dimanche 8 janvier 2012

L'Archipel radieux ( suite ) .

L'Archipel radieux ( suite )

Le temps était venu,celui de cette fameuse sauterie pour les besoins de laquelle il avait consenti un humiliant casting.
Tous seraient correctement rétribués disait-on, cependant le secret resterait total, il espérait aussi voir surgir du magma déferlant et de ses cliquetis, de temps à autre, de temps à autre seulement quelques élans de belle humanité.....
Assurer un peu d’argent de poche et pouvoir financer ainsi quelques modestes superflus c’était bien sa motivation principale
Les petits larbins de circonstance se présentèrent en livrée, mis de très belle façon , impeccables vraiment à croquer !
On leur avait promis une copieuse collation après cet interminable service.
Les premiers invités pressaient le pas, par petits groupes, puis peu à peu plus de monde se répandit.
Queues de pies, nœuds de papillons, smokings, robes en fourreau, décolletés insondables et de temps à autres au détour d’une allée soudainement des éclairs de grâce et de beauté ….
Les humeurs étaient diverses, aussi devraient ils faire preuve de suffisamment de savoir faire pour convaincre,et plaire le cas échéant.
Il y eu quelques mépris, peu cependant, de l’indifférence souvent, et miracle certaines convives leur témoignèrent de la sympathie !!
Il ne leur échappa point l’humeur concupiscente de quelques tables, la moiteur Polynésienne du début de la nuit, la cavalcade virile des jeunes hommes n’étaient pas sans intriguer voire troubler peut-être l’apparent détachement de certaines de ces dames …
Autour des tables un peu lasses, impatientes aussi sans jamais regimber, de charmantes adolescentes s'ennuyaient ferme,l’époque convenait que l’on appela « minettes » ces adorables gravures de mode.
Délurées ?? Quelquefois sans doute, certaines en conquête les regards en disaient long sur leurs curiosités.
Ils devraient donc s’accommoder de toutes ces occurrences, répondre à toutes les sollicitations, et ils prendraient encore le temps de se délecter du spectacle réjouissant proposé par les verdures et les fleurs environnantes, celui tout autant somptueux venu depuis les vertiges provoqués par l’indolence verticale des interminables cocotiers, sortes de lianes phalliques que les alizés ordinaires s'employaient à bercer en leur sommet …
La partie musicale était assurée  par un big band de haut niveau et l’assemblée présente ne s’offusqua point que soit pour une fois réservée la portion congrue au groupe vocal musical traditionnel  tahitien …
L’humeur et le parti-pris du soir étaient d’influence nord-américaine!!

S’il avait pris le temps de compter les barrettes dorées, André se serait endormi au rythme du test des moutons, la soirée touchait à son terme, toutes et tous s'esquivaient par petites vagues successives puis  passèrent cinq minettes qui leur donnèrent rendez-vous sur une plage voisine pour le dimanche suivant.

Il faudrait encore débarrasser les tables, tout remettre en ordre, et se restaurer peut-être …
Ce fut une belle foutaise, il n’y avait plus rien … ou si peu !!
Ils repartiraient le ventre vide, un loufiat de service répartit comme convenu  le pactole, ils avaient encore leurs yeux pour pleurer...
Puis on leur fit comprendre qu'il était temps pour eux de regagner leurs pénates !!


Tahiti, paradis sur terre, île magnifique oh combien navrée, elle comptait ses plaies  les "cadors" modernes avaient travesti les cocoteraies, réduit l’humeur enjouée des autochtones, démultiplié les attributions diverses de cette terre aujourd'hui dédiée à l’implantation de l’hôtellerie de luxe, et ce faisant soudoyé grassement les couards et les fêlons …
Ils atteindraient ainsi  cette culture rêvée, baignée de soleil certes mais encrassée par les suintements visqueux de la modernité.

Ils s’étaient retrouvé à la plage avec les minettes, filles charmantes maillots une pièce en élastomère serrant leur chair pour s'y confondre, le moindre de leurs mouvements levait un peu le voile sur une plastique parfaite que le crissement du lycra enfiévrait plus que de raison …
Ces affriolantes nymphettes intellectualisaient avec conviction les choses ordinaires de la vie.
L’écume venait effleurer leurs orteils gracieux et peu à peu le sable gris se dérobait puis tout semblait vaciller et se confondre, pensées charnelles et raisons, désirs et retenues, empressements et méthodes, la plage à peine chahutée par le vent brassait un sable devenu brûlant !!
Pourtant ??!!
Ils ramassèrent leur serviette et soudainement prirent congés, mais de fort galante façon.
Était-ce la peur des barrettes des pères, quelle serait donc la punition pour un flirt et si affinités cette affaire se terminerait-elle aux galères ??
Ils décampèrent de la plage le cœur plus léger !!!

André venait d’apprendre l’accident cardiaque de sa grand-mère, il considéra cette nouvelle avec inquiétude, mais ne mesura pas vraiment les conséquences possiblement tragiques d’un tel évènement.
Il lui expédia aussitôt un courrier de soutien et d'affection en lui rappelant toute sa tendresse.
Il ne craint jamais de la perdre, cette femme solide, rompue aux besognes les plus ingrates était un chêne …
Puis il y avait la protection de l’esprit saint, il lui devait tant, elle si dévote corvéable à toutes les servitudes de la paroisse, croyante jusqu’à briquer les dorures un peu ternies des missels …
Avec l’aide de Dieu elle s’en sortirait.
Elle survécut douze ans à son infarctus pour mourir d’autres causes …

Sur les pelouses impeccables du camp d’Arué, sur les bordures fleuries de la route qui serpente depuis Papeete, les pluies de l’automne avaient un peu raviné, la verdure et les florescences n’en prenaient que plus de vigueur, les arbustes de tiaré redevenaient une vraie splendeur, les odeurs douces diverses resurgissaient depuis leurs coquets bocages …
Toujours le même charme, la même griserie.

Noël Vallier

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