dimanche 4 décembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite )

Le Royal Tahitien était un hôtel très convenable de la banlieue de Papeete, il proposait des chambres couleurs locales, spacieuses et agréables.
Il se situait et encore aujourd'hui à mi-chemin entre la ville et le camp d’Arué.
Une fois débordé le district de Piraë après le très attendu moment d'ombre fraîche la route belle tirait droit en direction du camp.
Sur la gauche après quelques kilomètres une allée pentue abondamment fleurie sur ses bordures débouchait sur une coquette réception.
Une piscine d'eau douce clapotait au gré de l’humeur changeante des alizés.
Les transats alignés sur son périmètre claquaient de la bâche avant que des corps alanguis ne viennent définitivement les soumettre.
Légèrement en contrebas une plage privée délimitée par d’imposantes rocailles prenait quelques trempées fouettée par des embruns farceurs.
C’est ici qu'il venait d’être convié pour une garden-party, il tenait cette invitation depuis une soirée passée au « Bounty ».
S'y côtoyaient officiers, civils, d’autres citoyens du monde et de nombreux autochtones  …
André s’était pour la circonstance affublé de fringues façon dandy, ce dandysme absolument indémodable.
Chemise en belle soie brodée de grosses fleurs, pantalon blanc taillé dans une mince étoffe, une paire de mocassins blancs qu'il portait sans chaussettes, tout en décontraction !!
Ce n’était pas un concours d’élégance mais paraître et s'afficher semblaient postures de rigueur , les épidermes cuivrés courraient après une médaille sans doute et le Monoï de luxe parfumait délicatement bien des peaux .
André parviendrait-il à se confondre ??
Une fois son piètre statut militaire révélé il serait grillé, snobé sans doute, les regards peu à peu se détourneraient, ah le menu fretin penseraient-ils .... persona non grata !!
Il géra avec une certaine classe, fit quelques connaissances, avala quelques bourbons, s’égara souvent dans des flots de rhétorique ambitieuses avant que de se poser sur l’assise ouverte de l’un des transats de l’hôtel.
Il se retrouva en charmante compagnie.
La jolie tahitienne au scooter n’était pas venue, il ne s’en étonna point tant l’inconstance semblait être l’un des traits de caractère des jolies polynésiennes !!
L’ennui finit par le gagner, il parvint à se soustraire du regard des autres convives  et décida de repartir toutes affaires cessantes en direction d’Arué.
Il prit la dernière correspondance.
Les premières heures de la nuit étaient douces, l’ambiance dans le truck était délicieusement bruyante il ne lui fallu que quelques minutes pour regagner le district, quand il passa devant le drive-in ses derniers projecteurs capotaient leurs lumières …
Gloria in excelsis Deo !!
Il avait beau le célébrer, jamais il ne le vit et pourtant toutes les conditions paraissaient requises, la verticalité parfaite de son azur, les petits nuages blancs et leur ravissante transparence, et plus bas bien plus bas toutes ces églises et ces temples inondés de fleurs …
Pourquoi diable tardait-il ??!!
Les temples et les églises qui se partageait la foi des ouailles nichaient souvent dans les petits creux des plus belles arborescences.
André s’y retrouva en deux ou trois circonstances, il y régnait au moment de l’office l'empreinte d'une ferveur profonde, les odeurs d’encens et d’huile de monoï mêlées étourdissaient pour le compte quelques mamas, d’autres s’inondaient de leur propre sueur, toutes entonnaient avec ardeur leurs chants polyphoniques admirables …
Et ces extraordinaires tailleurs et robes blanches !!
André jamais ne se lasserait de participer aux offices.
L’allure après la cérémonie restait processionnelle, les fidèles jamais ne rompraient le rang, sur les parvis herbeux s’attardaient de gais cortèges.
Le dimanche matin comme dans toutes les villes du monde Papeete consacrait dans la ferveur ce moment inouï de recueillement.
André ne s’étonna point que la capitale Polynésienne fut sinistre les après-midi , cette paresse et ce désintérêt urbain le renvoyait aux heures déprimées, celles des spleens douloureux de sa première adolescence, il aurait tant aimé que la messe de onze heures prit d’autres aises, déborde encore un peu plus sur la volée de midi, c’est ainsi qu'il aurait pu se débarrasser de l'oppression qui le prenait aux tripes après le déjeuner du dimanche.

Noël Vallier .

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