dimanche 11 septembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


Que se passait-il en France ?
C’était la fin du mois d’avril , André entendait sa mémé Fifi lui répéter « en avril ne te découvre pas d’un fil , en mai fais ce qu'il te plait » proverbes aujourd'hui orphelins , combien de fois les avaient-elles récitées toutes ces vérités , banales pas si sûr , cousues au fil précieux du bon sens , jolies escortes des vies d'antan ces vies rudes de semaine et leur dimanche comme un ornement , jour de festin et de grand soleil , jour de partage jour de la grand-messe , joie des piétés et du missel .

C’était tout juste le dernier tiers du vingtième siècle , elle avait quatre vingt seize ans, elle s’éteindrait à cent ans, six ans après le retour de son minot ….
L'autre mémé sa fille avait pris sa retraite, elles vivaient ensemble, les circonstances de la vie , douloureuses les avaient réunies, elles demeureraient ainsi heureuses telles seraient leurs destinées.
Elles s'occuperaient des jardinières , géraniums et capucines en ribambelle de couleurs alignées sur le muret de la terrasse , débarquées de la cave après les dernières gelées.
La maison était à la calette au fond d’une petite cour, à deux pas de l’église , ah !! Flaviac comment auraient-elles pu s'en soustraire ??
Les courriers en provenance de la Polynésie leur parvenaient à raison d'un tous les quinze jours , André imaginait les visites du facteur , et ces moments attendus à la découverte d'un autre pétale de Tiaré , pétale au parfum presque perdu mais collé au vélin précautionneusement , pour leur plaire , pour les émouvoir tout autant .
Ces longues minutes de lecture remettraient à plus tard les découvertes des chroniques du "Petit écho de la mode » ou de « Mon ouvrage » .
Le tour viendrait de la culture religieuse , tous les articles de la « La vie catholique illustrée » et du « Pèlerin du 20e siècle » passeraient au crible .
La lecture du Dauphiné Libéré celle de 10 heures était souvent grave , Dieu fit des matins sanglants, il en fit des ordinairement tristes , il en fit aussi des joyeux . Julienne la fille lisait à voix haute pour sa mère presque tout le journal , le petit André collait son nez contre le grand pan de la page et respirait profondément l'odeur de l'encre encore fraîche ....

Les premiers rayons du soleil d’avril réchauffaient sans doute l’atmosphère de ce début de printemps, les violettes, forsythias, jonquilles et lilas exhalaient leurs premières senteurs.

Comment comprenaient-elles une telle distance les mémés , André leur écrivait depuis le bout du monde  elles savaient la terre ronde bien sûr , tellement ronde que leur vieille mappemonde avait tourné bien des fois s'arrêtant net sur l'éparpillement Polynésien !
Elles les avaient vu ces minuscules points perdus dans l'immensité océanique et restaient toujours un peu stupéfaites .
Les visites du grand oncle étaient fréquentes , il se mêlait aux curiosités des saintes femmes et portait un grand intérêt aux pérégrinations polynésiennes de son petit neveu.
L’époque d’après guerre avait démythifié dans les grandes largeurs , la génération vieillissante composait entre sentiments d'outrage et quête ardentes de nouvelles connaissances .

André lui goûtait de ce séjour rare , de cette obligation militaire exceptionnelle proposée aux conscrits dans le cadre d’une campagne militaire ambitieuse , une campagne stratégique et expérimentale.
D'autres se morfondaient dans quelques casernes métropolitaines, en Allemagne ou ailleurs , où ils se pliaient aux disciplines diverses, aux caporalismes obtus , André et ses amis eux rêvassaient parmi  les cocotiers et les fleurs et se doraient la pilule sous l'un des climats les plus insolemment extraordinaires de la planète.
Ses grands-mères envoyaient régulièrement des mandats, il donnait en échange des nouvelles et des pétales les mémés s'en serviraient de marques pages , certains couraient les missels et les évangiles d'autres trouvaient places au milieu des piles de leurs plus beaux mouchoirs brodés.

Les pétales de ces jolies fleurs perdaient vite leur léger parfum , cependant ils garderaient leurs belles couleurs et du bout de leurs doigts ses grands-mères frôleraient souvent l’exubérance passée de leur soie fragile ….


Noël Vallier












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