mardi 25 octobre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .


L'Archipel radieux (suite) .

Napu prenait son scooter pour se rendre à son travail , il venait rejoindre André et la brigade depuis son faubourg de Papeete .
Il ressentait tel un ingénu le bonheur que la griserie de son petit engin pétaradant lui collait à ses basques , il moulinait au ras du macadam , à la limite de l'emballement , le boucan pulsé comme celui que libère les vieilles cafetières .
Toujours nonchalant , califourchonné sur son siège en skaï , c’est plein gaz qu'il croisait à l'entrée du camp   les plantons du poste de contrôle !!
Sans casque , tignasse au vent , cheveux corbeau , Napu taillait la route comme un gamin , son scooter c'était sa meilleure sucrerie , sa vraie gourmandise .
Ce colosse de deux mètres était l’ami des militaires du camp , orfèvre culinaire il s'amusait en cuisine et déclinait une palette de virtuosités confondantes . Pourtant les louches , écumoires et autres ustensiles un peu perdus dans ses mains semblaient comme des accessoires de dînette , l'acier trempé à la vue de la prochaine poigne tremblait comme le fer blanc !
Napu était un chef , quiconque en contesterait l’usage ..... mais jamais personne n'en contesterait l'usage !!
Un jour il fut absent , puis le lendemain , André et ses amis apprirent qu'il s'était fracassé sur le bitume , le scooter en miettes , tôles et chairs éclatées à l'intersection de la route littorale pas très loin de la base .
Les fleurs de tiaré le temps de son agonie avaient du frissonner d'horreur , lui qui les aimait tant ne saurait pas que pour lui rendre hommage elles avaient exhalé ce soir là les meilleures essences de leurs sucs .
La brigade fit désormais sans Napu , Hatani pleura , la brigade était triste , l'atelier leur parut soudainement géant .
Ils récupérèrent ses affaires personnelles , elles furent rendues à la famille.
Napu avait souvent évoqué son île , il en connaissait tous ses beautés et depuis ses cimes il pouvait disait-il être aussi fort qu'Orio Mata ( oeil du cyclone ) .
Pénétrer l’île n’était pas si facile , terre sauvage et préservée en son centre elle comptait une multitude de végétaux , pour avancer dans cette jungle il fallait à la machette faire un chemin , il donnait invariablement une fois les broussailles dégagées sur de somptueux édens .
Les espèces d’oiseaux étaient innombrables et les gazouillis tremblaient les mares fréquentes que les pluies soudaines avaient composé au gré de leurs humeurs .
De spectaculaires chutes d"eaux giclaient depuis les falaises , certaines sans le moindre répit , naissaient ainsi d’impétueux torrents que la saison sèche ne parvenait jamais à réduire .
André s'impatientait de connaître l’île sur toute sa circonférence, il s"amusait déjà des pétaradants teufs-teufs lâchés par le truck.
Connaissait-on manière de transport plus charmante ??
Sur les routes étroites à l’écart de l’axe principal , il se souvient encore des caresses fortuites des frangipaniers , des virées chaotiques tellement amusées sur ces portions de routes défoncées par les pluies puis en chemin toujours le rire des vahinés , une fleur de tiaré autour de l’oreille , moquant sans cesse les espérances des « faranis ».

Le gars de Beaucaire avait une personnalité trempée , la démarche légère il prenait délicatement appui sur la pointe de ses pieds et ainsi chacun de ses pas lui assurait une prise de félin .
Il donnait cette impression agréable que de se mouvoir en apesanteur , à la manière des plus gracieuses tahitiennes !!
Amateur de plongée il sollicita André pour l'accompagner en direction des premiers fonds , bien après l’embarcadère.
André qui était encore un néophyte hésita un court instant puis il opina , sans doute pensait-il posséder une maîtrise suffisante .
La faune sous-marine était exceptionnelle , le festival de couleur prodigieux , des poissons par centaines semblaient suspendus au courant de ces petits fonds , immobiles , puis il taillaient la route à la vitesse d'une torpille dès les premiers remous gênants de leurs palmes .
Les deux copains remontaient en surface pour reprendre souffle , ils limitaient la profondeur de leur exploration à sept mètres ( et des poussières d'eau ! ) .
Ils étaient encore à distance proche de l’embarcadère , une centaine de mètres environ , il distinguaient déjà les premiers bénitiers .
Jacques fit un signe et ils poursuivirent leur balade sous-marine .
André sans grand enthousiasme , Jacques avec culot !!
La petite église cédait peu à peu sa place à une sorte de cathédrale et s’ouvrait ainsi devant eux une apparence de gouffre .
Une cinquantaine de mètres tout de même !!
Et de soudainement ressentir quelques sueurs froides !!
La faune semblait plus hostile , les proportions paraissaient décuplées.
Jacques le brave après avoir imposé de fréquentes séquences d’apnées jugea opportun d’indiquer le signal  du retour.
Tout se déroula pour le mieux, ils finirent par toucher les piloris de soutien de l’embarcadère, avant que de ressentir les premiers symptômes d’une crampe massive , carabinée …


Noël Vallier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire