dimanche 6 novembre 2011

L'Archipel radieux ( suite ) .




L'Archipel radieux ( suite ) .


La journée à Papeete serait libre de toutes contraintes militaires, il en profiterait pour passer chez le disquaire, à l’intuition il se fendit d’un vinyle, dans les reflets de son carton glacé s’embarquaient deux visages de femme .
L’une était noire, l’autre était blanche, elles étaient belles et s’amusaient toutes deux de l'échange conjoint d'un regard complice.
Il repartit vers Arué empruntant la première navette et négligeant pour une fois son tour de marché.

Il connaissait le trajet par coeur, tellement fréquentable ce long tunnel d’ombre vers Pirae, providentielle fraîcheur que la tôle du bastringue ambulant absorbait hélas en partie.
Il aurait préféré le truck, fraîcheur garantie pour le coup, parfums faufilés entre ses étroites claires-voies, une,deux, trois peut-être elles seraient là, jamais les mêmes mais toujours ravissantes les vahinés à la peau cuivrée, dorée jusqu'au derme allez savoir, souvent parties pour quelques escapades à travers districts .

Quelques éclats de rire, des regards fuyants ou invitants c'était selon leurs humeurs les circonstances ou le charme des garçons, elles les feraient souvent tourner en bourrique !!
André serrait fort son vinyle, comment chanterait le microsillon, musique en tête il swinguerait de la soul musique, il voulait bien le parier.
Il se distrait encore!
Souvent les tahitiennes étaient assises, le tissu de leur robe paréo en partie enfoui dans leur entrejambe, rien de leur anatomie intime ne serait ainsi dévoilé, craignaient-elles des indélicatesses de quelques gredins ?? Sans doute !!
Parvenu au camp, il se précipita en direction de l’algeco, puis il se saisit du Teppaz cala le microsillon et s’appuyant d’une fesse contre son lit se réjouit de ce qu'il écouta, les deux "nanas" se disputaient un vibrato étourdissant de jazz, l'ambiance musicale lui parut novatrice, la course rapide du 45 tours le contraint à recharger une vingtaine de fois.
Il était heureux.
Toujours la même routine aux cuisines, Napu n’était plus depuis deux mois, Hatani autre colosse avait pris du relief.
Lui serait-il venue la soudaine idée de se laisser aller à distribuer quelques claques que les gringalets de la brigade se seraient retrouvés sur orbite Tahitienne en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Mais Hatani était un brave...

André avait guéri ses plaies, traînaient encore quelques courbatures qu'il oublia bien vite.
Au camp la petite chambrée vivait une belle fraternité, Stéphane de Marseille traînait fort son accent , de belle allure il chaloupait un peu comme aux meilleurs moments de Panisse, son chic était épatant bien loin de celui recommandé par les injonctions culturelles de Marcel Pagnol , cependant André aimer situer le coeur battant de Stéphane cognant du côté du vieux port, cette belle rade toute en couleur semblait vraiment lui correspondre.
Bernard plus rond était pourtant souple comme une liane, ses lunettes cachaient un peu ses yeux rieurs, sa superbe intellectuelle s'imposait à tous, il était fraternel et attentionné, il exerçait au civil le difficile métier d'instituteur.
Les deux amis tenaient depuis le premier jour de leur arrivée au camp un volumineux registre exclusivement dédié au septième art, ils annotaient tous leurs ressentis, le film du soir passait au crible de leurs jugements seraient ainsi reconnues quelques séries B ou d’autres polars mésestimés, rejailliraient ainsi à la barbe des incrédules les vertus de nombreuses pellicules que beaucoup ne concevaient plus!!
Les étoiles chichement attribuées faisaient belles les pages de cet abécédaire, pertinemment argumentée la bible faisait référence...

Oubliées les moustiquaires , les petites bêtes fouineuses s’en étaient allées voir plus loin pour trouver un peu de pitance craignant tant désormais des redoutables machines à fly-tox …
Il venait d’apprendre que de sévères frictions avaient ébranlé la veille le fameux « Quenns » à Papeete, de la viande saoule avait traîné tard sur le quai et autour de l’embarcadère.
On y avait relevé des tahitiens des légionnaires et quelques énergumènes hybrides, tous remarquablement agglutinés !!
Les tôles de l’établissement avaient souffert, le comptoir s’était un peu disloqué mais l’endroit ne ferait pas relâche, dès la nuit tombée le dancing sulfureux reprendrait du service.
Le camp recensait quelques gueules cassées, le commandement de la légion avait ordonné des consignes pour que cesse un temps cette épidémie de distribution de mandales !!
Au camp chez les appelés c’était plus distingué, plus précieux, plus coquet, pour tout dire plus tendance !!
Huile de monoï couleur miel protection 0, c’était leur ambre solaire de référence , gare aux peaux laiteuses, gaffe à celles que le soleil aimait tant rosir, elles seraient rongés le soir même, d’autres plus résistantes seraient toujours au meilleur.
Ils étaient ainsi quelques éphèbes à arpenter le camp, leur bronzage noir cuivré patiemment travaillé flattait leur ego!
Parviendraient-ils un jour à devenir tous blonds?

Noël Vallier

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