samedi 10 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .



L'Archipel radieux ( suite ) .


L’île de Tahiti est un miracle permanent.
Tant de beautés , autant de vertiges .
Il était aussi des sourires et des éclats de rire , les légendes de ses plus belles histoires , ces histoires incroyables écrites à l’encre du désir , dessinées par la plume tremblante des sens.

Papeete en 1969 était une petite ville faite de bric et de broc, capitale de la Polynésie française, peu cosmopolite , métropolitains , Tahitiens et Chinois et leurs métissages c'est à peu près tout !
Fonctionnarisée et coutumière pouvait-on mieux la décrire ?
Elites entrepreneuriales et militaires, élites construites depuis l'avènement du peuple polynésien elle grouillait de ce monde, fraternelle elle ne manquait ni de charmes ni d’ambitions.
Hospitalière ou contrainte son histoire était-elle celle que Bougainville et Cook avaient longuement décrite , Tahiti réduite à ses seules descriptions de catalogue , charnalité , insouciance , artisanat et pêche , oui sûrement celle des temps plus anciens , mais aujourd'hui si le cliché avait partiellement survécu il serait bien trop nigaud d'en rester là ...
Les polynésiens fiers et heureux , indolence , gentillesse cela est vrai mais quelle détermination à tenter de préserver coûte que coûte leur insularité exceptionnelle ...
Ils finiraient par lâcher l'un de leurs archipels au démon du nucléaire hélas et c'est ainsi qu'un peu de lèpre à ses alentours finirait par bousiller faunes , flores et fonds marins ...
Papeete grouillait des agitations de sa modernité récente , survenaient les premiers encombrements , de rares  automobiles mais une flopée de scooters un peu étourdis et la petite ville étriquée , bousculée sur ses frontières retentissait de leurs assourdissants coups de klaxon .

La route entre Papeete entre le camp d’Arué traversait deux districts ,  les militaires du camp utilisaient soit la navette officielle soit le truck pour parcourir la vingtaine de kilomètres qui séparait les deux points névralgiques.
L’ombre épaisse du district de Pirae rafraîchirait encore le feu de leurs tempes et cette brève fraîcheur dissiperait leur sueur …

La vie au camp était agréable , le cadre rigoureusement …. Polynésien !!
Les dortoirs plantés au milieu du camp rompaient un peu de cette belle harmonie , ils étaient pourtant un élément important de leur vie militaire , repos et sommeils , temps dédié à la correspondance , bouffes gourmandes de resquilles diverses et dernières rigolades avant la nuit .
André s’était totalement remis, la discipline militaire avait fait long feu , plus d'appels ni de corvées , oubliées les gardes interminables sous le guérite , les marches aux pas forcés sur la route du Faron et toutes ces allégeances servies à tous les sous-fifres caractériels .
Pas d'ennemis à l’horizon !!

Le réfectoire n’était pas banal , plantée au milieu des fleurs l'immense salle jumelée , du dur de chez dur était entièrement ouverte côté parc.
Les alizés s’y engouffraient apportant parfums divers et un semblant de fraîcheur
Les repas proposés étaient variés , souvent appétissants , il donnerait souvent son avis , comme d'autres pour fixer le semainier des saveurs !!
Quant arrivait le moment du service les plus affamés s'arrachaient les plateaux tels des chasseurs de soldes le ballet des écumoires et des louches pouvait alors commencer .
André apportait un soin tout particulier au garnissage des plateaux , copieuses les portions débordaient souvent leurs compartiments en inox et c'est ainsi qu'il vit souvent dans les yeux des implorants la meilleure des humanités !!
Ses camarades d'Algéco bénéficiaient d’un régime de faveur , jusqu'à l'écoeurement souvent , cependant l'honneur était ainsi sauf et c'était sans compter sur la triple ration pâtissière du dimanche qui ne verrait jamais revenir la moindre miette !
André prenait peu à peu sa place , il était heureux de ne plus subir les assauts désordonnés d'un psychisme qui semblait ne plus être en guerre .
Il y eu de fréquentes séquences de fou-rire , il n'était pas le dernier et prendrait une bonne part en ne ménageant jamais ses petites prouesses d'imitation .

Il ne fut pas une seule soirée sans une traîne de grande douceur , survenaient rarement de brèves mais violentes averses , les feuilles de palme brillaient alors de mille éclats, le fragile Tiaré se moquait un peu trop habitué à ces humeurs soudaines il redresserait bien vite ses pétales la pluie cessant .
L’endroit de la petite poste était le plus fleuri , combien de ses petits ornements collèrent au vergé de nos plis et les embaumèrent portant ainsi un peu de leur capiteuse odeur par delà l’océan pour tenter de réjouir et réchauffer quelques cœurs.


A Tahiti tout était luxuriance, sur les atolls flottait une sorte de félicité et semblait mourir tout doucement rongé peu à peu par l’ardeur des vagues leur lumineuse fin de vie …

André s’était nourri de l'un et attendait tellement de l'autre .
Il restait beaucoup à prendre .

Noël Vallier.

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