mercredi 1 février 2012

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite ) .

Et tout ne serait pas perdu !!
Sa petite caméra avait saisi ici et là quelques essentiels , certes il ne solliciterait jamais que ses pellicules soient exploitées comme des monuments de propagande et pourtant de quelques couleurs saisies, de l'esprit de cet endroit magique qu'il avait voulu réglementairement chaparder il pourrait ravir ses proches, les mêmes pourraient voir, images fuyantes, un peu floues, ses intimes têtes à têtes avec cette nature exubérante ses plages chahutées par les écumes mordantes de l'océan, fouettée par les alizés et le plus souvent apaisée par la douceur de ce climat porté par les rayons d'un soleil somme toute assez raisonnable !!
Incidemment on y verrait aussi sa bouille, celles de ses collègues, le camp d’Arué souvent saisi le dimanche à l’heure où l’épigastre chahuté par l’obsession des souvenirs lointains ou des impatiences se rétracte avec douleur, pour finalement accoucher d'une boule de mélancolie.

Le capitaine du camp les renvoya chez le coiffeur, cette affaire était convenue, il ne faisait qu’appliquer le règlement, peut-être en rajoutait-il sur ses prescriptions "plus ras que court disait-il !"
Il ne plaisantait pas ...
Cependant l’artisan du camp ne s’acharna point, il raccourcit les pointes, tailla dans la ridicule tignasse sans chercher des poux, ce ne fut pas le régime imposé par le bagne !

Ils étaient prêts, le moment du départ serait douloureux, mais l'appel du pays était le plus fort , il triompherait de l'attraction que l'île exerçait encore sur les humeurs des conscrits, l'heure était venue de regagner ses pénates !!
Ils avaient effacé l’ardoise magique, d’un coup sec comme à l’école déjà une dizaine de jours avant le grand retour…
Il fallait bien ça !
André reçut des témoignages d’amitiés tous émouvants, les mamas de la cantine s’en étaient mêlées, il fut un moment débordé par tant émotion partagée , celles qui d’ordinaire mettaient un peu de distance faisaient dans la tendresse, l'impudeur même !!
Elles ne contrôlaient plus leurs larmes, ces larmes à flots qui inondaient leurs prunelles, comment pouvait-il ne rien entendre de ces adieux ??
Elles les chantèrent soutenues par le cliquetis mis en musique par la brassée de colliers de coquillages que notre ami portait, comme on porte une minerve, tête et cou saisis, le ciel au-dessus du camp était d'encre il était tard après le dernier service , il se maquilla de l'or de ses innombrables étoiles.
Il était mignon et gentil disaient-elles, elle avaient apprécié qu'il les respecta autant, il leur témoigna toujours en toutes circonstances considération et respect .
Ces femmes le nez plongé dans leurs vaisselles, s’étaient tellement démenées manches de serpillières et balais devant briquant sans cesse le vaste carrelage du réfectoire,
Il fallait le voir, ouvrir un peu les yeux, et de les embrasser en leur disant merci, on vous aime !!

Ils partirent un soir, leurs maigres cheveux au vent, sur le point de leur échapper à jamais les odeurs de coprah et de vanille offraient leurs meilleures odeurs, l’autocar embarqua tout son monde puis ils furent  tristes et heureux.
En passant devant le district de Pirae, ce fut un moment de grande nuit noire, quelques autochtones plantaient là sur les bords de la route, ils leur adressèrent des saluts amicaux et d'autres manifestations de joies bruyantes.
L’un de hommes du cortège baissa pourtant son short et se tournant ostensiblement vers les vitres de l’autocar nous montra son énorme séant.
Tout était dit si j’ose le dire ainsi les jeunes appelés du contingent seraient encore vilipendés par quelques irréductibles admettant mal la présence française sur leur terre, ce merveilleux endroit du bout du monde où les petites gens, le peuple, étaient pensaient-ils méprisés, moqués, et soumis à d’incessants brocards.
André ressentit cette provocation fessue comme une injustice et surmonta mal son trouble, il avait tant consenti pour sa part en volonté de se fondre avec beaucoup d'humilité.
Ils parvinrent au bout de quelques minutes sur le tarmac de Faaa, ils furent à nouveau saisis par les vahinés présentes pour d'autres colliers, d'autres embrassades, d'autres chants d'adieu, l'affaire était rondement menée et cette fois-ci de façon très professionnelle, ils se retournèrent une dernière fois et se dirigèrent vers la carlingue du DC 8 Cotam.


Noël Vallier

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