vendredi 20 janvier 2012

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux (suite)

La peau des polynésiens est douce comme la soie , jamais de pilosité  fallait-il pour autant que les  métropolitains poilus, très majoritaires, se morfondent ?
Peut-être en effet, le spectacle d'un épiderme blanc conséquence sans doute d'une série de siècles imposant des accoutrements constitués par d'épaisses et grotesques toilettes, était peu ragoutant il faut bien le dire, le désordre était apparent dans ce pays où tout est miel, le goût, les couleurs, les ambiances et les humeurs seul le blanc immaculé de la chair de coco trouvait quelques grâces avant d'être très vite pulvérisé par l'industrie en vue de la transformation en huile de coprah.
Certains métabolismes s'acclimatèrent on compta en effet de belles réussites, des teints hâlés dit-on mais ce petit résultat chimique bien que convaincant serait précaire car à l’épreuve du temps les petits resquilleurs d’azur redeviendraient blancs comme neige, c’est ainsi  le soleil tahitien sait reconnaître les siens !!
Ce temps qui leur était compté désormais, c’est en semaines que notre ami André égrenait le compte du rebours.
Il avait vendu tous ses vinyles et réalisé la plus sotte affaire de sa jeune existence en bradant le fameux concept album « Magical Mystery Tour » grande orfèvrerie musicale à tirage limité que peu d'admirateurs possédaient.
La mine réjouie du petit gredin bénéficiaire de l'infâme troc en disait long sur l'énormité de cette stupide décision, l’infortuné André se retrouva Gros-Jean comme devant !!
Les quelques billets CFA monnayés couvraient peut-être la stricte valeur commerciale d’une page de cet album, et il ne comptait pas la valeur de son attachement, il prit le parpaing pleine face et se consolerait un jour ..

Il ne se lassait pas de s’étourdir encore et toujours des effluves de coco, de ceux des fleurs de Tiaré, c’était quasiment l'une de ses toutes dernières prises.
Il s’en alla une autre fois faire le tour de l’île, retrouva les amis du truck, traversa les districts toujours caressé par les alizés tièdes, il fit une halte à la pointe de Vénus, se rafraîchit par quelques embruns, reluqua encore les longues chevelures brunes ....
Cette année 1969 fut remplie de bontés, ce fut le temps de la trêve nucléaire, cependant combien de fois avait-il plongé dans les eaux turquoises du magnifique lagon de Tureia, parmi les particules, métaux divers et autres saloperies radioactives, dérobées à la vue, rampantes et pourtant incrustées dans le lagon comme des morpions sur le triangle noir …
Il n’était resté que quelques semaines sur l’archipel des Tuamotu la providence s’en était-elle mêlée et pensait-il se serait ainsi préservé du poison, tout va bien pour lui aujourd'hui dieu merci !!
Ses tripes sont intactes ...
Il pensait à ses camarades cantonnés dans ce paradis et ignorant des conséquences de cette sorte de peste aux polynésiens dédiés à cette belle vie sédimentaire, certains furent insidieusement dévastés, rongés à l'os  par le malin.
Sans compter les techniciens et l'ingénierie du site nucléaire de Mururoa si proches des volutes extraordinaires du champignon bousculant le ciel par ses secrètes cadences, cet azur violé, là-haut juste au-dessus de leurs têtes, ce ciel qui finirait par dissiper les traces des intrus … on ne sait où !!
Étrange chose quand la mort rode ou passe, elle tellement habile aussi pour programmer de sinistres destins sans jamais laisser la moindre trace et quel insupportable paradoxe de lui laisser en pâture l’une des terres de ce monde parmi les plus précieuses , les plus belles , les plus fragiles …
Mais fermons la parenthèse cette évocation n’entrait pas à l'époque dans les plans d’André, il était à son affaire du retour.
Petite folie passagère quand il se posa la question de l’opportunité ou non de rester sur le territoire, question vite réglée, revoir la famille et la métropole lui parut tellement vital que l'affaire fut en effet expédiée dans la minute.
Tous avaient à faire en France métropolitaine, les garçons étaient lucides, certains étaient pris par le devoir ou l'impérieuse nécessité, leurs femmes ou compagnes étaient belles, ils sacrifieraient à nouveau aux douceurs du dimanche mais n'oublieraient sans doute jamais de ranger dans leur précieux tiroir à souvenir les péripéties à peine croyables de cette exceptionnelle tranche de vie !!



Noël Vallier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire