jeudi 29 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .




L'Archipel radieux (suite) .

Au camp de détente d’Arué l‘ambiance était plus feutrée.
André s’adonnait à la plongée, tuba et palmes, la discipline ne présentait pas de difficultés particulières , il fallait maîtriser la nage et  posséder la technique de l'apnée .
Autrefois son cousin René l’avait balancé dans l'un des creux profonds de la rivière « Ouvèze » un peu en amont du pont de Mure .
Il balança son copain Yvon avec la même ardeur " vous saurez nager avant ce soir !!" leur avait-il dit .
Ils avaient six ou sept ans …
Ils gigotèrent pendant d'interminables secondes , la trouille au ventre , avalèrent quelques tasses , puis enfin se rétablirent avant que de se stabiliser .
Ce n’était pas très académique mais ils restaient en surface , ils barbotaient à qui mieux mieux et connurent peu à peu le bonheur de la victoire .
Ils possédaient enfin une technique propulsive et les deux lardons tels de jeunes chiots firent pour la première fois de leur vie la nique à l'élément liquide !!
Eux qui redoutaient tant des profondeurs et des mystères du courant !!
Le cousin sans scrupule avait gagné son pari , et sans prendre le moindre des ménagements !!

André pouvait aujourd'hui s'équiper de tuba et de palmes .
Il prendrait une large distance bien au-delà de la limite du ponton , puis parvenu au point de la meilleure verticale il piquerait en direction des coraux prendrait quelques précieuses provisions ; nacres épaisses joliment bleutées et orfèvreries diverses ...
Très convoitées les plus belles nacres , sept doigts , bénitiers , le fond de sable fin à peine à une centaine de mètres du camp regorgeait déjà de tous ces trésors !
Encore fallait-il se donner un peu de mal …
Il y faisait aussi des rencontres avec les murènes, lesquelles pointaient à la vitesse de l'éclair leur sale gueule depuis leurs labyrinthes de corail.
Elles auraient pu souvent le saisir au bras et lui mordre les chairs s’il n’avait su devancer leurs intentions.
Mais il revenait le panier bien garni , encore étourdi par la pression de l'eau , souvent à bout de souffle mais heureux.

Il était tombé sous le charme d’une ravissante « demie Tinto » disait-on , conséquence heureuse du métissage chino-tahitien.
Ils se retrouveraient le soir même au « Bounty » .
Il lui fallait contenir son impatience , il imaginait les slows tendres , les fiévreux enlacements vautrés dans le moelleux profond des banquettes de cuir rouge !!

Nos amis termineraient la journée autour du baby-foot , le soleil déclinait doucement à l’ouest , peu à peu  le centre de loisirs se viderait de son monde, seuls traîneraient longtemps les échos de ravissantes sourdines, ces musiques tahitiennes toutes de langueur imprégnées , venues depuis la nuit des temps , rythmées par les cordes enjouées des banjos.
Quelle félicité …
Souvent inspirés par des envies de fêtes , puis aussitôt en branle , guitares , cuivres , percussions , suintaient bien après le folklore ou le drame musical du fluide pénétrant du Jazz.
Fleuries , saisissantes , révélant les joies profondes du peuple et s’agaçant de ses peines , riffs cinglants collés sur la chair de ses cordes , la musique embarquait dans ses limbes , l’auditoire , les acteurs , le public , tous les partenaires , conquis et enthousiasmés .

Les formations musicales tel le pain de la cène s'additionnaient incessamment , toutes avec brio, le banjo ou le ukulélé prenaient la part belle , puis s'en mêlaient batteries et cuivres , enfin l’orgue électrique venait soutenir l'harmonie .
Il iraient ainsi de bringues en bringues , de vertiges en vertiges , le peuple polynésien serait ainsi sans cesse imbibé par l'ivresse de ces jeux !!
Se pressaient sur les grandes terrasses des brasseries chics de Papeete les touristes fortunés de la planète tous attirés par cet irrésistible rythme !!

Au coeur profond de la ville des solistes moins en vogue , mais avec la même énergie , le même talent donnaient de l'embrasement dans toutes les ruelles .

Noël Vallier

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