
Quand il était gamin à confesse après la sentence il s’agenouillait bien calé contre le dossier de la chaise et il récitait les louanges prescrites , il aimait se laisser distraire pour les "confesses" des fins d’après-midi d’été par les reflets du grand vitrail de l’église magnifié par les rayons du soleil déclinant .

C’était le lumineux mois de juillet et la métropole connaissait peut-être ses premières canicules !!
Amédée avait déjà disposé ses tréteaux et leurs couvertures de bois d’hêtre , rassemblé la main d’œuvre saisonnière et c’est dans leurs mains expertes que serait étalonné le calibre parfait qui conviendrait si bien aux niches capitonnées des cagettes .
Les pêches de la vallée de l’Ouvèze étaient les meilleures , l’arboriculture du village fière de ses dizaines d'hectares contribuait au développement du label .
Etaient écartées sans concession celles dites du « retrait » , énormes et charnues, trop mûres pour l‘expédition , elles finiraient au commerce de détail à la grande satisfaction des gourmets qui savaient combien ces fruits dépareillés contenaient d'exceptionnelles saveurs !!

Les géraniums des mémés devaient se répandre en cascades débordant sur toute sa longueur le muret de la terrasse.
Réduiraient-elles cette année encore quelques tuiles pour colorer les hortensias et auraient-elles la force de sarcler une fois encore les mauvaises herbes de la petite cour ??

Il se réveilla à l’heure prévue, il ne pourrait s'y soustraire ...
Endormissement tardif , nuit expédiée mais réveil collégial.
André en manque de sommeil se retrouva sous la douche, comme les autres, à peine prit-il un peu plus de temps pour se défaire à regret des dernières petites poisses de monoï qui collaient à son cou …

Il partirait ce matin à Hao, un avion militaire l’emmènerait sur cette île lointaine pour une journée sportive qui engagerait son équipe dans le cadre d’un tournoi de rugby.
Ah ces merveilleux moments de castagnes !!
A ce jeu les tahitiens étaient redoutables, félins, puissants les gaillards  des îles plantaient des mailloches en pleine poire, les piliers de l’équipe militaire répliquaient de concert ...
André et ses amis fraterniseraient avec leurs opposants du jour, le temps sans concession du match était une épreuve, celui de l’amitié effacerait aussitôt les conséquences de quelques querelles.
Un impressionnant « Tamara’a Tahiti » serait servi en leur honneur à la tombée de la nuit !!
Cuits à l’étouffé dans un four de circonstance creusé à même la terre, enveloppés dans de larges feuilles de bananiers posées sur des pierres brûlantes, recouverts de feuilles de palme, puis de terre et de composts végétaux les cochons de lait seraient longuement apprêtés avant que d'être répartis aux convives en portions généreuses .

La fête se terminerait tard, au moment unique où le lagon frissonne saisi par la fraîcheur des heures profondes de la nuit, à l’instant ou clapotent un peu plus bruyamment ses vaguelettes, viendraient alors lointaines résonances, se répandre les sons étouffés de quelques musiques étranges comme accouchées depuis l'encre noire du ciel polynésien .

Ils repartiraient tard le lendemain, l’avion militaire embarquerait la troupe encore éteinte en direction de Papeete, au fil des minutes l’azur radieux de la Polynésie claquerait dans leurs mirettes sa transparence mystique, puis saisis par des vertiges incontrôlables, ils contiendraient pudiquement leurs émotions …

Noël Vallier .