mercredi 2 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .



Ils repartirent tard, très tard, elle prit son scooter il lui saisit la taille, la nuit était douce, à peine ressentaient-ils la petite fraîcheur que la vitesse de l’engin brassait.
Elle le déposa prés de l’entrée du camp lui souffla un baiser puis elle repartit en direction de Papeete.
André consulta sa montre, il était trois heures, il veillerait à ne point troubler le sommeil de ses amis.
Ils dormaient tous profondément, il lui restait un petit bout de nuit pour se requinquer …
Pauvres grands-mères , sa conduite de la veille puis les jeux qui suivirent eussent été qualifié de turpitudes par les saintes femmes, il aurait écopé sous leur tutelle et en de telles circonstances d’une très sévère pénitence, le péché de chair n’était-il pas à leurs yeux le plus haïssable ....
Le tarif ordinaire délivré par l’arbitrage clérical aurait alourdit la peine il aurait en effet retenu des circonstances aggravantes pénalisant lourdement ses humeurs folâtres et sa conduite indigne .
Mais on ne confesse plus sous la contrainte à son âge , il songeait au redoutable tarif syndical , il échappait ainsi à la vingtaine de « Notre Père » requise puis une autre vingtaine de « Je vous salue Marie » que le redoutable curé n'aurait pu dissocier !!
Quand il était gamin à confesse après la sentence il s’agenouillait bien calé contre le dossier de la chaise et il récitait les louanges prescrites , il aimait se laisser distraire pour les "confesses" des fins d’après-midi d’été par les reflets du grand vitrail de l’église magnifié par les rayons du soleil déclinant .

C’était le lumineux mois de juillet et la métropole connaissait peut-être ses premières canicules !!
Amédée avait déjà disposé ses tréteaux et leurs couvertures de bois d’hêtre , rassemblé la main d’œuvre saisonnière et c’est dans leurs mains expertes que serait étalonné le calibre parfait qui conviendrait si bien aux niches capitonnées des cagettes .
Les pêches de la vallée de l’Ouvèze étaient les meilleures , l’arboriculture du village fière de ses dizaines d'hectares contribuait au développement du label .
Etaient écartées sans concession celles dites du « retrait » , énormes et charnues, trop mûres pour l‘expédition , elles finiraient au commerce de détail à la grande satisfaction des gourmets qui savaient combien ces fruits dépareillés contenaient d'exceptionnelles saveurs !!

Les géraniums des mémés devaient se répandre en cascades débordant sur toute sa longueur le muret de la terrasse.
Réduiraient-elles cette année encore quelques tuiles pour colorer les hortensias et auraient-elles la force de sarcler une fois encore les mauvaises herbes de la petite cour ??

Il se réveilla à l’heure prévue, il ne pourrait s'y soustraire ...
Endormissement tardif , nuit expédiée mais réveil collégial.
André en manque de sommeil se retrouva sous la douche, comme les autres, à peine prit-il un peu plus de temps pour se défaire à regret des dernières petites poisses de monoï qui collaient à son cou …

Il partirait ce matin à Hao, un avion militaire l’emmènerait sur cette île lointaine pour une journée sportive qui engagerait son équipe dans le cadre d’un tournoi de rugby.
Ah ces merveilleux moments de castagnes !!
A ce jeu les tahitiens étaient redoutables, félins, puissants les gaillards  des îles plantaient des mailloches en pleine poire, les piliers de l’équipe militaire répliquaient de concert ...
André et ses amis fraterniseraient avec leurs opposants du jour, le temps sans concession du match était une épreuve, celui de l’amitié effacerait aussitôt les conséquences de quelques querelles.
Un impressionnant « Tamara’a Tahiti » serait servi en leur honneur à la tombée de la nuit !!
Cuits à l’étouffé dans un four de circonstance creusé à même la terre, enveloppés dans de larges feuilles de bananiers posées sur des pierres brûlantes, recouverts de feuilles de palme, puis de terre et de composts végétaux les cochons de lait seraient longuement apprêtés avant que d'être répartis aux convives en portions généreuses .

La fête se terminerait tard, au moment unique où le lagon frissonne saisi par la fraîcheur des heures profondes de la nuit, à l’instant ou clapotent un peu plus bruyamment ses vaguelettes, viendraient alors lointaines résonances, se répandre les sons étouffés de quelques musiques étranges comme accouchées depuis l'encre noire du ciel polynésien .

Ils repartiraient tard le lendemain, l’avion militaire embarquerait la troupe encore éteinte en direction de Papeete, au fil des minutes l’azur radieux de la Polynésie claquerait dans leurs mirettes sa transparence mystique, puis saisis par des vertiges incontrôlables, ils contiendraient pudiquement leurs émotions …

Noël Vallier .

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