vendredi 16 décembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .



L'Archipel radieux ( suite )

Cette opportunité arriva presque aussitôt …
Il venait tout juste d ’apprendre qu'un Palace proche de Faaa organisait une réception mondaine , sorte de garden party réservée à la crème, il était de toute urgence qu'elle se retrouva une fois de plus, la démocratie inventive gagnait en effet jour après jour du terrain, elle était là présente terriblement menaçante ....
André s’était porté volontaire pour intégrer l’équipe qui serait chargée d’assurer les services de table, il lui faudrait passer une sorte de casting, il trouvait ce protocole dérangeant .
Une centaine de candidats postula, seule une quinzaine fut retenue...
André faisait partie du lot.

C’était la fin du mois d’août, la saison officielle des pluies, mais pouvait-on dire pour autant que le paradis franchissait la frontière de l'automne ?
Les pluies quand elles n’étaient pas tempêtes claquaient comme de violentes averses, brèves lourdes comme du plomb , la Polynésie se ventilait d'une sympathique fraîcheur mais si peu durable, dissipée bien avant les premiers frissons et si l’oscillation jouait sur 3 ou 4 degrés l'humeur du thermomètre se limiterait aux petites variations convenues de son mercure …
L’ensoleillement revenait tel un tsunami plus déterminé que jamais , mais jamais la moindre canicule , le ciel se contentait d’ouvrir ses fenêtres bleues sur cette terre polynésienne trempée, et les dernières petites brumes  se dissiperaient poussées par de bienveillants alizés.
Merveilleuse île où la mode vestimentaire était réduite à sa plus simple expression elle faisait avec le climat, le tissu de paréo raflait la mise, le lin confortable trouvait aussi sa clientèle, il était plus coûteux et confronté aux jugements des insulaires il était souvent qualifié de friperie !!
Bref, les tahitiennes réservaient leurs plus belles toilettes pour les grandes occasions ; messes et cultes, mariages et enterrements …
Papeete était devenue la capitale du scooter, les bolides fessus tournaient comme des toupies dans les rues de la ville, puis se trissaient en direction des plages.
C’était une vraie mode, les jeunes garçons découvraient les avantages de la frime, les filles se disputaient l’arrière des sièges, les intrépides consommeraient bien du carburant avant que les belles ne consentent à desserrer un peu l'étau !!

Que devenait le camp d’Arué ??
Il mijotait sous le soleil, massifs fleuris en proue plus beaux encore que ceux grappillés à l'intention des cartes postales, petites architectures lumineuses et élégantes; à deux pas les terrains de volley et de tennis jouaient à guichet fermé, André travaillait inlassablement son coup droit, ce bras redoutable dont il tirait le plus grand avantage, vrai cache-misère il fallait en convenir car son arsenal technique était bien trop rudimentaire.
Cependant il gagna bien des points !!
Au grand dam de ses amis puristes qui concevaient autrement les échanges, ils les préféraient convenus interminables, élégants !!
L'empreinte d'Otis Redding marquait toujours les préférences musicales du camp.
André venait d’être admis à l’hôpital militaire de la ville pour une angine blanche carabinée !!
On lui administra les soins habituels, et on lui fit sucer des glaçons !!
Il s'en remit très vite.
A travers la baie de la fenêtre de sa chambre, il vit pendant des heures les vagues hautes de l’océan se fracasser contre les récifs, et dégueuler ses blanches écumes.
Il pensa à Tureia ....

Cela fait aujourd’hui environ mille ans que ces miraculeux petits bouts de terre surgis de l‘océan ont été visités , investis , puis peuplés par des navigateurs en détresse peut-être, mais hardis, expérimentés, déterminés, et pourquoi diable avaient-ils en effet fui leur terre originelle .
Venaient-ils de l’Indonésie, de la Chine, de l’Amérique du sud, les avis divergent encore, et pourtant la providence fut l'inspiratrice d'une harmonie terre et hommes parmi les plus exceptionnelles que notre terre ait pu faire naître, il suffit d'aller le voir !!
Aux chants, danses, pêches, artisanats, s’ajoutèrent d' innombrables micros commerces et ce fut l’avènement d’une autarcie joyeuse et inspirée.
Peuple sans trop de légendes, quelques dynasties royales et des hommes et des femmes heureux et paisibles en dépit de quelques narrations iconoclastes chargées peut-être d'entretenir le mystère qui entourent tous les bouts de monde.
André aimait à dire que son éloge insistant venait modestement souligner ce que du bonheur il avait pu percevoir, ce que des beautés rares il avait pu admirer, ce que des parfums étranges et troublants il s'était enivrer et ce que des femmes et des hommes de ces îles il avait tant reçu lui qui n’avait que si peu de choses à donner !!

Il ne lui restait plus que quatre mois à passer sur l'île.

Douze mois … un sacré bail, il ne s'était jamais impatienté y compris aux moments pénibles que lui infligea sa petite détresse.
Il ne cessa de dévorer le soleil.

Noël Vallier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire